LA RÉSISTANCE BACTÉRIENNE SOUS SURVEILLANCE - La Semaine Vétérinaire n° 1449 du 06/05/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1449 du 06/05/2011

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En santé humaine comme en santé animale, la surveillance de l’antibiorésistance s’organise. En Europe, les données collectées ciblent certains agents pathogènes couplés avec les antibactériens dont l’efficacité diminue. Des mesures visent à améliorer l’usage des antibiotiques pour éviter leur extinction. L’exemple du staphylocoque doré résistant à la méticilline est représentatif des connexions entre la santé humaine et animale.

La plupart des antimicrobiens connus sont issus des défenses mises en place par les micro-organismes. Les phénomènes de résistance sont donc bien antérieurs à la découverte de leur emploi en médecine humaine ou animale. La perte d’efficacité des antibactériens observée dans le monde entier est d’importance cruciale en santé publique, car tout un pan de la thérapeutique devient progressivement, et de plus en plus rapidement, inutile. Ce phénomène est donc étudié, aussi bien dans le domaine vétérinaire (notamment en France par le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales, le Resapath) qu’en médecine humaine. Dans l’Hexagone, la surveillance est effectuée par l’Observatoire national d’épidémiologie de la résistance bactérienne aux antimicrobiens (Onerba) et plusieurs réseaux spécialisés par maladie ou agent pathogène (réseaux de surveillance de la tuberculose multirésistante, des salmonelles, des infections à Campylobacter ou à gonocoques, etc.).

La situation est cependant loin d’être stabilisée, notamment lors de résistance plasmidique dont la transmission est beaucoup plus facile et rapide (simple échange ou recombinaison de plasmide entre bactéries) que la résistance chromosomique qui, elle, est naturelle ou apparaît après une mutation. Ainsi, des résistances multiples sont apparues et se généralisent, créant des “superbactéries” impossibles à éliminer, à l’image de ce qui se produit pour les gonocoques aux Etats-Unis (responsables de la blennoragie) ou de la diffusion des bactéries porteuses du gène blaNDM-1 codant pour une enzyme de multirésistance (qui ramène tous les antibiotiques au rang de placebo).

Trois niveaux de surveillance pour un meilleur usage des antibiotiques

En Europe, la Commission européenne a lancé l’European Antimicrobial Resistance Surveillance System (EARSS, Système de surveillance de la résistance aux antimicrobiens) en 1999. Son rôle est de collecter des données relatives aux bactéries résistantes en provenance des pays participants, au nombre de trente-trois actuellement, mais aussi de fournir une analyse de ces données, une aide pour les plans de surveillance nationaux afin d’adapter la thérapeutique aux situations locales.

Au départ, ce système ne collectait que les données relatives à deux agents pathogènes, Streptococcus pneumoniae et Staphylococcus aureus, et à quatre combinaisons entre agent pathogène et molécule. Actuellement, sept bactéries (Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Enterococcus faecium, Escherichia coli, Klebsiella pneumonia et Pseudomonas aeruginosa) et vingt combinaisons sont sous surveillance. Les données proviennent essentiellement de laboratoires d’analyses médicales et d’hôpitaux. Des tests de validation sont régulièrement réalisés pour vérifier que les techniques utilisées par les différents laboratoires sont standardisées et qu’ils fournissent donc des données comparables.

La surveillance s’effectue à trois niveaux :

– au niveau des agents pathogènes : l’information génétique des micro-organismes, les trajectoires et l’évolution géographique servent à déterminer les réservoirs et leur rôle, ainsi que l’origine de l’émergence, de la virulence, de la transmissibilité et l’abondance de certains agents pathogènes humains ;

– au niveau de l’hôte : c’est l’élément le plus général et le plus fréquemment utilisé pour la sécurité des patients. Il guide les traitements selon l’épidémiologie locale. A ce niveau, le patient individuel est l’unité d’intérêt et la récolte de données fournit les bases de décision pour une thérapie empirique ou de première intention, donc l’utilisation judicieuse des antibiotiques ;

– au niveau de la population : les degrés de résistance national et international sont mesurés. Le phénomène d’antibiorésistance est replacé dans un contexte global avec les autres menaces sur la santé publique. Les informations fournies ont pour objectif de faciliter la reconnaissance publique des agents antimicrobiens comme des ressources rares ou non renouvelables, afin de soutenir les changements de politiques et éventuellement d’aider à rediriger les investissements pour le développement de produits.

Un bilan positif pour les Sarm, négatif pour les fluoroquinolones

La politique de l’Europe en matière d’antibiotique encourage la réduction du recours aux antibactériens. De ce fait, le bilan 2008 montre que, pour la première fois, la proportion de staphylocoques résistants à la méticilline (Sarm) diminue dans de nombreux pays, bien qu’elle demeure supérieure à 11 % dans vingt-quatre Etats et à 25 % dans onze d’entre eux.

L’augmentation de la résistance d’E. coli dans toute l’Europe devient préoccupante. Les plus fortes résistances sont notées pour les aminopénicillines avec, selon les pays, de 32 à 78 % de bactéries résistantes – ce qui déqualifie ces molécules comme traitement empirique – et la proportion ne cesse de croître.

Pour les quinolones aussi, la situation devient critique, car les résistances se développent beaucoup plus rapidement que dans tous les autres couples bactérie/antibactérien surveillés par l’EARSS (voir cartes ci-dessus). Une résistance combinée est fréquente, avec souvent une corésistance à quatre classes d’antimicrobiens (y compris les céphalosporines de troisième génération). Une forte prévalence de souches de Klebsiella résistantes aux céphalosporines de troisième génération, aux fluoroquinolones et aux aminoglycosides devient évidente en Europe centrale et du Sud-Est. Le plus fréquent phénotype montre des résistances aux trois classes d’antibiotiques enregistrées par l’EARSS, bien que les carbapénèmes gardent une certaine efficacité dans la plupart des pays.

Ces données expliquent la surveillance conjointe qui s’opère désormais en santé animale. La perte d’efficacité des antibactériens évolue de la même façon, bien qu’avec un léger temps de retard, par rapport à ce qui est observé en santé humaine.

Evolution des résistances aux antimicrobiens

Aux Etats-Unis, le Center for Disease Dynamics, Economics and Politics (CDDEP) met en ligne des cartes animées(1) pour sensibiliser le grand public au phénomène d’antibiorésistance. Ces cartes montrent l’évolution depuis l’an 2000 du taux de résistance de six bactéries pathogènes pour l’homme.

S. P.
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