La douleur peut être objectivée et mieux traitée chez le cheval - La Semaine Vétérinaire n° 1444 du 01/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1444 du 01/04/2011

Analgésie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Sophie Paul-Jeanjean

Les AINS ont acquis depuis longtemps une solide place dans l’arsenal thérapeutique équin.

Le développement de la prise en charge de la douleur chez les équidés est devenu un aspect fondamental de la médecine vétérinaire depuis ces vingt dernières années. Une enquête sur les pratiques actuelles de l’analgésie chez le cheval par les praticiens français montre toutefois une certaine variabilité. Une large majorité d’entre eux considèrent comme bénéfique l’utilisation des analgésiques chez les chevaux, avec certaines limites réglementaires (contrôle antidopage) et financières.

Différentes grilles d’évaluation existent

La détection de la douleur dans l’espèce équine fait partie intégrante de l’examen clinique général. Le praticien intègre différents symptômes et paramètres vitaux anormaux pour construire un tableau clinique douloureux. Ethiquement, le traitement de la douleur est une obligation morale. Mais il est compliqué par une détection difficile chez les équidés et un manque de données sur les thérapies et leur efficacité. Ainsi, différentes grilles d’évaluation de douleurs d’origine et de nature différentes (abdominale, de l’appareil myosquelettique, aiguë versus chronique) ont été mises au point en dichotomisant de multiples critères douloureux. « L’évaluation de la douleur est ainsi plus objective, donc comparable entre les observateurs et dans le temps », a souligné notre consœur Gwenola Touzot-Jourde, dans le cadre des dernières journées de l’Avef(1).

L’utilisation des analgésiques chez le cheval est réglementée

« L’utilisation des analgésiques chez le cheval est réglementée en France par le Code de la santé publique qui définit l’utilisation de produits vétérinaires avec autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’espèce équine », a rappelé Laurent Brogniez, praticien dans les Yvelines. Le recours à des produits “hors AMM” est prévu dans le principe de la “cascade” qui définit clairement les modalités d’utilisation. Une directive européenne précise, depuis fin 2006, une liste de produits dits essentiels pour les équidés. Parmi eux, certains entrent dans la catégorie des analgésiques. En parallèle, la réglementation sur le dopage régule leur emploi et nécessite certaines précautions chez le cheval de sport et de course. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) représentent, sans aucun doute, la classe de médicaments la plus couramment prescrite et administrée aux équidés. Beaucoup d’entre eux reçoivent un traitement au long cours.

Comme le nombre de molécules disponibles est de plus en plus grand et continue de s’accroître, le choix du médicament à utiliser pour chaque situation particulière peut être déroutant. Les AINS présentent des actions anti-inflammatoires, analgésiques et antipyrétiques. Ils ont également des effets antihyperalgésiques, anti-endotoxémiques, antithrombotiques. Leur mécanisme d’action repose sur l’inhibition des cox enzymes. Certains peuvent être chondroprotecteurs, comme le méloxicam et le carprofène, aux doses recommandées. La flunixine est un puissant analgésique à utiliser lors de douleurs digestives, mais elle peut les masquer trop longtemps ainsi que les effets cardiovasculaires de l’endotoxémie. Le méloxicam est un cox2 sélectif avec un bon effet analgésique. La phénylbutazone par voie orale est utilisée dans les traitements au long cours.

L’emloi systémique des opioïdes est le plus couramment évoqué

Si les AINS ont donc depuis longtemps acquis une solide place dans l’arsenal thérapeutique équin, les antalgiques centraux que sont les opioïdes sont, quant à eux, davantage sujets à controverse. Les opioïdes ou les morphiniques sont les analgésiques par excellence, utilisés en médecine humaine comme vétérinaire pour le traitement de douleurs modérées à sévères, en particulier chirurgicales. Ils exercent leur action sur des récepteurs spécifiques, appelés récepteurs morphiniques. Le butorphanol est réputé plus efficace sur les douleurs viscérales.

Si l’utilisation systémique des opioïdes est bien la plus couramment évoquée, leur efficacité analgésique par voie locale amène également à considérer de “nouveaux” modes d’administration : voies péridurale, intra-articulaire ou transdermique. Les effets indésirables les plus fréquemment observés chez le cheval sont des modifications du comportement, notamment locomoteur. Les déplacements sont plus fréquents, voire incessants, et les chevaux apparaissent parfois désorientés et ataxiques, la plupart du temps hyperréactifs aux stimuli extérieurs. Cependant, ces effets semblent clairement dose-dépendants et, en général, bien moins fréquents chez les animaux algiques. « De plus, ils sont facilement contrôlables par l’association d’un sédatif ou d’un tranquillisant. Les opioïdes, en particulier les agonistes µ, entraînent généralement un ralentissement du transit qui se traduit par une diminution des bruits digestifs, des défécations plus espacées, et des crottins plus secs, mais ces effets digestifs sont peu importants avec le butorphanol », a indiqué Delphine Holopherne, enseignante à Oniris (Nantes).

  • (1) Source : conférences présentées lors des journées annuelles de l’Association vétérinaire équine française (Avef) à Bordeaux, en octobre 2010.

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