Les tribunaux n’hésitent plus à appliquer la garantie de conformité aux ventes d’animaux - La Semaine Vétérinaire n° 1446 du 15/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1446 du 15/04/2011

Jugement rendu par le tribunal d’instance de Bayonne le 10 novembre 2010

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Toutefois, dans cette affaire de chaton atteint de péritonite infectieuse féline, l’indemnisation du vendeur aurait dû se limiter au remboursement des frais vétérinaires engagés.

LES FAITS DE L’ESPÈCE

Le 21 juillet 2008, Mme Acheteuse acquiert auprès de Mme Eleveuse un chaton de race ragdoll, né le 21 avril 2008. Le prix de vente est fixé à 1 300 €.

Lors de la délivrance de l’animal, certaines recommandations sont faites à l’acheteuse dans la mesure où le chaton a perdu un peu de poids et doit prendre un médicament en raison du vaccin qui vient d’être réalisé.

Cependant, dès le 22 juillet 2008, l’animal présente des diarrhées qui conduisent sa nouvelle propriétaire à consulter le vétérinaire. L’état de l’animal ne s’améliorant pas, les consultations se succèdent et le chaton finit par être hospitalisé du 28 juillet au 7 août 2008. Le dernier jour, le vétérinaire qui soigne l’animal établit un certificat de suspicion de péritonite infectieuse féline.

UNE TENTATIVE AMIABLE QUI ÉCHOUE

Mme Acheteuse ne manque pas d’informer l’éleveuse de tous ces événements et sollicite auprès d’elle la résolution de la vente. Allant dans le sens d’un arrangement à l’amiable, Mme Eleveuse accepte le principe de la résolution. A ce stade, le dossier aurait donc pu être clos. Cependant, il n’en a rien été.

En effet, pour transiger, les deux parties doivent être d’accord sur toutes les modalités. Or, en l’espèce, les frais de déplacement et leur charge financière ont précipité les parties vers le procès. Mme Acheteuse habite la région parisienne, alors que Mme Eleveuse réside dans le sud-ouest de la France. Ne souhaitant pas prendre en charge les frais de restitution du chat, l’acheteuse a subordonné la résolution de la vente au fait que l’éleveuse vienne le récupérer à Paris. Le refus de Mme Eleveuse à ce stade est à l’origine de la procédure judiciaire.

QUID DES FRAIS DE DÉPLACEMENT POUR RESTITUTION EN CAS DE RÉSOLUTION DE LA VENTE ?

Cette question, classique et récurrente, se pose à chaque fois qu’un acheteur effectue de nombreux kilomètres pour acquérir un animal. Il s’agit également d’un point qui prête à discussion. En effet, la résolution d’une vente entraîne son anéantissement et oblige chaque partie à rendre ce qu’elle a reçu : le vendeur doit restituer le prix de vente et l’acheteur l’animal acquis. Mais la loi ne dit rien expressément sur les frais liés à cette restitution. Deux positions peuvent donc être plaidées devant un tribunal. En premier lieu, il peut être considéré qu’il appartient à l’acheteur de restituer l’objet de la vente, donc de prendre à sa charge les frais de déplacement. L’autre option consiste à plaider sur le fondement de l’article L.211-11 du Code de la consommation, qui dispose que « l’application des dispositions des articles L.211-9 et L.211-10 a lieu sans aucun frais pour l’acheteur ». Ce dernier ne devant supporter aucun frais lié à la résolution de la vente, il appartient au vendeur de prendre à sa charge ceux de la restitution.

A titre d’exemple, par jugement en date du 3 décembre 2009, la juridiction de proximité de La Châtre a prononcé la résolution de la vente d’une chienne pour des parties également éloignées géographiquement. Elle avait ainsi statué : « Prononce la résolution de la vente intervenue le 9 octobre 2008 entre X d’une part et Y d’autre part, portant sur une chienne dénommée Z ; ordonne, par conséquent, à MmeY de restituer à X la chienne. » Voilà qui ne nous avance guère et oblige de continuer à surveiller la jurisprudence.

UNE MAUVAISE INITIATION DE LA PROCÉDURE PAR L’ACHETEUSE

Mme Acheteuse, se sentant lésée par la vente, a commis l’erreur (comme beaucoup d’acheteurs) de diriger initialement son action vers la voie pénale. Elle porte plainte le 29 juillet 2008 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris pour escroquerie.

Ce délit est ainsi défini par l’article 313-1 du Code pénal : « L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. » On comprend, à la lumière de ce texte, pourquoi la plainte de Mme Acheteuse est classée sans suite.

NOUVELLE SAISINE DE LA JUSTICE

Cette fois-ci, certainement mieux conseillée (quoique…), Mme Acheteuse opte pour la voie civile et saisit le tribunal d’instance de Paris, le 20 août 2008. Il s’agit cependant d’une nouvelle erreur procédurale, dans la mesure où l’animal n’a pas été remis en région parisienne à Mme Acheteuse.

Statuant sur l’exception de compétence territoriale qui lui est soulevée, le tribunal d’instance de Paris se déclare incompétent, le 4 mars 2009, et renvoie l’affaire devant celui de Bayonne.

Au final, l’affaire est donc jugée à l’audience du 22 septembre 2010 (soit plus de deux ans après la vente).

LES DEMANDES INDEMNITAIRES DE L’ACHETEUSE

Deux types de demandes ont été formulés par Mme Acheteuse :

– le remboursement d’une partie du prix du chaton, soit 650 € ;

– le remboursement des frais déboursés pour soigner l’animal et l’indemnisation de son préjudice moral, soit 2 909 €.

L’addition de ces demandes commande un constat que, pourtant, personne n’a semblé faire… En effet, 2 909 + 650 = 3 559 €. Il est donc manifeste que la somme demandée par Mme Acheteuse est inférieure à 4 000 €. Ce n’est donc pas un tribunal d’instance que Mme Acheteuse aurait dû saisir, mais plutôt une juridiction de proximité. Or, cela n’a apparemment effleuré l’esprit de personne, puisque ni le défendeur à l’action ni le tribunal n’a soulevé ce souci procédural ! Le juge statue même, au final, « contradictoirement et en premier ressort ».

LE FONDEMENT DES DEMANDES DE L’ACHETEUSE

Sur ce point, Mme Acheteuse est bien conseillée puisqu’elle n’initie pas sa procédure sur le fondement du Code rural, mais sur le Code de la consommation et la garantie de conformité.

En revanche, elle fonde d’emblée ses demandes sur l’article L.211-10 qui permet à l’acheteur de « garder le bien et se faire rendre une partie du prix » et sur l’article L.211-11 relatif à l’allocation de dommages et intérêts.

LE JUGEMENT DU TRIBUNAL

Sans surprise, et malgré l’opposition de Mme Eleveuse, le tribunal juge recevable la procédure de Mme Acheteuse sur le fondement du Code de la consommation, même si la maladie invoquée, en l’occurrence la péritonite infectieuse féline, fait bien partie de la liste des vices rédhibitoires.

Toutefois, sur l’indemnisation octroyée, la décision est contestable. En effet, l’article L.211-10 invoqué par Mme Acheteuse ne s’applique que si « la réparation et le remplacement du bien sont impossibles ». Cet article n’est donc qu’un subsidiaire de l’article L.211-9, qui stipule bien comme principe qu’ « en cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien  ». Or en l’espèce, comme le relève l’éleveuse, de manière assez extraordinaire le chat aurait guéri de la péritonite infectieuse féline. La réparation est donc bien possible. L’indemnisation du vendeur aurait donc dû être limitée au remboursement des frais vétérinaires exposés.

Au lieu de cela, le tribunal statue ainsi :

– sur le remboursement partiel du prix de vente : « Dans la mesure où le chat est à ce jour vivant et que d’ailleurs, Mme Acheteuse souhaite le conserver, il sera fait droit à sa demande dans la limite de 300 n » ;

– sur le remboursement des frais : « Elle justifie de frais de soins, d’hospitalisation et de médicaments, constituant un préjudice matériel ouvrant seul droit à réparation. Le surplus des frais qu’elle a engagé pour le chat ne donne pas lieu à remboursement. Il sera en conséquence fait droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1227,61 € » ;

– sur l’octroi d’un préjudice moral : « Mme Acheteuse ne justifie pas avoir subi un préjudice moral ouvrant droit à réparation pour s’être occupée du chaton. »

En conclusion, il est manifeste que les tribunaux n’hésitent plus à appliquer la garantie de conformité aux ventes d’animaux. Il reste cependant encore un long chemin à parcourir avant que la jurisprudence soit uniforme quant à l’indemnisation accordée.

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