« L’expérimentation animale ne peut souffrir l’imperfection », estime Jean-Luc Cadoré - La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010

Société vétérinaire pratique. Séance thématique de pathologie comparée

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

La pertinence des modèles animaux, préalable à leur choix, reste peu documentée.

C’est à l’école du Val-de-Grâce à Paris (qui, sous l’impulsion de Charles Mérieux, animait, il y a quelques années encore, un club de biopathologie comparée) que la Société vétérinaire pratique de France (SVPF) s’est réunie, le 13 octobre dernier, pour une séance consacrée à la pathologie comparée(1). L’après-midi était organisé conjointement avec l’association des anciens élèves de l’Institut Pasteur et présidé par Jean-Luc Cadoré (VetAgro Sup, Lyon), qui est intervenu autour de la notion de « pertinence des modèles animaux ».

Un recours aux modèles animaux qui ne va plus forcément de soi

« Nous nous estimerions trop heureux si les personnes à qui la vie des hommes est confiée, persuadées des progrès que leur art peut attendre encore de la médecine comparée, daignaient nous mettre à portée d’éprouver […] sur des animaux ce que la prudence ne leur permet pas de tenter sur la nature humaine », écrivait en son temps Claude Bourgelat(1). L’art médical en général n’a cessé, depuis, d’avoir recours à des essais sur l’animal. Quatre-vingt-onze prix Nobel de médecine et de biologie ont, depuis 1901, été décernés pour des travaux incluant des animaux dans leurs protocoles. Aujourd’hui, de nombreux domaines de recherche (physiologie, anatomie, vaccinologie, infectiologie, chirurgie, neurologie, cardiologie, pneumologie, nutrition, hépatologie, biologie moléculaire, génétique, etc.) continuent d’asseoir leurs connaissances et leurs pratiques sur les modèles animaux. Pour autant, ces usages ne vont plus forcément de soi.

Sensible au respect des animaux, la société s’interroge sur l’expérimentation animale. Selon une enquête menée en 2003 par le Centre national d’évaluation de la recherche (Cner), 64 % des personnes interrogées y sont défavorables et 76 % considèrent qu’il y a trop d’abus.

Les recherches menées chez l’animal manquent souvent de bien-fondé

Si la communauté scientifique s’interroge également, Jean-Luc Cadoré estime que les chercheurs devraient le faire encore davantage. Selon lui, si le recours à l’animal dans la recherche a été, est, et peut encore être utile, il nécessite un discernement autant éthique que scientifique. Au-delà de la règle des 3R(3), les préoccupations éthiques vis-à-vis des modèles animaux doivent intégrer la question de leur devenir après l’expérimentation. « Pendant trop longtemps, on a pensé que tout animal inclus dans un protocole expérimental devait être euthanasié. C’est une facilité. »

Notre confrère a insisté sur la notion de pertinence vis-à-vis du recours à tel ou tel modèle animal, toujours pas suffisamment prise en compte. Via plusieurs exemples, une étude britannique(4) de 2004 montre que, pour les stratégies de traitement en médecine humaine, l’apport des recherches menées chez l’animal n’est pas aussi évident qu’il en a l’air. L’essai pointe, en effet, le manque global de travaux préliminaires, ainsi que de nombreuses difficultés de méthodologie. Les différences interspécifiques ne sont pas non plus assez prises en considération. Les travaux sur l’insuffisance rénale chronique, rappelle par exemple Jean-Luc Cadoré, se sont longtemps focalisés sur le rat, alors que le chien se révèle un modèle nettement plus pertinent pour l’homme.

« Le modèle animal parfait n’existe probablement pas »

Notre confrère a également exhorté à la prudence vis-à-vis des analogies pathogéniques, qui nécessitent d’en mesurer les limites. Au sujet des modèles spontanés, en particulier, il a souligné que « ce n’est pas parce qu’on repère chez l’animal une maladie ou un dysfonctionnement déjà décrit chez l’homme que cet animal est forcément le meilleur modèle pour cette affection ».

« Le modèle animal parfait n’existe probablement pas » et l’évaluation de sa pertinence reste préalable à son choix. Cette pertinence dépend de paramètres comme la question scientifique posée (et les retombées attendues), l’approche méthodologique, l’espèce. L’analyse des retours d’expérience contribue également à la mesurer. En aucun cas, travailler sur un modèle signifie qu’il est validé et « toute mise en œuvre d’une nouvelle expérimentation doit être considérée comme une étude préliminaire ». A la règle des 3R, notre confrère associe volontiers les 2R supplémentaires de « responsabiliser » et « réfléchir ». Car « l’expérimentation animale ne peut souffrir l’imperfection, tant dans sa conception, sa réalisation, ses objectifs, que dans ses résultats scientifiques ». Au final, Jean-Luc Cadoré a insisté sur l’importance de la pathologie comparée, une solution alternative opportune à l’expérimentation animale, vis-à-vis de laquelle la position spécifique du vétérinaire, « seul véritable spécialiste de la biologie de l’animal », devrait se trouver renforcée.

  • (1) J. Brugère-Picoux, H. Bourhy et S. Zientara ont aussi participé à cette séance. Leurs interventions seront publiées dans le bulletin de la SVPF auquel il est possible de s’abonner sur http://www.svpf.fr

  • (2) « Art vétérinaire ou médecine des animaux », paru en 1761.

  • (3) Règle conceptualisée par W.M.S. Russell et R.L. Burch : remplacer les modèles d’étude in vivo ; réduire le nombre d’animaux ; raffiner les protocoles pour empêcher la douleur et le stress.

  • (4) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC351856/

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