L’antibiothérapie fait face à son destin - La Semaine Vétérinaire n° 1427 du 26/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1427 du 26/11/2010

Antibiorésistance. Réunion à l’Agence nationale de sécurité sanitaire

Actualité

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Une journée sur l’antibiorésistance en santé animale était organisée par l’Anses le 18 novembre. les différents moyens de surveillance et d’action ont été débattus.

Les gènes de résistances étaient là bien avant qu’on utilise les antibiotiques », a souligné Antoine Andremont, professeur des universités et praticien hospitalier, au cours de la journée sur l’antibiorésistance en santé animale organisée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), le 18 novembre dernier à Maisons-Alfort.

Concertation, communication, information, formation, tels sont les mots les plus souvent entendus tout au long de cette journée. Le problème est pluriel, concerne la santé animale comme la santé publique, et touche également l’environnement. La résistance des bactéries est connue depuis l’avènement des antibiotiques. Naturelle, elle est ce qui détermine le spectre d’activité d’un antibactérien. Acquise et transmise, elle peut aussi réduire cette efficacité jusqu’à la rendre nulle. Depuis environ soixante ans, de nouvelles molécules sont régulièrement développées, ce qui donne aux mammifères une longueur d’avance face aux bactéries. Mais sans nouveauté prévue dans un futur proche, il devient nécessaire de préserver l’arsenal disponible, dont l’efficacité se réduit rapidement.

Un phénomène sous surveillance, en France et en Europe

L’antibiorésistance est reconnue comme un problème de santé publique par la Commission européenne depuis 1998. La santé publique reste cependant une compétence nationale, a rappelé Nabil Safrany (Direction générale santé et consommateur de la Commission européenne), sans base juridique permettant d’imposer une harmonisation. Cependant, l’Union européenne s’investit dans des actions préventives – des recommandations sont émises pour améliorer le recours aux antibiotiques et la surveillance de la résistance –, mais aussi dans la communication et surtout pour encourager la coopération internationale.

La pression exercée par l’emploi des antibactériens est l’un des facteurs de risque identifiés d’augmentation de l’antibiorésistance. « Tout usage d’antibiotique conduit à sélectionner de la résistance, qu’il soit bien ou mal pratiqué », a précisé Pascal Sanders (laboratoire de Fougères-Anses). L’observatoire des ventes de médicaments montre une diminution de 19,8 % du tonnage des antibiotiques vendus entre 1999 et 2009, induite par la baisse de deux familles : les tétracyclines et les sulfamides. Pour affiner les statistiques, car le tonnage brut est difficilement interprétable face à la variété des espèces et des productions, un indicateur a été mis au point. L’indice d’exposition aux antibiotiques (Alea) rapporte le poids des animaux traités à la masse de la population animale totale. Or cet indice a augmenté de 12,5 % entre 1999 et 2009, pour tous les antibiotiques confondus. La hausse est de 248 % pour les céphalosporines de troisième et quatrième générations, et de 93,7 % pour les fluoroquinolones sur la même période.

La transmission des résistances et des bactéries résistantes suit plusieurs voies

Les voies de transmission et de dissémination de bactéries résistantes sont variées et le phénomène est donc à appréhender dans sa globalité. La diffusion des résistances parmi les bactéries peut se faire facilement par le biais du matériel génétique mobile, comme les plasmides, donc plus vite que via une mutation chromosomique. Ce matériel génétique mobile peut d’ailleurs transmettre simultanément plusieurs types de résistances, ce qui réduit d’autant plus rapidement le potentiel des antibiotiques en favorisant la diffusion de résistance multiples. En outre, ces résistances peuvent être transmises à la flore commensale, et pas uniquement par des germes pathogènes.

En santé humaine, une action fondée sur un emploi raisonné et sur une campagne de communication auprès des professionnels et des particuliers a permis une réduction effective de la consommation d’antibiotiques. L’arrivée des génériques est en train d’inverser progressivement la tendance, car leur coût plus faible offre un meilleur accès au traitement et, en conséquence, une consomma– tion facilitée. Leur emploi est remis en question en médecine humaine, alors qu’ils commencent à envahir le marché vétérinaire.

Jean-Yves Madec, directeur-adjoint du laboratoire de Lyon-Anses, a indiqué que le site Internet de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) propose des recommandations de bonnes pratiques ciblées par maladie et par patient cible, avec un schéma thérapeutique précis. Des recommandations du même ordre pourraient donc être développées en médecine vétérinaire selon trois axes : par entité clinique et par type de production, sans se limiter aux seuls antibiotiques critiques, et par priorité d’après les données moléculaires disponibles (qui permettent de suivre l’évolution des bactéries et de connaître l’origine des clones résistants).

Tous les participants se sont accordés sur le fait qu’il faut, avant de prendre toute décision, étudier les différentes utilisations des antibactériens et déterminer les pratiques à risque. Ainsi, une étude de l’Anses sur l’emploi des antibiotiques en élevage révèle que, selon l’espèce animale et le type de production, 10 à 30 % des exploitations consomment 50 % des antibiotiques. Cela montre l’importance de la conduite d’élevage. Le recours aux antibiotiques peut être une solution de facilité lorsque les conditions d’élevage sont mauvaises ou inadaptées.

Une surenchère de précautions

Certaines familles de molécules sont plus spécifiquement à risque. En santé publique, les couples bactéries/antibiotique sont particulièrement surveillés. Dans ce contexte, des mesures visant à réduire et à protéger l’utilisation de ces molécules en santé animale sont envisagées par tous les acteurs, pour éviter de se voir imposer une interdiction stricte.

• Des actions de prévention et de formation sont engagées dans toutes les filières d’animaux de production et de compagnie, à l’aide de guides pratiques et de recommandations d’emploi.

• Les vétérinaires qui exercent en production porcine ont clairement indiqué leur décision, concertée, de limiter l’utilisation des céphalosporines de troisième et quatrième générations aux situations exceptionnelles.

• Les Coopératives agricoles de France, qui regroupent les organisations professionnelles en production aviaire, porcine, bovine, ovine et caprine, ainsi que des producteurs d’aliments, annoncent de leur côté un moratoire sur l’utilisation de ces molécules, d’une durée préliminaire de deux ans. Philippe Amar et Valérie Bris (Coop de France) expliquent cette initiative par le besoin de prendre des décisions suffisamment lisibles et fermes face à la situation actuelle.

• Les laboratoires fabricants sont, eux aussi, impliqués. Le Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire (SIMV) insiste sur l’impossibilité de créer une entente sur les pratiques commerciales ou marketing, qui ne serait pas autorisée par la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cependant, il indique prendre en compte le risque d’antibiorésistance dans les dossiers d’autorisations de mise sur le marché (AMM), avec d’autres initiatives pour sécuriser la filière du médicament vétérinaire.

S. P.

Et l’Etat dans tout cela ?

Dans ce débat, l’Etat est un invité incontournable. Charles Martins-Ferreira, représentant la Direction générale de l’alimentation (DGAL), affiche la volonté politique d’élaborer un plan d’action à court terme, de fixer des objectifs clairs, réalistes et réalisables. Une réduction de 25 % de la consommation globale, toutes filières confondues, sous cinq ans, sont les chiffres avancés, qui se veulent comparables à la réduction observée en médecine humaine. Le comité de coordination pour un usage raisonné des antibiotiques, annoncé en 2009, attend toujours la publication du décret qui doit lui donner une base légale. Il est cependant formé, de manière moins officielle, et doit se réunir courant janvier 2011 avec une composition élargie.

Le budget manquera peut-être à l’appel, mais la bonne volonté de chacun des participants devrait compenser cette carence.

S. P.
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