SAVOIR LIRE UN BILAN COMPTABLE - La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010

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Auteur(s) : Pierre Botrel

Bien connaître son entreprise, c’est être capable d’analyser dans les grandes lignes ses comptes, les comprendre et les interpréter. Voici, de façon claire et pratique, les clés pour décoder en toute simplicité les principales données comptables d’un bilan. De la bonne lecture de ce document découlera éventuellement un dialogue renforcé avec l’expert-comptable.

Faire le bilan d’une entreprise consiste à procéder à l’inventaire systématique de ce qu’elle possède et de ce qu’elle doit, à un instant donné, pour pouvoir déterminer ce qu’elle vaut (sur le plan comptable). C’est un “arrêt sur image”, un instantané réalisé à la clôture de l’exercice. Le vétérinaire chef d’entreprise doit comprendre son bilan, afin de prendre conscience de la valeur de son patrimoine professionnel et des forces et faiblesses de sa situation financière. Précisément, l’actif englobe tous les biens matériels et immatériels détenus par la structure. Le passif comprend l’ensemble des financements ou des ressources qui ont servi à acquérir les biens détenus à l’actif.

Pour un gestionnaire, le bilan est une source d’informations vitales pour prendre des décisions. L’analyse du passé par le bilan lui permet de mieux comprendre l’évolution de son entreprise et d’appréhender, dans les meilleures conditions, son avenir.

Où lire le bilan ? Les documents nécessaires sont tirés de la liasse fiscale adressée chaque année aux services des impôts. Ce sont les tableaux n° 2050 et n° 2051, reproduits en pages 32 et 33. Ils présentent l’avantage d’être uniformes pour toutes les entreprises soumises au régime “réel normal” en matière de bénéfices. En outre, ces tableaux font une présentation des comptes avec un comparatif sur l’année précédente. Celui-ci porte-t-il sur des périodes identiques ? La réponse se trouve sur le tableau n° 2050 en haut à droite : « Durée de l’exercice en mois. » Dans le cas présent, l’exercice de l’année n a une durée de douze mois. C’est un renseignement important pour apprécier notamment l’évolution du chiffre d’affaires et du résultat.

1 LES PRINCIPAUX POSTES DU BILAN À CONNAÎTRE

A l’actif

• Les immobilisations incorporelles : elles sont représentées par les biens immatériels, tels que le fonds commercial (clientèle, enseigne, droit au bail, etc.). Il s’agit principalement du fonds commercial (n° 2050, ligne AH). Le montant précisé sur cette ligne correspond à la valeur d’achat du fonds.

La première question à se poser est celle de la valeur vénale approximative de ce fonds. En d’autres termes, vaut-il plus ou moins que la valeur historique inscrite au bilan ? Dans l’hypothèse d’une évolution négative, cette situation ne devrait pas ressortir, car les règles comptables qui régissent la production des comptes obligent la constatation d’une provision pour dépréciation en cas de perte de valeur du fonds.

• Les immobilisations corporelles (n° 2050, lignes AN à AT) : ce sont les biens, terrains (AN), constructions (AP) et matériels tels que les installations techniques, etc. (AR), les autres immobilisations corporelles comme le matériel de bureau, le mobilier, l’informatique, etc. (AT) dont la clinique vétérinaire est propriétaire. Ce poste résume les moyens techniques utilisés. Sa présentation est en trois colonnes : brut (prix d’acquisition des biens), amortissement (montant estimé de l’usure), net (prix d’acquisition sous déduction des amortissements).

• Les immobilisations financières (n° 2050, ligne BH) : elles sont constituées, le plus souvent, des investissements à caractère financier (prêts consentis par l’entreprise), des participations financières dans d’autres sociétés, et des cautionnements versés par la clinique qui pourront lui être remboursés à terme (par exemple, un dépôt de garantie des locaux pour les structures qui sont locataires des murs).

• Les stocks et en-cours (n° 2050, ligne BT) : on y trouve l’ensemble des biens et services destinés à être vendus ou consommés, et qui font partie du cycle d’exploitation (stocks de matières premières, de marchandises comme les médicaments, le pet-food, etc., pour leur valeur à la date d’arrêté du bilan). Notons que l’inventaire de tout le stock est chiffré à la date de clôture au coût de revient.

• Les avances et acomptes versés sur commandes (n° 2050, ligne BV) : ce sont les sommes versées par la clinique à des fournisseurs dès la commande.

• Les créances (n° 2050, ligne BZ) : ce sont les sommes d’argent dues par des tiers à la clinique (comptes clients et effets à recevoir, fisc, TVA à récupérer).

• Les valeurs mobilières de placement (n° 2050, ligne CD) : ce sont les titres (actions, obligations, Sicav, etc.) achetés dans le but de réaliser un placement à court terme. Ils figurent au bilan pour leur prix d’achat. Si, à la date de clôture, leur cours est inférieur au prix d’achat, il faut constater une provision pour dépréciation.

• Les disponibilités (n° 2050, ligne CF) : elles représentent le montant des avoirs en caisse et en banque au moment de la clôture du bilan.

• Les charges constatées d’avance (n° 2050, ligne CH) : elles ont été comptabilisées dans l’exercice qui s’achève, mais se rattachent à l’exercice suivant.

Au passif

• Les capitaux propres (n° 2051, ligne DL) : ce poste regroupe le capital social ou individuel (DA) et le résultat de l’exercice (DI). Le capital de la société est composé des apports en nature ou en argent consentis par les associés ou par l’exploitant et mis à la disposition de l’entreprise, soit à sa création, soit lors d’une augmentation de capital.

La comparaison des deux exercices permet de déduire le montant prélevé par le vétérinaire (en cas d’exercice en solo) pour son train de vie et ses impôts personnels.

Les capitaux propres sont, pour la banque, l’un des principaux éléments représentatifs de la santé financière de l’entreprise. Plus ils sont importants en valeur relative, moins la société dépend de financements externes.

• Les réserves (n° 2051, lignes DD, DE, DF, DG) : elles font aussi partie des capitaux propres et constituent la partie des bénéfices non distribués les années précédentes et laissés à la disposition de la société.

• Résultat ou perte de l’exercice (n° 2051, ligne DI) : le bénéfice de l’exercice vient accroître les moyens de financement propres à l’entreprise. A contrario, la perte de l’exercice diminue les moyens de financement propres à l’entreprise.

Lorsque cette dernière est soumise à l’imposition sur les sociétés, le bénéfice apparaît net d’impôt. S’il s’agit d’une entreprise individuelle, le bénéfice, qui représente ce qu’a gagné l’exploitant durant l’exercice, apparaît avant impôt.

• Emprunts et dettes assimilées (n° 2051, ligne DU) : ce poste comprend essentiellement le ou les crédits qui ont servi à financer l’acquisition de la clinique ou des travaux de rénovation. Les sommes inscrites au bilan représentent la part en capital qui reste à rembourser à la clôture, à l’exception des intérêts.

Il est intéressant de mettre en rapport cette rubrique avec le montant des capitaux propres (n° 2051, ligne DL) et celui du fonds (n° 2050, ligne AH).

La comparaison des capitaux propres et des emprunts permet de constater, dans le bilan, le niveau du risque financier de la banque par rapport à celui de l’exploitant. Le rapprochement des emprunts restant dus et du fonds permet d’estimer le montant disponible après remboursement des banques en cas de cession, à condition que la valeur inscrite en comptabilité pour le fonds corresponde à la valeur vénale dudit fonds, ce qui est rarement le cas.

• Emprunts et dettes financières divers (n° 2051, ligne DV) : pour les cliniques vétérinaires exploitées sous forme de sociétés, cette rubrique correspond aux soldes créditeurs des comptes courants des associés (ce sont les dettes de la société vis-à-vis des associés).

• Dettes fournisseurs et comptes rattachés (n° 2051, ligne DX) : ces dettes représentent le montant des achats non payés au jour où est établi le bilan. Leur montant doit s’apprécier relativement à celui de l’exercice précédent (n° 2051, ligne DX n - 1), aux stocks de marchandises (n° 2050, ligne BT) et au montant des achats (n° 2052, ligne FS) et des charges externes (n° 2052, ligne FW). Cela permet de déterminer un délai moyen de règlement approximatif. La comparaison avec l’exercice précédent permet de constater si la clinique règle plus ou moins rapidement ses fournisseurs.

• Dettes fiscales et sociales (n° 2051, ligne DY) : le montant de ce poste est lié aux délais de règlement des charges sociales et des différents impôts. Les variations ne doivent pas être conséquentes. Une augmentation importante de ce poste pourrait signifier que la clinique ne peut plus faire face à ses échéances normalement.

2 LA LECTURE DU BILAN ET L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Le bilan est donc composé d’un actif, qui regroupe tout ce que l’entreprise possède, et d’un passif, qui représente tout ce qu’elle doit. La présentation de ces deux parties est effectuée de manière ordonnée selon le degré de liquidité de chaque poste. Plus celui-ci est liquide – c’est-à-dire aisément transformable en trésorerie –, plus il se situe en bas du bilan.

Pour apprécier la qualité du bilan d’une entreprise, autrement dit analyser sa situation financière, il convient d’examiner si l’équilibre des grandes masses de ce bilan est respecté. Certains principes s’imposent.

L’équilibre à long terme ou le fonds de roulement

Comparer le montant des actifs à long terme au passif à long terme permet d’analyser comment sont financés les outils d’exploitation de l’entreprise. En effet, comme ceux-ci sont destinés à être utilisés sur une période relativement longue, leur financement doit également être étalé dans le temps. A l’inverse, s’ils sont financés avec du passif à court terme, l’entreprise se trouvera rapidement asphyxiée.

Un bilan structurellement bien équilibré implique donc que les actifs à long terme (les immobilisations) soient inférieurs au passif à long terme (capitaux propres et emprunts à long terme). Si ce n’est pas le cas, cela signifie que l’entreprise n’a pas mis en place les financements nécessaires pour investir dans ses outils d’exploitation, soit par les apports des dirigeants ou des associés investisseurs, soit par le concours d’organismes financiers. Elle risque même parfois de se retrouver asphyxiée en raison d’un autofinancement trop important.

• Calcul du fonds de roulement : c’est l’indicateur préféré du banquier, car il exprime “l’aisance financière” à moyen terme de l’entreprise. Il résume la combinaison des deux postes principaux suivants :

– les ressources permanentes, c’est-à-dire les capitaux propres (n° 2051, ligne DL) ajoutés aux emprunts (n° 2051, ligne DU) ;

– les emplois permanents, soit l’actif immobilisé net (n° 2050, ligne BJ, col 3), qui est égal à l’actif immobilisé (n° 2050, ligne BJ, col. 1) moins la ligne BK, col. 2.

Ainsi, le fonds de roulement s’obtient en déduisant les emplois permanents des ressources permanentes. Il doit être positif, donc dégager du financement.

L’analyse du besoin en fonds de roulement

Après avoir examiné l’équilibre financier à long terme, il faut se pencher sur les éléments à court terme du bilan. Ainsi conviendra-t-il d’analyser le poids des stocks et des créances à court terme (c’est-à-dire les actifs hors trésorerie) par rapport aux dettes à court terme.

Si les stocks et créances sont inférieurs aux dettes à court terme, cela signifie que l’entreprise encaisse plus vite ses créances qu’elle ne règle ses dettes. Elle dégage ainsi un besoin en fonds de roulement négatif qui lui est favorable (c’est le cas de la grande distribution, qui réalise des ventes au comptant et règle ses fournisseurs à terme).

Si la proportion est inversée, l’entreprise règle plus vite ses fournisseurs que ses clients ne la payent. Elle aura alors un besoin en fonds de roulement positif, qu’elle devra financer. Concrètement, le besoin en fonds de roulement se définit comme l’argent qu’il faut mettre dans la société pour la faire fonctionner.

En pratique, outre la nature de l’activité, il dépend directement du volume d’activité de l’entreprise. Par exemple, si le chiffre d’affaires double, les créances clients doubleront également.

En phase de croissance, il faut donc toujours prévoir le financement de ce besoin en fonds de roulement, afin que croissance ne rime pas avec difficultés de trésorerie.

• Calcul du besoin en fonds de roulement : ce besoin exprime l’excédent des emplois courants sur les ressources courantes. Il est égal aux besoins de financement d’exploitation, déduction faite des ressources de financement d’exploitation, sachant que figurent :

– parmi les besoins : les stocks (n° 2050, ligne BT), le crédit client (n° 2050, ligne BX), les autres créances (n° 2050, ligne BZ), les charges constatées d’avance (n° 2050, ligne CH, col 3) ;

– parmi les ressources : les dettes fournisseurs et comptes rattachés (n° 2051, ligne DX), les dettes fiscales et sociales (n° 2051, ligne DY), les autres dettes (n° 2051, ligne EA).

Le niveau de la trésorerie

La trésorerie comprend l’argent en banque ou en caisse. Son niveau dépend directement des deux points précédents : l’équilibre financier à long terme et l’importance du besoin en fonds de roulement de l’entreprise. La trésorerie est le point de convergence de toutes les mesures de gestion (bonne ou mauvaise organisation, rentabilité, prévisions à moyen terme, etc.).

Ainsi, une entreprise qui autofinance de manière importante ses investissements, et dont les délais de règlements de ses clients sont bien supérieurs à ceux de ses fournisseurs, a des besoins importants en trésorerie, donc une trésorerie négative.

Inversement, une entreprise qui finance par emprunt ses investissements, et qui encaisse rapidement ses clients, a en principe une trésorerie positive, dès lors que son résultat est en rapport avec ses besoins de financements.

• Calcul de la trésorerie : le solde de trésorerie est l’ajustement entre le fonds de roulement et le besoin en fonds de roulement. Il résulte de la différence entre ces deux précédents indicateurs calculés comme ci-dessus.

Une valeur positive de la trésorerie représente le montant des disponibilités (n° 2050, ligne CF) à la date de clôture.

La trésorerie nette se calcule à partir de la liasse fiscale. Elle est issue de la soustraction des concours bancaires et soldes créditeurs de banques (découverts, n° 2051, ligne EH) des disponibilités (n° 2050, ligne CF).

Trois ratios financiers à connaître et à utiliser

L’analyse du bilan peut être complétée par celle de certains ratios financiers, notamment par la détermination des ratios de délai de rotation ou de règlement.

• Ratio de rotation des stocks

Le résultat obtenu correspond à la durée moyenne de stockage d’un produit avant sa vente.

• Ratios de délai de règlements

– délai clients :

Le nombre de jours obtenu correspond à la durée moyenne de règlement des clients.

– délai fournisseurs :

Le calcul de ces différents ratios et l’analyse de leur évolution dans le temps permettent de détecter des dérapages qui peuvent avoir des incidences importantes sur l’équilibre financier de l’entreprise.

Etablir les comptes annuels

Les comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et l’annexe. Ils forment un tout indissociable. Ils sont établis à la clôture de l’exercice, au vu des enregistrements comptables et de l’inventaire. L’annexe comporte des informations complémentaires obligatoires et doit mettre en évidence tout fait susceptible d’influencer, de manière significative, le patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entreprise. Par conséquent, demandez toujours l’annexe pour vérifier si elle ne contient pas des renseignements importants qui pourraient modifier votre jugement.

Ces documents ne sont pas obligatoires dans tous les cas. Les exploitants individuels, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), et les sociétés civiles de moyens, soumises au régime simplifié d’imposition, sont dispensés sur le plan fiscal de produire un bilan si leur chiffre d’affaires n’excède pas :

– 54 000 € HT pour les prestataires de services ;

– 153 000 € HT depuis janvier 2002 pour les autres activités.

Il ne s’agit que d’une faculté. L’entreprise peut donc, si elle le souhaite, déposer le tableau n° 2033-A à l’appui de sa déclaration. Ces mêmes entreprises peuvent aussi opter, sur la déclaration de résultats, pour la tenue d’une comptabilité supersimplifiée. Dans ce cas, les obligations comptables sont allégées.

P. B.

A savoir sur l’actif

L’actif présente trois colonnes pour l’exercice de clôture (N).

• La colonne “valeur brute” représente la valeur d’entrée d’un bien dans l’actif de l’entreprise, comptabilisé à son coût d’acquisition.

• La colonne “amortissements/provisions” contient le cumul des amortissements constatés depuis l’acquisition du bien. Si ce dernier n’est pas amortissable, la provision représente la dépréciation subie par le bien par rapport à sa valeur d’acquisition.

• La colonne “valeur nette” présente, pour chaque bien, la différence entre la valeur d’acquisition et les amortissements ou provisions comptabilisés.

P. B.
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