Le droit à l’image s’applique-t-il à un animal ? - La Semaine Vétérinaire n° 1445 du 08/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1445 du 08/04/2011

Code civil

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate à la cour de Toulouse

Depuis un arrêt de 2004, le propriétaire d’un animal ne dispose plus d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci. Certains recours existent néanmoins.

A l’ère d’Internet, promouvoir son élevage ou simplement communiquer sur ses animaux est désormais à la portée de tous. Quelle fierté pour un éleveur de publier des photographies de ses champions, d’afficher les prix qu’ils ont remportés ou de présenter les petits de la dernière portée ! Mais qu’en est-il lorsqu’un tiers utilise l’image de ses animaux ?

1 QUELS SONT LES CARACTÈRES FONDAMENTAUX DU DROIT DE PROPRIÉTÉ ?

Qu’il concerne un cheval, un chien ou un chat, le droit de propriété est le même. Dans tous les cas, l’article 544 du Code civil est incontournable : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » Sur la base de ce texte, la doctrine reconnaît depuis longtemps trois caractères fondamentaux au droit de propriété : il est absolu, exclusif et perpétuel. L’exclusivité du droit de propriété implique, en principe, que les tiers ne peuvent ni user ni jouir (ou disposer) du bien d’une personne.

2 QU’EN EST-IL DU DROIT À L’IMAGE DE L’ANIMAL JUSQU’EN 2004 ?

Jusqu’à cette date, les chambres civiles de la Cour de cassation étaient partagées sur le sujet. En effet, bon nombre de décisions voyaient dans l’exclusivité du droit de propriété la possibilité, pour le possesseur d’un bien, de s’opposer à la reproduction ou à la publication de la photographie de celui-ci. Le propriétaire était ainsi en mesure d’aller contre l’utilisation de l’image de son bien, y compris à des fins non lucratives. Il n’avait pas à justifier d’un quelconque préjudice pour demander réparation dès que son droit de propriété était altéré. En raison de l’application de cette jurisprudence, il était impossible de prendre en photo un animal dans les salons ou les expositions sans obtenir préalablement l’autorisation de son propriétaire. Un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, rendu le 10 février 2000, en témoigne : « Le droit de propriété sur un objet, mobilier ou immobilier, conduit à accorder à son titulaire le droit de refuser la reproduction photographique de celui-ci en l’absence d’autorisation expresse. Doivent être condamnés in solidum les utilisateurs de l’image d’un dauphin appartenant à un parc d’attraction puisque, s’agissant d’animaux parfaitement identifiables sur les clichés produits, dressés et dont les qualités sont très particulières, le propriétaire est en droit de s’en réserver l’exclusivité de la reproduction et d’éviter que des entrepreneurs non autorisés tirent un profit illicite d’une exploitation de l’image. »

3 COMMENT LES DROITS DE PROPRIÉTÉ ET À L’IMAGE ONT-ILS ÉVOLUÉ DEPUIS 2004 ?

La position adoptée jusqu’en 2004 présentait l’inconvénient de ne pas concilier les intérêts du propriétaire du bien et ceux des commerçants de l’image. Fallait-il céder à la pression de ces derniers ? C’est en tout cas ce qu’a fait la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière le 7 mai 2004. Dans cette affaire, le propriétaire d’un immeuble historique de Rouen se plaignait de l’exploitation commerciale de la reproduction de la façade de son bâtiment dans un dépliant publicitaire. Il fondait notamment son action sur la violation de l’article 544 du Code civil. Rendant un arrêt de revirement, la cour n’a pas fait droit aux demandes du plaignant et a jugé « que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci. (… ) Il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ». Le nouveau principe est donc posé : le propriétaire a un droit exclusif sur son bien, sauf en ce qui concerne son image.

4 COMMENT SE DÉFINIT LE TROUBLE ANORMAL ?

A la lecture de l’arrêt du 7 mai 2004, le trouble anormal subi par le propriétaire du bien représente la seule voie susceptible de faire interdire l’utilisation de l’image. Déterminer ce que ce trouble inclut est difficile, car les juges du fond apprécient souverainement s’il présente un caractère normal ou non. Il existe donc une grande casuistique en la matière. Deux affaires, opposées quant à l’appréciation du trouble, l’illustrent.

Un arrêt, rendu par la cour d’appel d’Orléans le 15 février 2007, concerne un litige entre M. A, photographe professionnel, et les époux X, éleveurs de bichons maltais. M. A a pris des clichés de trois des chiens des époux X. Ces derniers lui reprochent une exploitation commerciale de ces images, ainsi que d’avoir dépassé les limites qu’ils lui avaient accordées et assignent M. A en réparation de leur préjudice. La cour a jugé que « le propriétaire d’un bien, tel un animal, ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci, mais peut seulement s’opposer à l’utilisation de cette image par des tiers, lorsqu’elle lui cause un trouble anormal. Ce trouble ne saurait résulter de la privation des propriétaires d’un chien des fruits de l’exploitation commerciale de l’image de celui-ci comme support de cartes postales ou de fonds de cadran de pendules, ni, s’agissant de clichés pris à l’intérieur de l’élevage avec l’autorisation verbale des propriétaires, d’un dépassement des limites de l’autorisation, en l’absence de preuve d’une limitation de l’autorisation ».

Une ordonnance de référé (du 26 janvier 2011) du tribunal de grande instance d’Amiens est relative au cas de M. D, un propriétaire d’un chien de race barbu tchèque qui a obtenu plusieurs récompenses lors de concours. M. D, qui n’est pas professionnel, entend monnayer les différentes saillies de cet animal auprès d’éleveurs et d’amateurs des chiens de race barbu tchèque. Pour sa part, M. F, éleveur d’animaux de la même race, dispose d’un site Internet dans lequel il utilise l’image du chien de M. D, tout comme ses références. Dans sa décision, le tribunal estime que « le propriétaire d’un animal ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci, mais peut seulement s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ; la diffusion non contestée de la photo de ce chien de race identifié par son nom et sa récompense sur le site Internet d’un éleveur de chiens, est de nature à suggérer, pour l’internaute qui le consulte, un lien entre ledit animal et l’activité commerciale de l’éleveur. Le caractère abusif de cette utilisation, en lien avec une activité commerciale, rend anormal le trouble que ne peut manquer d’occasionner cette diffusion chez le véritable propriétaire, seul fondé à exploiter les qualités du chien de race primé qu’il possède. » La cour a condamné « M. F à supprimer toutes références photographiques et textuelles du chien de son site Internet […] et ce sous astreinte. »

Dans la pratique, la position adoptée par la cour d’appel d’Orléans domine largement. Il faut par conséquent en conclure que nos animaux ne sont plus à l’abri des paparazzi.

Questions fréquentes

• Y a-t-il une manière privilégiée de faire constater le trouble anormal ?

Oui. Celui qui se plaint de l’exploitation de l’image de son animal a tout intérêt à faire constater par huissier cette utilisation par le tiers.

• Le même régime juridique est-il applicable à l’image des personnes ?

Non. La réalisation de l’image d’une personne dans un lieu privé n’est licite qu’à la condition que celle-ci ait donné son consentement. A défaut, l’article 226-1 du Code pénal pourra être utilisé pour faire condamner le photographe (peines encourues : un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende).

• Est-il possible de parler de faute dans l’exploitation de l’image de l’animal d’autrui ?

Non. Le régime de cette responsabilité est détaché des articles 1 382 et suivants du Code civil. La notion de faute est donc étrangère au trouble anormal.

C. P.

Les attributs du propriétaire

Tout propriétaire dispose de trois droits primordiaux : l’usus, le fructus et l’abusus. Positivement, pour un bien meuble tel que l’animal, l’i est le droit de se servir ou non de ce bien pour son agrément ou son exploitation économique. Le fructus est la faculté de jouir du bien, d’en retirer tous les fruits qu’il donne et de choisir la destination des fruits récoltés. L’abusus est le pouvoir de disposer de son bien, de le vendre, de le donner ou de l’abandonner.

C. P.

PRÉCISION

Droit à l’image et concurrence déloyale

Un professionnel peut également faire sanctionner l’utilisation par un tiers de l’image de son bien à des fins commerciales, si celle-ci crée un risque de confusion dans l’esprit du public ou si le tiers profite indûment des efforts déployés par le propriétaire du bien dans l’exploitation de son image. Il agira alors en concurrence déloyale.

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