L’anesthésie du jeune veau est un exercice à haut risque - La Semaine Vétérinaire n° 1445 du 08/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1445 du 08/04/2011

Thérapeutique

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Périé

Fonctions : praticien à Pont-Audemer (Eure). Conférence présentée lors de la Journée normande vétérinaire à Deauville, le 12 octobre 2010.

Particulièrement fragile, le veau nouveau-né doit faire l’objet de protocoles anesthésiques adaptés. Le recours à l’anesthésie gazeuse est conseillé pour les interventions longues.

L’anesthésie du veau nouveau-né est un acte délicat, car l’animal est fragile et peu de molécules disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette espèce. Le principe de la cascade (voir encadré) permet toutefois d’élargir l’arsenal thérapeutique, afin d’obtenir des protocoles efficaces et sécurisants. Jusqu’à quatre semaines, le veau est à considérer comme immature et particulièrement sensible. Une évaluation précise du poids est indispensable pour éviter les surdosages, relativement fréquents chez ces animaux. Une voie veineuse (cathéter 16 ou 18G posé dans la veine jugulaire) permet de sécuriser la procédure et de prolonger l’anesthésie en cas de besoin. Dans l’idéal, une perfusion peropératoire est mise place afin de prévenir toute hypovolémie, mais aussi de maintenir une voie d’accès rapide lorsqu’une réanimation s’impose. Une attention particulière est à porter au risque d’hypothermie. Le veau nouveau-né régule difficilement sa température et un bon paillage, une lampe chauffante, voire une couverture de survie sont nécessaires. La diète préopératoire est à éviter chez les très jeunes veaux et doit se limiter à quelques heures (six à douze) chez ceux âgés de plus d’un mois.

La prémédication doit tenir compte des effets secondaires des molécules

Une prémédication à l’aide de xylazine ou de détomidine permet de limiter le stress et d’éviter une contention musclée. Des doses modérées (xylazine 0,05 à 0,2 mg/kg, détomidine 2,5 à 10 µg/kg) sont injectées de préférence par voie intramusculaire afin de minimiser les effets cardiorespiratoires. Ces molécules sont contre-indiquées chez les très jeunes veaux et chez les animaux débilités. Les autres 2agonistes ne disposent pas d’AMM chez les bovins.

Injecté trente minutes après l’une de ces molécules, l’atipamézole permettrait un réveil plus rapide. Malheureusement, son utilisation est interdite chez les animaux de rente. En appliquant le principe de la cascade, le butorphanol (0,1 à 0,2 mg/kg) peut être associé aux molécules précédentes et apporte une bonne analgésie. En raison de leurs faibles effets secondaires, les benzodiazépines (diazepam, midazolam) constitueraient une alternative intéressante, mais elles ne disposent pas d’AMM.

L’anesthésie fixe est la plus utilisée sur le terrain

Lorsque l’intervention se déroule sur le terrain, le praticien doit se contenter d’une anesthésie fixe. La kétamine est sûre d’emploi, en particulier chez le jeune veau. Néanmoins, ses défauts (absence de myorelaxation, analgésie faible, anesthésie de dix à vingt minutes seulement) font qu’elle ne peut être utilisée seule. Elle doit être associée à un 2agoniste, voire à du butorphanol, et sera injectée cinq minutes après la prémédication si celle-ci est administrée par voie intraveineuse, ou quinze minutes après lors d’administration intramusculaire. Lorsque l’anesthésie doit être prolongée, elle est injectée à demi-dose, puis par quart de dose. Les injections sont à limiter au maximum pour ne pas retarder le réveil et induire une hypothermie.

Bien qu’il dispose d’une AMM, le thiopental est à éviter chez les veaux nouveau-nés en raison de ses effets dépresseurs sur le système cardiovasculaire et de son métabolisme hépatique. L’association tilétamine-zolazepam est souvent utilisée par les praticiens, car elle assure une anesthésie plus longue (vingt à quarante minutes), mais elle ne dispose pas d’AMM chez les bovins. Son emploi doit donc être évité (voir tableau).

Au cabinet ou pour des interventions longues, l’anesthésie gazeuse est préférable

Lorsque l’opération est plus longue, l’anesthésie volatile est à privilégier. Pour l’induction, le praticien peut recourir aux molécules précédemment citées en diminuant leurs doses. Le propofol et l’alfaxolone sont sûrs d’emploi chez les jeunes animaux (peu d’effets cardiorespiratoires, effet dose-dépendant et vitesse d’injection-dépendante), mais aucune limite maximale de résidus (LMR) n’est fixée. L’induction par inhalation de mélange gazeux, à l’aide d’un masque ou d’une sonde naso-œsophagienne, permettrait un réveil et une récupération plus rapides, mais elle est difficilement réalisable en pratique.

Une fois anesthésié, le veau est intubé. Cette procédure devrait être systématique afin de limiter le risque de fausse déglutition et pour le réanimer plus efficacement si nécessaire. Le protocole d’intubation est le même que chez les carnivores. Deux types de sondes peuvent être employés : une droite en silicone (diamètre interne de 10 à 18 mm) ou une incurvée en caoutchouc ou en PVC (diamètre inférieur à 12 mm). Un laryngoscope à lame droite longue facilite la procédure.

L’anesthésie est entretenue par le mélange gazeux (oxygène mélangé ou non à de l’air et isoflurane) qui entraîne une perte de conscience dose-dépendante. L’isoflurane dispose maintenant d’une AMM pour les autres espèces, il peut donc être employé chez les bovins en application du principe de la cascade.

Pour des raisons économiques, un circuit réinhalatoire est préféré. Pour les veaux de moins de 150 kg, un appareil d’anesthésie pour petits animaux est suffisant. Le débit est alors réglé au plus haut (500 ml/min + 10 à 15 ml/kg/min) et le circuit en position semi-fermée (valve de trop-plein légèrement ouverte). A la fin de la procédure, le veau continue à recevoir de l’oxygène afin d’éliminer les vapeurs anesthésiques. La sonde est retirée lorsqu’il a récupéré un réflexe de déglutition.

La rachi-anesthésie constitue une alternative séduisante

Cette anesthésie loco-régionale peut être employée pour de nombreuses interventions chirurgicales : ombilicales, digestives, urinaires, orthopédiques (uniquement sur les membres postérieurs). Elle permet de limiter les doses d’anesthésiques, notamment chez les très jeunes veaux ou chez les animaux en mauvais état général, et les molécules utilisées disposent d’une AMM.

Le veau est prémédiqué avec le protocole déjà vu et maintenu en décubitus latéral, le dos fléchi. La colonne vertébrale doit être rectiligne et les membres postérieurs les plus symétriques possible. Un assistant place ceux-ci vers l’avant afin d’écarter l’espace lombo-sacré. Après une tonte et une désinfection chirurgicale, une aiguille 18G de 50 mm de long est introduite, avec une légère angulation vers l’avant, dans l’espace L6-S1. Ce dernier est facilement repérable parce qu’il forme une dépression juste derrière les ailes de l’ilium. Lorsque la citerne subarachnoïdienne est atteinte, du liquide céphalo-rachidien s’écoule spontanément. Une seringue contenant de la xylazine (0,2 mg/kg) associée à de la lidocaïne (2 mg/kg) est ensuite connectée, en prenant garde à ne pas déplacer l’aiguille. Si de la xylazine est donnée en prémédication, la dose administrée dans la rachi-anesthésie est réduite de moitié, voire de trois quarts.

Le mélange est injecté sur deux à trois minutes. Une injection trop rapide peut induire une paralysie des muscles thoraciques par migration craniale de l’anesthésique. Le veau est maintenu horizontal pendant quelques minutes. Le bloc-moteur est obtenu en quelques secondes et persiste pendant une heure et demie. L’animal reste vigile tout au long de l’intervention, peut téter au bout de deux heures et se relever après trois heures.

Ainsi, l’anesthésie du veau nécessite une surveillance étroite et répond à une procédure rigoureuse. Différents protocoles efficaces et assez sûrs peuvent être employés, tout en respectant la législation actuelle par le biais de la cascade. En outre, la rachi-anesthésie est une alternative particulièrement intéressante qui, une fois essayée, est adoptée.

  • L’auteur remercie Delphine Holopherne pour son aide. Retrouvez la liste des médicaments utilisables chez le veau en préanesthésie et anesthésie sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire” puis “Compléments d’article”.

Les principes de la cascade à respecter

Les médicaments employés disposent d’une AMM qui définit les espèces animales concernées, les indications thérapeutiques, les posologies et les temps d’attente lorsque l’espèce est destinée à la consommation humaine. Lorsqu’aucun médicament avec AMM n’est disponible, le vétérinaire peut recourir à d’autres spécialités en suivant le principe de la cascade.

1) Un médicament vétérinaire autorisé pour la même indication dans une autre espèce ou pour la même espèce dans une autre indication.

2) Si un tel médicament n’existe pas, un médicament vétérinaire destiné à une autre espèce pour une autre indication.

3) Si aucun médicament mentionné précédemment n’existe, le vétérinaire peut prescrire une spécialité de la pharmacopée humaine ou un médicament vétérinaire ayant une AMM dans un autre pays européen.

4) En dernier recours, il prescrira une préparation magistrale.

Quoi qu’il en soit, le praticien engage sa responsabilité et doit pouvoir argumenter sa décision par des publications scientifiques. Lorsque les animaux ou leurs produits sont destinés à la consommation humaine, les principes actifs doivent impérativement être inscrits au tableau des substances autorisées par le règlement européen et disposer d’une LMR. Enfin, en l’absence de délais définis par l’AMM, les temps d’attente seront au moins de 28 jours pour la viande et de 7 jours pour le lait.

Les bovins sont les parents pauvres de l’anesthésie, car seuls la xylazine, la détomidine, la kétamine et le thiopental disposent d’une AMM. Néanmoins, la cascade permet d’élargir l’arsenal thérapeutique.

P. P.
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