Sur 83 pharmacies inspectées, 66 délivrent dans l’illégalité - La Semaine Vétérinaire n° 1437 du 11/02/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1437 du 11/02/2011

Pharmacie vétérinaire. L’enquête Ventipulmin® révèle de graves défaillances

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Le rapport est beaucoup moins accablant pour les vétérinaires. Cependant, leurs ordonnances mal rédigées représentent du « pain béni » pour les officines affairistes.

Un constat alarmant. » Le président du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO), Michel Baussier, utilise ces termes dans un e-mailing adressé aux confrères pour lancer, de nouveau, « un appel à la plus grande vigilance sur la prescription et la délivrance » face à des détournements d’usage de ß-agonistes (Ventipulmin®) ou d’autres anabolisants, de kétamine, d’euthanasiques (T61®). Ce constat est révélé par une enquête officielle des services d’inspection(1) menée en 2009 et 2010 auprès de quatre-vingt-trois pharmacies, dont 80 % ont été verbalisées, et vingt-deux cabinets vétérinaires, dont quatre (18 %) sont épinglés.

Une enquête qui met au jour les défaillances des pharmaciens

Cette enquête devait au départ évaluer le détournement d’usage d’un médicament : Ventipulmin® (les formes équines du clenbutérol). Ce ß-agoniste est en effet susceptible d’être détourné comme anabolisant dans les productions animales, comme dopant par certains sportifs (culturistes) et comme amaigrissant par des adolescentes. Les pharmacies et les cabinets vétérinaires contrôlés sont donc fortement ciblés sur leur historique d’achats suspects de ce médicament. Par exemple, les officines situées à Paris intra-muros, où les chevaux sont plutôt rares, sont davantage sélectionnées si elles achètent de fortes quantités de ce ß-agoniste. A l’inverse, les vétérinaires équins, qui peuvent facilement justifier l’usage de ce médicament, sont peu ciblés par cette enquête.

Le rapport ne conclut donc pas que 80 % des vingt-deux mille six cents officines sont en infraction grave sur le médicament vétérinaire. Mais à travers le prisme déformant du détournement de Ventipulmin®, il révèle les « pratiques défaillantes » largement répandues au sein des deux professions. « Les pharmaciens n’apportent aucune plus-value, ce serait même le contraire, et les vétérinaires méprisent leur bien le plus précieux, certes immatériel, le droit de prescrire, concluent les inspecteurs. La situation reste beaucoup moins préoccupante chez les vétérinaires que chez les pharmaciens. »

« Les ordonnances mal rédigées sont du pain béni pour les pharmaciens affairistes »

Pour les vétérinaires, « le point noir, c’est l’ordonnance ». Lorsqu’elle existe, elle est souvent mal rédigée. L’anomalie la plus fréquente, et sans doute la plus méconnue des praticiens, consiste à oublier de mentionner explicitement que la prescription a bien été exécutée par le vétérinaire, en indiquant la date de délivrance et les quantités délivrées (pas seulement celles prescrites), avec la mention « renouvellement interdit », surtout lorsqu’elle est obligatoire. Ces ordonnances « mal rédigées » sont du « pain béni » pour les officines affairistes. Souvent, aucune mention n’indique qu’elles ont été exécutées par le vétérinaire. Cela permet au pharmacien « incompétent ou affairiste » de délivrer en toute légalité « dix, quinze, vingt fois » si, en outre, la mention « à renouveler » y figure. Alors que le renouvellement des ß-agonistes et des autres anabolisants est toujours interdit.

L’absence de signalement de l’animal et/ou du propriétaire permet également à une ordonnance de servir de « passe-partout » pour tout le cheptel d’un club hippique… De telles dérives invraisemblables ont pourtant été observées, alors que les vétérinaires et les pharmaciens apparaissent, de bonne foi, avoir été trompés par leurs clients.

Le rapport conclut donc que les « vétérinaires, du fait de leurs insuffisances dans la rédaction des ordonnances, participent passivement à une mauvaise utilisation des médicaments au sens large : détournement d’emploi, usage abusif, compérage avec des pharmaciens ». Un vétérinaire expert auprès d’une cour d’appel n’hésite pas à « couvrir les agissements coupables d’un pharmacien en lui fournissant l’ordonnance manquante le jour du contrôle ». Un autre, âgé de soixante-huit ans, qui n’a même plus un thermomètre pour établir un diagnostic, facture ses visites 250 € pour rédiger les ordonnances qui couvrent plus de 90 % des besoins de ses clients-éleveurs, avec la complicité de pharmacies “partenaires”.

Les vétérinaires contrôlés font bonne impression sur leurs inspecteurs

Michel Baussier dénonce « le comportement mercantile et irresponsable de quelques-uns ». Cela « ne doit pas être un prétexte à un relâchement de la vigilance des vétérinaires qui se doivent d’être des professionnels de santé irréprochables, responsables et respectés ». Le vétérinaire dit de garde “au comptoir” ne peut pas à la fois prescrire et délivrer les médicaments avec tous les conseils nécessaires et être en même temps en consultation ou en salle de chirurgie.

Néanmoins, « l’impression générale des contrôleurs chez les vétérinaires est très positive ». Dans les vingt-deux cabinets inspectés à l’improviste, un vétérinaire de “garde” était toujours présent et a réservé un bon accueil aux contrôleurs. Les praticiens ont une bonne connaissance des médicaments, notamment du risque de détournement du clenbutérol (Ventipulmin®), à l’inverse de la plupart des officinaux qui en vendent. Leurs outils informatiques permettent de retrouver rapidement la trace des médicaments vendus, etc.

Des pharmaciens « incompétents gentils », « docteurs Mabuse » ou « affairistes »

La situation est beaucoup plus grave chez les pharmaciens, qui sont répartis dans trois catégories. La plupart sont classés dans les « incompétents gentils » qui ne connaissent ni la pharmacie vétérinaire ni a fortiori le clenbutérol et ses effets pharmacologiques, à l’exception de pharmaciens « cavaliers ou passionnés de chevaux ». Le médicament vétérinaire y est traité avec beaucoup moins de rigueur que son équivalent humain. Chez l’un deux, Ventipulmin® est même placé dans les rayonnages accessibles au public.

Pour « débloquer l’informatique » et en l’absence de vrai prescripteur vétérinaire, ces pharmaciens saisissent dans leur logiciel une mention du type « ordonnance en attente », ou des noms « bidons » de médecins, de vétérinaires (généralement sans leur accord, d’autant que certains sont décédés ou basés à l’étranger), voire celui du pharmacien lui-même. Même les noms des clients peuvent être faux lorsqu’il s’agit de détournements d’usage. Mais ces pharmaciens déclarent « faire confiance » aux dires de leur clientèle, même si elle est seulement de passage.

Une minorité, qualifiée de « docteurs Mabuse », alimente sciemment un trafic de Ventipulmin® auprès de culturistes. C’est notamment le cas des officines parisiennes. Dans trois cas, des salariés de ces pharmacies avaient monté un trafic à l’insu des titulaires.

La troisième catégorie regroupe les pharmaciens « affairistes » : tous les médicaments vétérinaires sont distribués « pour rendre service aux éleveurs délaissés par leurs vétérinaires ». Les commandes arrivent par fax, téléphone, courriel ou courrier postal. Une pharmacie parisienne expédie ainsi pour 17 000 € de médicaments vétérinaires vers la Turquie. Même les euthanasiques, comme le T61®, peuvent être vendus en grandes quantités par correspondance.

Bien que l’enquête soit connue des organisations professionnelles, elle n’a malheureusement pas été rendue publique par leurs auteurs ni leurs tutelles. Pourtant, toute la publicité qui pourrait être faite autour de ces révélations ne peut aboutir, à terme, qu’à améliorer à la fois la prescription et la délivrance du médicament vétérinaire par tous les ayants droit.

  • (1) Enquête de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires auprès de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et du service national d’enquête de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCRRF). Rapport de synthèse non disponible pour le public.

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