LA COMMUNICATION DE « LA VÉTÉRINAIRE » À LA LOUPE - La Semaine Vétérinaire n° 1434 du 21/01/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1434 du 21/01/2011

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Auteur(s) : Michel Bertrou

Au xviiie siècle, Claude Bourgelat parvint à imposer la profession vétérinaire avec les moyens de son époque. Au xxie siècle, les outils de communication ont évolué, mais servent toujours les mêmes objectifs. Et si Vet2011 était l’occasion de réussir solidairement une communication globale, devenant ainsi un enjeu politique pour le développement durable de la profession ?

C’est à Lyon que naquit en 1712 un homme de génie… », s’exclame Jean-François Chary, président du comité d’animation et de coordination de Vet2011. L’homme de génie en question est Claude Bourgelat, et sa vie, le professeur lyonnais l’a déjà racontée dans le monde entier, pratiquant là le storytelling, une stratégie de communication qui utilise le potentiel de séduction d’une histoire pour emporter l’adhésion. Le talent et l’énergie de notre confrère pour remettre en selle la figure tutélaire de Claude Bourgelat (en lui attribuant tout de go la paternité de la première école vétérinaire du monde, de la profession vétérinaire, des sciences vétérinaires et de la biopathologie comparée) aura convaincu la quasi-totalité des associations professionnelles de la planète, plus de mille membres correspondants dans plus de cent pays, de grandes institutions internationales(1), ainsi que des sponsors, de s’associer à l’initiative française. Cette congrégation planétaire s’apprête à présent à participer, selon notre confrère, à « l’opération la plus importante depuis deux cent cinquante ans pour promouvoir la médecine et les sciences vétérinaires ».

Grâce à la communication, la profession vétérinaire supplante la maréchalerie

Jean-François Chary ne dit jamais – mais il pourrait le faire – que Claude Bourgelat était, comme lui, un “supercommunicant”. C’est grâce à ce génie-là et un sens politique aiguisé, rappelle Christophe Degueurce, conservateur du musée Fragonard, que notre profession, à peine sortie des limbes, prend rapidement le dessus sur la maréchalerie. Bourgelat sait habilement manier les outils de communication de son époque pour imposer la profession qu’il crée.

Deux cent cinquante ans plus tard, cette dernière n’a plus le poids politique qu’elle avait acquis dans le passé. De toute évidence, le slogan choisi pour célébrer mondialement cet anniversaire (« Vet for heath, vet for food, vet for the planet ! ») vise à focaliser l’attention de gouvernants oublieux. Comme au temps de Claude Bourgelat, la communication redevient un enjeu politique essentiel.

Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), en est convaincu depuis longtemps. Avec une constance infatigable, il alerte régulièrement la presse sur le besoin d’améliorer la gouvernance mondiale en santé animale et de donner des moyens suffisants aux vétérinaires. L’OIE s’est engagée tôt dans Vet2011 en contribuant à son rayonnement international. Comme une communication unifiée donne plus d’envergure, l’OIE, la Commission européenne et Vet2011 ont animé ensemble, le 13 janvier dernier à Paris, une conférence de presse afin de lancer l’année mondiale vétérinaire, ainsi qu’une campagne européenne de sensibilisation (« Les vétérinaires dans votre vie quotidienne »), qui rappelle que les praticiens « sont bien plus que de simples docteurs pour animaux, et qu’ils contribuent à protéger la santé des hommes ».

Selon le journaliste Jacques Legros, Vet2011 devrait refléter le combat des vétérinaires

Les journalistes relaieront-ils le message ? Ceux qui étaient présents le 13 janvier se sont cantonnés à leurs questions “médiatiques” habituelles : crises sanitaires (dioxine en Allemagne, peste porcine africaine en Russie, fièvre aphteuse en Bulgarie), risques zoonotiques, effets de l’élevage sur le climat, etc.

Une seule question s’est intéressée à la proportion de vétérinaires qui travaillent en santé publique par rapport à l’ensemble de la profession. La réponse de Bernard Vallat, en mentionnant le phénomène d’urbanisation des praticiens au détriment d’un besoin de maillage territorial (auquel, selon lui, les gouvernements devraient répondre par des politiques d’incitation nouvelles dès la formation), a révélé l’ambiguïté du slogan choisi au regard de la profession prise dans sa globalité. Les « simples docteurs pour animaux » se reconnaîtront-ils et s’impliqueront-ils dans une stratégie de communication ciblant la santé publique(2) ? Présent le 13 janvier, le présentateur et journaliste Jacques Legros(3) a fourni des éléments de réponse pertinents. « Nous avons beaucoup parlé de mondialisation aujourd’hui, a-t-il déclaré. Risques liés à la mondialisation des échanges, nécessité de mondialiser la prévention, etc. Peut-être pourrions-nous voir Vet2011 comme la mondialisation de l’image que nous devons avoir des vétérinaires (que les journalistes ramènent souvent à des clichés). Il y a beaucoup de paradoxes dans vos métiers, mais nous savons pourtant, à l’époque dans laquelle nous entrons, qu’il n’y aura pas de santé qui ne soit prise dans sa globalité, et qu’il n’y aura rien de durable qui ne soit solidaire. Vet2011 devrait être le reflet, le cadre ou le recadrage de ce combat que vous menez ensemble, que nous menons également, nous, journalistes, dans un esprit de développement durable bien compris. »

Plus d’informations sur les différentes opérations de communication sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’article”.

  • (1) L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Commission européenne, la Fédération internationale pour la santé animale (Ifah).

  • (2) Fin février néanmoins, une campagne française, à destination des cabinets vétérinaires notamment, déclinera un nouveau slogan : « Espèces protégées par les vétérinaires – Depuis deux cent cinquante ans au service de la santé animale et humaine ».

  • (3) Le journaliste et présentateur TV était venu présenter le clip vidéo qu’il a réalisé et qui sera présenté lors de chaque événement labellisé Vet2011 (au moins un événement dans soixante pays), à commencer par la cérémonie d’ouverture le 24 janvier prochain à Versailles.

  • * Voir C. Degueurce et A. Jeandel : Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine et des sciences vétérinaires, 2009, vol. 9, pp. 89-101.

Histoire du mot “vétérinaire”

Le mot vétérinaire est cité (en latin : veterinus) par Columelle dans De Re rustica en 42 avant notre ère. Il réapparaît en France sous la forme d’un titre, « médecin en l’art vétérinaire », dont une première mention manuscrite est retrouvée dans la seconde moitié du xvie siècle, sous Charles IX*. Il s’appelait Jean Héroard, était médecin de formation et compagnon d’Ambroise Paré, qui contribua, semble-t-il, à cette création de charge aux écuries du roi (vers 1574). Plusieurs décennies après, Claude Bourgelat reprit le terme pour se distinguer de l’hippiatrie et de la maréchalerie.

M.B.
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