L’insulinothérapie s’adapte à chaque chat - La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010

Endocrinologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Observance, résultats et réglementation sont les trois éléments avec lesquels le praticien doit jongler face au diabète sucré félin.

L’insulinothérapie chez le chat relève d’un travail de “jonglerie”. En effet, dans cette espèce, une hyperglycémie prolongée met au repos les cellules β du pancréas (glucotoxicité), ce qui implique, tout au long de la vie de l’animal diabétique, de moduler les doses d’insuline selon un éventuel réveil de ces cellules. La situation diffère chez le chien, pour lequel les doses sont relativement fixes. A la suite de modulations à la baisse des doses d’insuline, un nombre non négligeable de chats peuvent même présenter une rémission du diabète, c’est-à-dire un état asymptomatique sans insulinothérapie.

Quatre formes d’insuline sont désormais disponibles

La forme originelle de l’insuline est la solution de monomères (Actrapid®(1) par exemple). Elle est administrable par toutes les voies. Injectée en intraveineuse, elle a un effet aigu et bref, alors que par voie sous-cutanée, la pharmacocinétique est plus lente.

Des formes ralenties, sous forme de suspensions, sont ensuite apparues. Il s’agit de monomères d’insuline sous forme amorphe ou de polymères sous forme cristalline, qui ne sont pas injectables par voie intraveineuse. Caninsulin® fait partie de cette famille d’insuline. Biphasique, elle comporte 30 % de forme amorphe et 70 % de forme cristalline.

La fin des années 90 a vu l’apparition d’analogues, développés par les outils de la biologie moléculaire, sur le marché du médicament humain. La glargine (Lantus®(1)), présentée en solution à pH acide, précipite une fois injectée. Les monomères d’insuline sont alors libérés progressivement. Le détemir (Levemir®(1)), également présenté en solution, possède une plus grande affinité pour l’albumine, ce qui ralentit sa pharmacocinétique. Les données préliminaires, certes restreintes, de l’utilisation de ce type d’analogue chez l’animal sont prometteuses.

Trois voies d’administration, pour trois objectifs différents

Chez le chat diabétique en acidocétose, la priorité est la prise en charge des troubles ioniques et hydriques. L’insulinothérapie est généralement mise en place à la suite de l’initiation de corrections hydro-électrolytiques. La diminution de la glycémie permet de rompre le cercle vicieux qui aboutit à la production des corps cétoniques. Pour éviter l’apparition des œdèmes par appel hydrique, la glycémie doit être abaissée progressivement. L’objectif est de faire chuter la glycémie de 0,5 g/l toutes les heures pour obtenir un taux inférieur à 2,5 g/l après vingt-quatre heures. Trois protocoles sont envisageables, selon l’animal et les contraintes du praticien.

Une insuline en solution peut être injectée par voie sous-cutanée. Ainsi, son action est longue. Une dose test (0,2 à 0,5 UI/kg) est administrée. Son effet est contrôlé trois heures et six heures plus tard. A partir de ces données, cette dose test est ajustée et les contrôles sont réitérés. L’inconvénient de ce protocole est le temps de latence avant l’obtention d’une réponse.

Par voie intramusculaire, une dose test (0,2 UI/kg) est également utilisée et son action est contrôlée une heure plus tard. Selon l’effet et l’objectif, l’insulinothérapie est modulée. L’animal est alors stabilisé beaucoup plus rapidement. Ce protocole est cependant contraignant dans le temps : si la prise de sang de contrôle est retardée, il est impossible d’interpréter le résultat.

La voie intraveineuse est la troisième stratégie, qui peut apparaître audacieuse sans un débimètre sur les perfuseurs. Elle est cependant élégante et permet de corriger de façon linéaire le débit d’administration (0,02 à 0,04 UI/kg/h). Les ouvrages de référence proposent la dose de 1,1 UI/kg d’insuline en solution (Actrapid®) diluée dans 250 ml de NaCl chez le chat (versus 2,2 UI/kg chez le chien), mais cette distinction d’espèce n’admet pas de réelle justification expérimentale.

Plusieurs éléments sont à considérer quant au choix de l’insuline

Chez le chat comme chez le chien, la réponse à tout protocole d’insulinothérapie admet une grande variabilité individuelle. Il convient donc de pouvoir moduler le schéma thérapeutique choisi en première intention.

La bibliographie procure des preuves d’efficacité pour chacune des insulines. Au-delà de l’intérêt réglementaire à utiliser Caninsulin®, seul à posséder une autorisation de mise sur le marché vétérinaire, son efficacité est démontrée par plusieurs études qui portent sur un nombre relativement important de chats.

Une étude sur quarante-six chats (L. Michiels et coll.) montre une certaine efficacité de l’insulinothérapie avec cette spécialité, avec huit cas de rémission et vingt-trois cas asymptomatiques sous traitement en moins de seize semaines. Cette étude confirme les résultats d’une précédente (G. Martin, J. Rand, 2007) menée sur vingt-cinq chats et montrant sept cas de rémission. Par ailleurs, encore une fois dans cette étude, il est observé la grande variabilité individuelle des courbes de glycémie chez les animaux asymptomatiques sous traitement à l’insuline. Il y a eu quelques cas d’hypoglycémie biologique : parmi les quatre cents dosages réalisés au cours de l’étude, vingt-cinq cas d’hypoglycémie sont notés. Huit chats ont présenté, à un moment donné, une expression clinique d’hypoglycémie. Ces éléments sont à considérer lors du choix de l’insuline.

Les résultats avec les analogues sont intéressants, mais encore peu nombreux

Les recherches relatives à l’utilisation des analogues ne concernent, à l’heure actuelle, qu’un nombre restreint d’animaux. Une étude (A. Boari et coll.) sur cinq cas a été menée avec la glargine : deux des cinq chats ont présenté une rémission et les trois autres ont été jugés équilibrés par leur propriétaire. Les principales limites de cette première étude sont, bien entendu, son caractère ouvert et son faible nombre de cas inclus.

Des essais comparatifs existent. L’un, randomisé (K. Weaver et coll.), porte sur des chats atteints de diabète “nouveau” ou “ancien” (certains pouvaient déjà être sous insuline à l’inclusion dans le protocole). Pour sept chats, l’insuline classique est utilisée (deux fois par jour) et pour six autres, la glargine est employée (une fois par jour). L’analyse de marqueurs de l’équilibrage du diabète n’a pas mis en évidence de différence significative entre les deux lots. Il y a, dans les deux groupes, un cas de rémission.

Une étude australienne (R. Marshall et coll.), non randomisée, compare vingt-quatre chats nouvellement diagnostiqués, répartis en trois groupes (lot Caninsulin®, lot autre insuline lente non disponible sur le marché français, lot Lantus®). Les animaux sous glargine présentent des glycémies moyennes sur la journée beaucoup plus faibles, avec l’atteinte d’une rémission dans les huit cas, alors qu’elle n’est observée que dans deux à trois cas sur huit pour les autres insulines. Cette étude manque de puissance statistique et comporte, comme la plupart des essais cliniques, des biais, principalement de sélection dans le cas présent. Elle souligne cependant une grande efficacité de la glargine, avec en corollaire un risque d’hypoglycémie important si ce traitement n’est pas correctement surveillé.

Caninsulin® est conseillé en première intention

Notre confrère Dan Rosenberg utilise en première intention Caninsulin®, avec dans la plupart des cas une forte dose pour commencer (4 UI pour un chat de 4 kg, par exemple). La réalisation d’une courbe de glycémie une semaine environ après le début du traitement est cruciale pour valider, ou au contraire remettre en question, ce choix de première intention.

Un temps d’action de plus de dix heures est une invitation à maintenir le choix de cette insuline, alors qu’à l’inverse, une durée brève incite à changer pour une insuline dotée d’une durée d’action espérée plus longue. Dans ce cas de figure, son choix se porte systématiquement, en seconde intention, sur Lantus®, employé deux fois par jour. L’emploi biquotidien de Lantus® offre, dans un nombre de cas important, des courbes de glycémie planes, alors que l’animal est encore imprégné d’insuline administrée douze heures plus tôt. De telles cinétiques autorisent, dans un nombre élevé de cas, un bon contrôle clinique du diabète sucré. Cependant, elles sont probablement associées à un risque accru d’hypoglycémie.

Même lorsque le protocole d’insulinothérapie a atteint ses objectifs (disparition de l’expression clinique du diabète sucré), des contrôles doivent être réguliers (afin de suivre au mieux d’éventuelles levées de glucotoxicité). Il convient de prendre du recul par rapport à la courbe de glycémie, ne serait-ce que parce qu’elle présente une forte variabilité intra-individuelle d’un jour à l’autre. Une courbe de glycémie s’interprète donc par rapport au contexte clinique.

Une étude effectuée chez le chien montre que les évolutions de la polyuro-polydipsie, de la polyphagie et du poids constituent des marqueurs fins de l’équilibrage du diabète sucré dans cette espèce (C. Briggs). Des données analogues sont retrouvées chez le chat (G.Martin, J. Rand, 2007b).

  • (1) Pharmacopée humaine.

BIBLIOGRAPHIE

  • • L. Michiels et coll. : « Treatment of 46 cats with porcine lente insulin-a prospective, multicentre study », J. Feline Med. Surg., 2008, vol. 10, n° 5, pp. 439-451.
  • • G.J. Martin, J.S. Rand : « Control of diabetes mellitus in cats with porcine insulin zinc suspension », Vet. Rec., 2007, vol. 161, n° 3, pp. 88-94.
  • • A. Boari et coll. : « Glargine insulin and high-protein-low-carbohydrate diet in cats with diabetes mellitus », Vet. Res. Commun., 2008, vol. 32, suppl. 1, pp. S243-245.
  • • K.E. Weaver et coll. : « Use of glargine and lente insulins in cats with diabetes mellitus », J. Vet. Intern. Med., 2006, vol. 20, n° 2, pp. 234-238.
  • • R.D. Marshall, J.S. Rand, J.M. Morton : « Treatment of newly diagnosed diabetic cats with glargine insulin improves glycaemic control and results in higher probability of remission than protamine zinc and lente insulins », J. Feline Med. Surg., 2009, vol. 11, n° 8, pp. 683-691.
  • • C.E. Briggs et coll. : « Reliability of history and physical examination findings for assessing control of glycemia in dogs with diabetes mellitus : 53 cases (1995-1998) », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2000, vol. 217, n° 1, pp. 48-53.
  • • G.J. Martin, J.S. Rand : « Comparisons of different measurements for monitoring diabetic cats treated with porcine insulin zinc suspension », Vet. Rec., 2007, vol. 161, n° 2, pp. 52-58.

CONFÉRENCIER

Dan Rosenberg, maître de conférences, unité de médecine de l’ENVA.

Article rédigé d’après la conférence : « Insulinothérapie : il y a des choix » présentée lors du congrès de la Fecava 2009, à Lille.

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