LE DIAGNOSTIC PROGRESSE, LA RÉGLEMENTATION AUSSI - La Semaine Vétérinaire n° 1438 du 18/02/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1438 du 18/02/2011

À la une

Auteur(s) : Lorenza Richard

La situation épidémiologique de la tuberculose bovine n’est plus celle d’il y a vingt ans. Les manifestations de la maladie ont évolué en parallèle avec l’avancée des méthodes d’élevage et des techniques diagnostiques. En France, aujourd’hui, les élevages infectés sont détectés plus précocement et les cas contagieux (tardifs) sont devenus moins fréquents. Quant à la réglementation, elle s’est aussi adaptée, via une note de service du 4 janvier 2011, qui précise et modifie certains points.

L’agent responsable de la tuberculose chez les bovins, Mycobacterium bovis (M. caprae dans une moindre mesure), peut infecter toutes les espèces de mammifères, y compris l’homme, souvent de façon latente et/ou sans expression clinique. Essentiellement transmissible par inhalation, et dans une moindre mesure par ingestion, la maladie se développe souvent sans signes cliniques et l’excrétion est possible en l’absence de lésions. Ainsi, sa propagation peut être silencieuse et insidieuse au plan individuel ou à l’échelle du troupeau.

Au niveau du cheptel, la pression d’infection est plus forte lorsque la densité de population est plus élevée, ce qui est le cas dans les troupeaux qui comptent plusieurs centaines de bovins. Pourtant, les deux tiers des élevages comportent un faible nombre d’animaux porteurs de lésions. De plus, dans la plupart des foyers, le nombre d’animaux qui réagissent à l’intradermotuberculination est inférieur ou égal à trois (voir graphique 1). Ces éléments remettent en cause l’idée reçue selon laquelle l’observation de peu de réactions correspond probablement à des faux positifs.

La transmission entre élevages s’effectue lors des introductions ou par contact avec le voisinage (voir graphique 2). Plus le cheptel est grand, plus le flux d’animaux augmente et, en élevage allaitant, plus le nombre de pâtures est important, plus les risques de contacts contaminants sont élevés. Le prêt d’un taureau, la vente d’herbe ou les pâtures en zones à risque ne font pas toujours l’objet d’un contrôle sanitaire spécifique et doivent être considérés comme des pratiques incertaines.

La réglementation doit s’adapter aux conditions épidémiologiques locales

En France, la lutte contre la tuberculose repose sur la protection des cheptels indemnes, grâce à la surveillance dans les abattoirs et au dépistage. Si des lésions sont détectées, une enquête approfondie cherche à dépister les troupeaux atteints et à procéder à leur assainissement. La maîtrise des facteurs de risque par les éleveurs contribue à diminuer l’incidence de l’infection (risque lié à l’introduction et au voisinage) et la visite sanitaire périodique vise à s’assurer de la bonne application des mesures de prévention. La détection (dépistage et mesures correctives) relève de la responsabilité du vétérinaire dans le cadre des investigations en élevage et des services d’inspection (surveillance à l’abattoir). Actuellement, le dépistage en élevage a lieu au niveau individuel en cas de mouvements (visites de vente, d’introduction, etc.) ou au plan collectif dans le cadre des prophylaxies systématiques ou ciblées sur des élevages à risque ou lors des investigations d’élevages en lien épidémiologique avec un foyer.

Les deux tiers des foyers métropolitains sont détectés à l’abattoir, sauf en Côte-d’Or et en Dordogne, deux départements sensibilisés où les trois quarts des cas sont mis en évidence par un abattage diagnostique après une suspicion. Les lésions sont majoritairement relevées au niveau des poumons et des ganglions broncho-médiastinaux (infection par inhalation), des ganglions de la tête, mais aussi, dans une moindre mesure, au niveau du foie ou des ganglions mésentériques (infectionpar ingestion) ou encore des organes génitaux. A l’histologie, un granulome est caractéristique, mais non spécifique (amas de macrophages épithélioïdes entouré de lymphocytes). Le bacille acido-alcoolo-résistant peut être mis en évidence par coloration.

Les nouvelles techniques de diagnostic permettent un dépistage plus précoce

La lutte offensive contre la tuberculose repose sur son dépistage précoce en cas de survenue d’un foyer. Plusieurs tests peuvent être utilisés. Ils doivent déceler la réponse cellulaire de la phase subclinique, où la charge bacillaire est faible et les lésions non détectables.

La méthode historique est l’intradermotuberculination (voir figure 3). Sa réalisation et son interprétation engagent pleinement la responsabilité du vétérinaire sanitaire. Fondement du dépistage de la maladie, cette technique doit être parfaitement maîtrisée (contention, standardisation du geste pour obtenir des mesures fiables, etc.).

L’outil diagnostique de référence est la culture bactérienne. Elle permet l’isolement de la mycobactérie et son identification, mais le délai d’attente des résultats est long (un à trois mois). Plus récent, le test à l’interféron gamma (IFN– ) permet de mettre en évidence l’hypersensibilité retardée. Un prélèvement sanguin sur tube hépariné doit parvenir au laboratoire habilité pour cette technique dans les six heures. Le sang est alors incubé avec la tuberculine durant vingt-quatre heures afin d’induire la production d’IFN-. Ensuite, celui-ci est mis en évidence par un test Elisa. En Camargue, il est utilisé pour gagner de la sensibilité en prophylaxie et génère une diminution des découvertes à l’abattoir. Son association à l’intradermotuberculination est intéressante pour l’assainissement des cheptels. En Dordogne et en Côte-d’Or, il est employé pour gagner en spécificité au cours des prophylaxies et en sensibilité lors de surveillance renforcée. Il permet une requalification plus rapide des troupeaux. L’intérêt de ce test est de pouvoir être répété en cas de résultat douteux et de faire appel à différents antigènes pour obtenir une meilleure spécificité, face à l’existence de nombreuses mycobactéries atypiques (M.nonchromogenicumet M. intermedium peuvent réagir à l’IDR et IFN-). Ses inconvénients sont le court délai impératif entre la prise de sang et l’incubation, ainsi que son coût.

La polymerase chain reaction (PCR IS6110 en temps réel) est une méthode de détection directe rapide (quarante-huit heures). Elle détecte la séquence IS6110, spécifique et commune au complexe tuberculosis (MTBC, qui comprend M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum, M. microti, M. canetti, M. caprae et M. pinnipedii). Il s’agit de la solution idéale pour un diagnostic rapide, amélioré en complément de l’histologie et de la bactériologie, notamment chez les animaux sans lésion visible à l’abattoir. En Dordogne, par exemple, elle augmente la sensibilité de 10 % par rapport à la culture seule et sa spécificité pratique est de 100 % chez les bovins. Toutefois, ces données doivent être comparées avec les études nationales, pour lesquelles il n’y a pas encore de recul. La question serait, par exemple, de savoir comment gérer un troupeau uniquement PCR+ en zone indemne.

Le suivi épidémiologique est renforcé par le typage des souches

D’autres techniques moléculaires, comme le spoligotypage et la variable number tandem repeats (VNTR), sont utilisées pour typer les souches de M. bovis.

Le spoligotypage permet aujourd’hui de différencier cent quatre-vingt-dix types de souches (voir carte). La VNTR permet en outre de caractériser leur profil. Celui des spoligotypes BCG de Côte-d’Or est différent de ceux de Dordogne et de Normandie. Il est possible d’associer ces techniques et de les intégrer aux approches épidémiologiques classiques de surveillance.

L’origine d’un foyer peut ainsi être déterminée, et il est également permis de suivre les mouvements d’une souche. Par exemple, un cheptel indemne achète des animaux de régions différentes. Plus tard, des lésions sont découvertes à l’abattoir. Le spoligotypage permet de déterminer qu’il s’agit d’un type BCG, et la VNTR caractérise le profil “Bourgogne”, par exemple. Cela permet d’établir la relation vraisemblable entre différents foyers, et d’exclure les autres. Ces deux techniques servent aussi à mettre en évidence les résurgences dans un cheptel.

En outre, le suivi des types peut indiquer une transmission interespèce (interanimal avec la faune sauvage, ou contamination humaine professionnelle à l’abattoir, par exemple).

Un peu d’histoire

• 1954 : première prophylaxie collective, facultative, de la tuberculose.

• 1965 : elle est généralisée et obligatoire.

• 2001 : la France est déclarée indemne de tuberculose bovine (prévalence de la maladie inférieure à 0,1 %, soit moins de 200 troupeaux infectés par an depuis 1995).

• 2003 : mise en place d’une enquête épidémiologique approfondie pour détecter les foyers cachés.

• 2004 : augmentation du nombre d’élevages nouvellement infectés par an. La plupart des foyers sont concentrés dans quelques départements, et des cas sporadiques sont identifiés dans plusieurs d’entre eux.

L. R.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr