Les ordonnances non blindées ouvrent la porte aux dérives - La Semaine Vétérinaire n° 1441 du 11/03/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1441 du 11/03/2011

Entre nous

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Auteur(s) : Robert Tellier

Fonctions : vétérinaire inspecteur

Dans l’enquête Ventipulmin®(1), ce sont 83 pharmacies qui ont été inspectées (pas 88) et 71 verbalisées (et non 66), soit un taux de 80 %. Par ailleurs, l’article qualifie les agents de l’Etat de “contrôleurs”. Ce qualificatif est impropre. Le contrôle consiste à vérifier si une situation est conforme ou non par rapport à un référentiel. L’enquête est une “recherche” dans un domaine précis, voire sur un sujet ciblé. La mission de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) et du Service national d’enquêtes (SNE) est bien de rechercher les infractions (contraventionnelles et/ou délictuelles) aux différents codes dans leurs domaines de compétence.

La technique la plus efficace est la descente de filière qui s’appuie, pour une spécialité comme le Ventipulmin®, sur la connaissance des achats des différents ayants droit auprès du laboratoire détenteur des AMM et des grossistes répartiteurs. A la suite des réponses de ces derniers, un “hit-parade” est créé suivant différents critères. La descente ciblée chez les vétérinaires et les officinaux, avec en main l’état des achats sur trois ans (délit), est une technique redoutable, car même le pharmacien qui s’approvisionne en Ventipulmin® en détruisant toutes les preuves d’achat, en n’enregistrant aucune écriture, ne peut échapper aux enquêteurs. Ainsi, un pharmacien breton a été épinglé pour l’achat de 185 unités de Ventipulmin® sur trois ans pour les besoins d’un âne de 300 kg.

Cette technique d’enquête a permis de découvrir, et de faire découvrir aux officinaux dans cinq cas, un détournement (Ventipulmin® et/ou kétamine) en interne par leur personnel. La majorité des inspecteurs contrôlent, parfois d’après un référentiel en cochant des cases, par exemple la gestion des périmés, la température des frigos, etc., et ils passent à côté de l’essentiel. Il est vrai que ce type d’enquête ne peut être réalisé qu’au niveau national. Les enquêteurs identifient clairement les infractions qui sont des délits et, sur site, recherchent les mêmes infractions. La constatation par un “contrôleur” d’un ou de plusieurs médicaments périmés ne constitue pas une infraction au Code de la santé publique. Même si le concept peut déranger, cette technique est efficace en termes de qualité de travail et de nombre de procès-verbaux dressés. Le rythme des interventions est de l’ordre d’une par demi-journée, voire davantage. Ainsi, à Paris intra-muros, déplacements compris, 15 officines ont fait l’objet de l’enquête “Euthanasiques et anesthésiques”, 10 ont été verbalisées en cinq jours. Les autres fournissaient les médicaments concernés sur présentation de bons de commande émanant de l’Institut Pasteur, du CNRS, etc. L’ordonnance à « usage professionnel » est un rêve inaccessible. Aucun des pharmaciens rencontrés pendant cette semaine connaissait l’usage normal de la kétamine, un seul l’usage du Dolethal® parce que la cliente en avait commandé pour achever les pigeons et les chats blessés.

Par ailleurs, l’éditorial du même numéro(1) mentionne quatre verbalisations, en précisant les caractéristiques des vétérinaires concernés. La réalité est la suivante :

– un vétérinaire seul, équin occasionnel, a été verbalisé pour absence d’ordonnancier et de prescription ;

– un cabinet de groupe (trois vétérinaires) pour ordonnancier incomplet, vente au comptoir sans examen préalable de l’équidé et remise directe de la spécialité Ventipulmin® par du personnel non qualifié (ASV) ;

– un groupe vétérinaire important pour vente au comptoir sans examen préalable de l’équidé (pas de prescription et absence partielle d’ordonnancier) ;

– un groupe vétérinaire pour vente sans ordonnance (pas de prescription et donc ordonnancier incomplet) de plus de 30 unités de Ventipulmin®. Ce groupe de trois vétérinaires tient un ordonnancier uniquement pour les animaux de rente, pas pour ceux de compagnie, et la facturation n’a pas permis de retrouver les acquéreurs des 30 pots et plus de Ventipulmin®.

Ces quatre cas constituent des délits (punis de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende au maximum).

D’autre part, l’article est assez élogieux pour la profession vétérinaire, or cet optimisme est excessif. Certes, l’enquête a démontré, preuves à l’appui, que les pharmaciens sont incompétents en matière de pharmacie vétérinaire et qu’ils sont capables de toutes les turpitudes pour délivrer des médicaments qu’ils ne connaissent pas (comme vendre de la kétamine Virbac par 25 flacons à un inconnu sans savoir qu’il s’agit d’un anesthésique général, détourné comme hallucinogène). Vendre 100 flacons d’Imalgène 1 000 payés en espèces sur présentation de fausses ordonnances vétérinaires grossièrement imitées, cela existe, nous l’avons vu ! Il n’en demeure pas moins que certains vétérinaires travaillent totalement ou presque en cheville avec des pharmaciens (compérage), que les ordonnances bien rédigées sont rares et permettent aux officinaux d’agir dans un cadre “pseudo-légal”. La traque des pharmaciens “véreux” n’est pas aisée lorsqu’ils peuvent sortir de leurs archives des dizaines d’ordonnances mal fichues. Que faire lors de renouvellements intempestifs de Ventipulmin® quand le pharmacien exhibe une ordonnance du genre « à renouveler pendant six mois », cas de l’utilisation hors AMM comme progestatif chez la jument gravide Les ordonnances qui ne sont pas correctes, voire “blindées” dans certains cas, sont la porte ouverte à toutes les dérives.

Il convient de ne jamais oublier que le vétérinaire est le prescripteur, c’est lui qui a la main, le pharmacien lit l’ordonnance et délivre. Pour ce qui est d’expliquer le traitement et de conseiller le destinataire des médicaments vétérinaires, comme l’indique le Code de la santé publique (article R.4235-48), c’est une autre affaire !

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1437 du 11/2/2011 en pages 12-13.

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