Médicament vétérinaire : comment rester dans la légalité ? - La Semaine Vétérinaire n° 1432 du 07/01/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1432 du 07/01/2011

Législation en pharmacie vétérinaire

Auteur(s) : Eric Vandaële

Fonctions : docteur vétérinaire

Le vétérinaire occupe une place originale, enviée mais aussi marginale dans le paysage pharmaceutique. En effet, les ventes du médicament vétérinaire ne représentent qu’à peine 3 % de celles du médicament humain.

Le vétérinaire qui exerce en France occupe la double fonction de prescripteur (une activité médicale régie à la fois par le Code rural et celui de la santé publique) et “d’ayant droit” de la pharmacie vétérinaire (une activité officinale).

Comment être en règle dans l’exercice de la pharmacie vétérinaire ?

Pour cette activité officinale, comme pour l’exercice de la médecine vétérinaire, le praticien doit être diplômé, inscrit au conseil régional de l’Ordre des vétérinaires et à jour de ses cotisations. Pour faciliter l’accès à certains médicaments (vaccins antirabiques ou FCO, par exemple), il est préférable de disposer également d’un mandat sanitaire.

Si les achats de médicaments sont effectués par une société d’exercice libéral (SEL) ou une société civile professionnelle (SCP), cette dernière doit également être déclarée à l’Ordre.

En revanche, les vétérinaires salariés d’autres structures publiques (Haras nationaux, etc.) ou privées (zoos, dispensaires, etc.) ne peuvent pas faire acheter les médicaments qu’ils prescrivent ou administrent par la structure qui les emploie, sauf dans deux cas particuliers : les enseignants des quatre écoles et les vétérinaires des armées.

Dans le cas des vétérinaires salariés de groupements agréés (coopératives, Groupements de défense sanitaire, certains centres d’inséminations ou contrôles laitiers, etc.), ils peuvent faire acheter par leurs employeurs tous les médicaments qui ne nécessitent pas d’ordonnance, ainsi que ceux sur prescription qui figurent dans leurs plans sanitaires d’élevage (PSE) et sur la liste positive.

Où acheter les médicaments vétérinaires ?

Le Code de la santé publique permet aux laboratoires pharmaceutiques, à leurs dépositaires et aux distributeurs en gros de démarcher les ayants droit (vétérinaires, pharmaciens d’officine et groupements agréés) et de les livrer.

En revanche, les établissements pharmaceutiques ne peuvent ni solliciter de commandes auprès du public (notamment les éleveurs) ni a fortiori les livrer. Cette interdiction de solliciter les commandes s’applique d’ailleurs aussi aux ayants droit.

Le vétérinaire a donc le choix entre les différents laboratoires et centrales.

L’éleveur ou le propriétaire a le choix entre les différents ayants droit (sous réserve de détenir une ordonnance valide pour les médicaments sur prescription dont il estime avoir besoin).

Où acheter les médicaments humains ?

Pour son usage professionnel, le vétérinaire peut facilement se procurer tous les médicaments humains disponibles en officine en s’adressant à la pharmacie de son choix. Le plus simple est alors de rédiger une ordonnance « pour usage professionnel ».

Il est aussi possible de prescrire à ses clients les médicaments à usage humain dont le vétérinaire a besoin, soit en vue d’une administration par le praticien lui-même (le client revient à la clinique avec les médicaments achetés en officine), soit en vue d’une administration par le propriétaire. Dans tous les cas, le pharmacien est tenu de rendre la vignette inutilisable et d’apposer la mention « usage vétérinaire ».

Comment s’approvisionner en stupéfiants ?

A ce jour, aucun médicament avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire ne contient de stupéfiant.

Le praticien qui souhaite disposer de médicaments humains contenant des stupéfiants (solution injectable de morphine, patch de fentanyl, etc.) peut les obtenir auprès d’un pharmacien domicilié dans sa commune ou, à défaut, dans la commune la plus proche. Il est tenu de le désigner au conseil régional de l’Ordre des vétérinaires dont il dépend. Il doit alors rédiger sa commande sur une ordonnance protégée ou “sécurisée”(1), avec la mention « usage professionnel ». La quantité commandée ne peut dépasser dix unités de prise du stupéfiant choisi par le praticien. Il s’agit réglementairement d’une « provision pour soins urgents ».

Pour la reconstitution de la provision, la même procédure est suivie. Le pharmacien est tenu de demander un justificatif de l’emploi de la précédente. Il est alors possible de présenter soit les emballages vides, soit la copie des ordonnances sécurisés rédigées à chaque administration, soit un registre des usages ou tout autre justificatif de leur utilisation. Le pharmacien adresse un relevé trimestriel de ces délivrances à l’Agence régionale de santé (ARS) dont il dépend.

Le vétérinaire qui suit cette procédure n’est donc pas astreint à une comptabilité des stupéfiants.

Comme précédemment, il peut aussi les prescrire directement sur une ordonnance sécurisée à son client, qui s’approvisionne directement en pharmacie, mais pour des durées de traitement limitées à vingt-huit jours.

Comment s’approvisionner en médicaments humains dits hospitaliers ?

L’accès aux médicaments humains à usage hospitalier (ou à prescription restreinte, selon le terme officiel) est limité pour les vétérinaires. La liste des quarante et un médicaments hospitaliers qui leur sont accessibles figure dans l’arrêté du 29 octobre 2009, en y incluant une dizaine d’anticancéreux.

Ces spécialités ne peuvent alors être obtenues qu’auprès des établissements pharmaceutiques concernés, qui ne devraient pas refuser de livrer les vétérinaires, sauf si des stocks réduits ne permettent pas de satisfaire les besoins des hôpitaux humains (article R. 5124-44). En pratique, le vétérinaire doit ouvrir un compte et être enregistré comme un client hospitalier auprès du laboratoire. Il adresse ensuite sa commande écrite, par exemple sous la forme d’une ordonnance, en précisant le nom du médicament, son conditionnement et les quantités souhaitées. Un minimum d’unités est parfois exigé. Quelques laboratoires demandent aussi d’indiquer sur cette ordonnance les références réglementaires (articles R. 5124-44, R. 5141-122 ou 122-1 et arrêté du 29 octobre 2009) et l’indication visée. La livraison s’effectue ensuite en quelques jours.

Ces médicaments ne peuvent être ni prescrits ni a fortiori délivrés au client. Ils sont à administration vétérinaire exclusive.

Pour les anticancéreux, le praticien doit en outre déclarer à l’Ordre son intention d’utiliser ces médicaments. Il s’engage à respecter les bonnes pratiques d’usage chez l’animal (arrêté du 18 juin 2009). En particulier, il doit obtenir le consentement éclairé et écrit du propriétaire. Il hospitalise l’animal au moins vingt-quatre heures, le temps nécessaire pour l’élimination les cytotoxiques par les excrétas.

Peut-on importer des médicaments de l’étranger ?

L’importation des médicaments vétérinaires sans AMM ou autorisation temporaire d’utilisation (ATU) valable en France n’est permise que si… elle est autorisée par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).

En particulier, dans le cadre dit de la cascade, en l’absence de médicament vétérinaire autorisé en France, le praticien peut solliciter une autorisation d’importation pour un médicament vétérinaire autorisé dans un autre Etat européen. Il doit alors joindre à sa demande d’autorisation le pays de provenance, les informations qui figurent généralement dans la notice ou le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP), les quantités et la durée souhaitées de l’importation. Il doit justifier sa demande (donc y joindre sa prescription). L’absence de réponse de l’ANMV dans un délai de quarante-cinq jours vaut refus. La cascade ne prévoit pas d’importation de médicaments en provenance de pays tiers, par exemple des Etats-Unis ou du Canada.

Le cas particulier de l’exercice transfrontalier n’est pas évoqué ici. Les éleveurs ne peuvent pas importer ou faire importer directement des médicaments d’un autre pays. Pour les propriétaires d’animaux de compagnie sous traitement, le transport personnel des médicaments est possible avec leurs animaux, pour éviter une interruption et dans la limite de trois mois de traitement (ou de la durée prévue sur la prescription éventuelle).

Quel est l’arsenal thérapeutique disponible pour les animaux de compagnie ?

Pour les animaux de compagnie, il n’y a pas de limite légale à l’arsenal thérapeutique utilisable autre que celle de la disponibilité des médicaments.

Ainsi, tous les médicaments vétérinaires, tous les médicaments humains s’ils sont disponibles, les préparations extemporanées, les autovaccins peuvent être employés si le prescripteur peut en justifier l’emploi. Mais toutes les molécules ne sont pas accessibles au vétérinaire, même si l’arsenal thérapeutique du praticien canin s’est considérablement élargi ces dernières années, via l’accès à quarante et un médicaments hospitaliers, une prescription plus facile des stupéfiants, etc.

Et pour les animaux de rente ?

Pour les productions animales, l’arsenal thérapeutique est plus restreint. Le principal frein est celui des limites maximales de résidus (LMR). Seuls les produits actifs qui figurent au « tableau n° 1 des substances autorisées » du règlement européen 37/2010 peuvent être employés. Cela représente environ huit cents substances auxquelles il faut ajouter les vaccins et les sérums non visés par les LMR. En revanche, même si parfois les LMR ne sont fixées que pour quelques denrées (viandes et abats, lait, œufs, etc.), issues d’une ou deux espèces animales, il est possible de prescrire ces médicaments “hors AMM” dans une autre espèce dès lors que la substance est inscrite dans ce tableau.

Toutefois, il est difficile de connaître cette liste de huit cents substances avec LMR… En pratique, tous les médicaments qui sont déjà indiqués pour des animaux producteurs de denrées alimentaires peuvent être employés pour une autre production animale.

Et pour les chevaux ?

Si les équidés sont exclus de la consommation humaine, l’arsenal thérapeutique est identique à celui des animaux de compagnie (sans limite autre que la disponibilité).

Dans le cas inverse, les règles sont celles des animaux producteurs de denrées alimentaires, ce qui nécessite de n’employer que des médicaments avec une LMR dans au moins une espèce. Toutefois, pour tenir compte de la spécificité de l’arsenal équin, un règlement européen liste soixante et onze substances sans LMR, mais essentielles au traitement des équidés (règlement n° 1950/2006). Ces dernières peuvent alors être prescrites aux chevaux avec un temps d’attente de six mois et une inscription sur le registre des traitements qui figure dans le livret de l’animal. Les médicaments hospitaliers qui correspondent à ces substances essentielles sont également accessibles aux vétérinaires équins (voir ci-dessus).

Quelles sont les règles de stockage des médicaments ?

Outre le respect des conditions de conservation spécifiques à chaque médicament, ceux sur prescription ne doivent pas être directement accessibles au public.

La kétamine, la tilétamine et les stupéfiants doivent être détenus séparément des autres produits, dans une armoire ou un local fermant à clef et à sécurité renforcée.

Comment faire une prescription et une délivrance dans les règles ?

L’ordonnance type (voir page 30) résume les principales règles de prescription-délivrance d’un médicament vétérinaire. Toute prescription engage la responsabilité civile professionnelle du prescripteur. La délivrance engage celle de l’ayant droit, en particulier sur la qualité des médicaments prescrits et leur transport éventuel en cas de colisage.

Pour les animaux de compagnie, la prescription découle toujours d’un examen clinique. Pour les espèces de rente et les équidés, la prescription peut aussi être réalisée « hors examen clinique » si les quatre conditions suivantes sont réunies.

1 Avoir réalisé le bilan sanitaire de l’élevage (BSE) à la suite d’une visite annuelle programmée à l’avance.

2 Avoir rédigé un protocole de soins dans lequel figurent les affections que l’éleveur peut traiter sans recourir à l’examen clinique. Il n’est pas recommandé de faire figurer les médicaments dans ce protocole de soins actualisable à tout moment. En revanche, les noms de tous les vétérinaires de la structure doivent figurer dans ce protocole pour les autoriser à prescrire “hors examen clinique”.

3 Effectuer une visite de suivi entre deux bilans annuels.

4 Réaliser des soins réguliers dans l’élevage (ce qui peut être attesté par la signature du registre d’élevage à chaque passage).

La prescription “hors examen clinique” ne favorise-t-elle pas les vétérinaires “autoroutiers” ?

Il n’y a pas de limite de territorialité prévue pour la clientèle d’un vétérinaire. Le colisage, qui est autorisé dans le cadre de la prescription “hors examen clinique”, permet de livrer des médicaments sur de longues distances dans de bonnes conditions de transport.

Toutefois, une disposition “anti-affairiste” fixe aussi des quotas maximaux de BSE par vétérinaire temps plein dans la filière :

– 10 000 UGB (unités gros bovins) ou 35 000 veaux de boucherie ou 2 000 équidés ;

– ou 250 élevages porcins ou piscicoles ou ovins, mais 200 chez les caprins ou 400 élevages cunicoles ;

– ou 600 000 m2 en filières avicoles.

Mais peu de contrôles portent aujourd’hui sur ces quotas.

La prescription est-elle obligatoire pour les médicaments administrés par le vétérinaire ?

La prescription est obligatoire dans ce cas, pour les animaux de compagnie comme pour les productions animales.

Cependant, les mentions liées à la délivrance ne le sont pas, comme l’inscription au registre, les quantités vendues (nulles) ou le numéro de lot puisque, dans ce cas, les médicaments ne sont pas délivrés. Pour les vaccins, il peut sans doute être considéré que l’inscription dans le passeport, le carnet ou le livret remplit la fonction de l’ordonnance.

Quelles sont les règles de la prescription dite “hors AMM” ?

Le dispositif de la cascade encadre la prescription de médicaments qui ne sont pas indiqués, selon leurs RCP, dans l’espèce ou l’indication visée (rubriques 4.1 et 4.2 du RCP). Une augmentation de la posologie ou du temps de traitement, parfois nécessaire en raison de doses ou de durées notoirement trop courtes dans les RCP de certains médicaments, n’entre pas dans le cadre du dispositif légal de la cascade, de même qu’une prescription qui ne tient pas compte des multiples précautions qui figurent désormais dans les RCP.

Le dispositif de la cascade est simple. Lorsqu’il n’y a pas de médicament « approprié » et « disponible » pour l’espèce et l’indication visées, le vétérinaire peut, sans y être contraint par la loi, prescrire les médicaments suivants, par ordre de priorité :

1 un médicament avec AMM vétérinaire indiqué dans une autre espèce ou une autre indication ;

2 un médicament “humain” ou un médicament avec AMM vétérinaire dans un autre Etat européen, via une demande d’importation auprès de l’ANMV ;

3 une préparation extemporanée (sans AMM) ou un autovaccin.

La transcription française de ce dispositif européen de la cascade a introduit une notion intentionnellement vague qui est celle de « médicament approprié ». Ce libellé permet au prescripteur de justifier un grand nombre de prescriptions “hors AMM”.

Quels sont les temps d’attente à appliquer “hors AMM” ?

Pour les productions animales, la cascade ne permet pas de prescrire des substances sans LMR dans aucune espèce, lesquelles restent donc interdites d’emploi.

Si le médicament prescrit “hors AMM” ne comporte aucune indication de délai d’attente dans l’espèce visée, le vétérinaire ne peut pas mentionner des temps d’attente inférieurs à vingt-huit jours dans la viande et sept jours dans le lait et les œufs. Ces délais forfaitaires sont des minima réglementaires.

Ils sont évidemment trop longs si la prescription “hors AMM” concerne des vaccins ou des médicaments pour lesquels les résidus sont considérés comme sans danger pour le consommateur. Mais la réglementation ne permet pas de les diminuer.

A l’inverse, ils peuvent être augmentés pour des médicaments rémanents, comme certains antiparasitaires lipophiles, ou qui persistent longtemps au point d’injection. La responsabilité du vétérinaire pourrait être recherchée en cas de détection de résidus en quantités supérieures aux LMR lors de prescription “hors AMM”, même si le temps d’attente minimal de vingt-huit jours a été respecté.

Quels sont les risques de la prescription “hors AMM” ?

Ce dispositif n’est pas pénalement sanctionné. Un vétérinaire qui prescrit “hors AMM” en dehors du cadre de la cascade, par exemple un endectocide bovin pour des équidés, ne risque donc pas de poursuites pénales, même si, dans ce cas, l’infraction est évidente. En outre, dans la plupart des cas, la prescription “hors AMM” peut être justifiée par l’absence de médicament « approprié ».

Les risques pour une prescription “hors AMM” sont des poursuites soit civiles en cas d’accident, soit disciplinaires auprès du conseil régional de l’Ordre.

Toute prescription “dans ou hors AMM” engage la responsabilité civile professionnelle du prescripteur. Si la prescription est fautive et que cette faute est à l’origine d’un dommage, l’assurance (obligatoire) en responsabilité civile du vétérinaire le rembourse. Lors d’une prescription “hors AMM”, le vétérinaire devrait donc être en mesure de justifier qu’elle n’est pas fautive, mais à l’inverse « appropriée » au cas considéré. En outre, dans le cadre de la cascade, l’administration du médicament est également sous la responsabilité du praticien, même s’il ne la réalise pas lui-même.

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