Vers de nouveaux paramètres pour une détection précoce des infections mammaires

Aujourd’hui, le paramètre de référence en matière de diagnostic des mammites est le comptage des cellules somatiques du lait, un critère retenu dans l’industrie pour déterminer le prix du litre de lait. Néanmoins, il n’est pas toujours corrélé à une infection de la mamelle. En effet, le nombre de cellules somatiques dépend aussi du stade de lactation, du nombre de lactations, de la saison, de la conduite d’élevage (niveau de production, stress, etc.). De nouveaux indicateurs sont nécessaires à une identification sensible et spécifique des animaux atteints de mammites.

Une étude⁽¹⁾ de la Swedish University of Agricultural Sciences (SUAS), en accord avec le comité d’éthique d’Uppsala (Suède), a analysé une série de paramètres qui pourraient être utilisables dans le diagnostic précoce de cette affection. Connaître les variations entre chaque traite de ces indicateurs enzymatiques et protéiques chez des animaux sains permettrait de déterminer quel protocole mettre en place, afin de détecter efficacement les mammites débutantes.

Plusieurs candidats possibles parmi les composants du lait

Plusieurs indicateurs sont évalués dans l’étude, pour cibler le plus intéressant avant d’entreprendre des études plus poussées, sur un effectif réduit constitué de dix vaches de race pie rouge de Suède, toutes exemptes de signes cliniques de mammites. Il s’agit de la lactate déshydrogénase (LDH, une enzyme cytoplasmique), de la N-acétyl-β-D-glucosaminidase (NAGase, une enzyme intracellulaire) qui est relarguée par les polynucléaires neutrophiles pendant la phagocytose et la lyse cellulaire, de la phosphatase alcaline (PA), reliée aux mammites depuis plusieurs dizaines d’années, mais sur laquelle peu d’études sont publiées. Cette molécule a récemment été suggérée dans le diagnostic de la mammite chez la femme. Les protéines évaluées sont l’haptoglobine (Hp), dont les fonctions bactériostatiques limitent l’accès des bactéries au fer (liaison favorisée avec l’hémoglobine), et l’amyloïde A sérique (SAA), produite localement dans la mamelle, qui se fixe à la paroi des bactéries Gram négatif et stimule la phagocytose.

Les vaches affichent toutes un comptage en cellules somatiques inférieur à 100 000 cellules/ml (de 9 000 à 72 000 cellules/ml) et une bactériologie négative sur chaque quartier. Elles sont en moyenne à 27 (± 9) semaines de lactation, en deuxième lactation (± 2), et produisent 21,6 kg de lait/j (± 1,7). Un système de traite automatisée par robot, deux fois par jour, est instauré pendant trois semaines (soit quarante-deux traites). Au cours de chaque traite, sont relevés le nombre de cellules somatiques, le SAA, la Hp, la LDH, la NAGase et la PA sur le lait de chaque quartier et leur mélange. Un prélèvement bactériologique est aussi réalisé sur chaque quartier, lors des traites du matin. Le prélèvement est mis en culture une heure après la traite, sur un milieu peu sélectif qui permet le développement des Enterococci (5 % de sang + 0,05 % d’esculine). Après quarante-huit heures d’incubation, les bactéries sont dénombrées par fluorescence électronique.

L’analyse de chaque traite est préférable à un seuil critique

Les résultats montrent une grande variété de profils individuels, mais une stabilité des paramètres entre chaque traite sur les quartiers cliniquement sains. L’une des vaches est atteinte d’une infection bactérienne subclinique sur un quartier. Les moyennes des facteurs SAA, LDH et NAGase varient de façon marquée selon que le lait du quartier atteint est incorporé ou non dans les calculs, contrairement à la PA, qui n’affiche aucun changement. La LDH serait l’indicateur le plus stable entre chaque traite, aussi bien concernant le lait d’un même quartier (moins de 8 % de variation) que le lait total d’une même vache (11 % de variation). Le SAA est une apolipoprotéine associée aux matières grasses du lait. Comme ces dernières varient beaucoup au cours d’une traite, mais aussi de traite en traite, il n’apparaît pas comme un indicateur fiable.

Les fluctuations des paramètres sont assez larges, mais comparer les quartiers entre eux pourrait être un moyen sûr de détecter les variations, sachant que chaque vache a un profil particulier. L’analyse de chaque quartier chez une même vache mettrait en évidence la moindre différence entre chaque traite et pourrait être associée à la comparaison avec un seuil critique. Il existe aujourd’hui un manque de données sur ces biomarqueurs et une nécessité de trouver des méthodes fiables pour suivre et détecter les perturbations liées aux mammites de façon continue, en utilisant les possibilités offertes notamment par les robots de traite.

• (1) M. Åkerstedt, L. Forsbäck, T. Larsen et K. Svennersten-Sjaunja : « Natural variation in biomarkers indicating mastitis in healthy cows », Journal of Dairy Research, 2011, vol. 78, pp. 88-96.