En Bourgogne, 5 % des bovins sont porteurs de souches d’E. coli multirésistantes - La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010

Bactériologie

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

L’environnement d’une exploitation agricole pourrait servir de réservoir à des souches d’E. coli présentant des facteurs de virulence associés à des gènes de multirésistance aux antibiotiques.

L’incidence des souches d’Escherichia coli productrices de ß-lactamases à spectre élargi (BLSE), en majorité de céfotaximases (CTX-M), est croissante en médecine humaine. Ces infections débordent le cadre nosocomial, la plupart des patients hospitalisés étant déjà porteurs de ces bactéries résistantes au moment de leur admission. Cela pose la question de l’existence de telles souches dans l’environnement ou l’alimentation. L’éventuelle présence sur le territoire bourguignon à la fois de souches productrices de BLSE de type CTX-M chez les bovins et du gène bla-CTX-M dans les sols a donc été étudiée. Les animaux étaient élevés majoritairement en plein air et recevaient pour la plupart une alimentation issue des sols de l’exploitation.

Cet essai, à la fois phénotypique et génotypique, a été mené en Bourgogne en 2009 par les bactériologistes médicaux du centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, le laboratoire vétérinaire départemental de Côte-d’Or (LVD21) et l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Dijon.

Deux cent soixante et onze échantillons de fèces de bovins et cent vingt spécimens de sols ont été prélevés. Trente-cinq veaux malades et un bovin apparenté à chacun d’eux dans le même élevage ont fait l’objet de prélèvements. Les autres fèces étudiées proviennent de bovins adultes sains sélectionnés de façon aléatoire. Quatorze souches d’E. coli productrices de BLSE, différentes selon le troupeau, ont été isolées dans treize exploitations, ce qui correspond à 5,2 % des bovins testés. En Côte-d’Or et en Saône-et-Loire, toutes les souches sont porteuses du gène de type bla-CTX-M.

Une détection moléculaire par polymerase chain reaction (PCR) quantitative a révélé que 18,3 % des sols (10 % dans l’Yonne, jusqu’à 22 % en Saône-et-Loire) contiennent de l’ADN correspondant à des gènes de type bla-CTX-M. « La distribution n’est pas homogène à l’échelle de la région, et semble varier en fonction des pratiques agricoles. Cela montre une interrelation forte entre les productions et les pratiques agricoles, l’environnement sol-eau, et le système de culture et d’élevage », a déclaré Alain Hartmann, de l’Inra de Dijon.

L’étude établit ainsi formellement la présence du gène dans les sols (18 %) et, dans une moindre mesure, chez les bovins (5 %). Toutefois, les facteurs de virulence portés par ces souches et le lien éventuel entre portage de résistance et pouvoir pathogène restaient à évaluer.

Les interactions animal-pratiques d’élevage-environnement ne peuvent être ignorées

Un travail complémentaire a alors été conduit pour préciser les caractéristiques des souches trouvées dans l’environnement d’un élevage, ainsi que leur pathogénicité. Sur les trois élevages bovins pour lesquels des souches productrices de BLSE avaient été isolées, les auteurs ont mis en évidence la présence de souches d’E. coli productrices de BLSE de type CTX-M dans l’environnement proche de deux d’entre eux. Les facteurs de virulence ont été recherchés par typage génétique (au laboratoire d’analyses Sèvres-Atlantiques, Lasat) sur les souches porteuses de résistances de ces deux exploitations.

Dans l’un de ces élevages, une origine clonale commune a été établie entre les souches trouvées chez les animaux et dans les sols. Dans le second, la diversité des souches est plus importante dans l’environnement que chez l’animal, et dix facteurs de pathogénicité ont été mis en évidence sur les dix-huit recherchés. Des gènes de virulence proche des pathotypes EPEC (entéropathogène), NTEC (nécrotoxinogène) et ExPEC (septicémique) ont été retrouvés dans l’environnement (sol et fumier). Des profils ExPEC ont été identifiés chez les bêtes et dans l’exploitation, et un pathotype EPEC a été déterminé chez un animal. « Aucun problème d’entérite néonatale n’est décrit dans ces deux exploitations, alors que les profils retrouvés ont un potentiel pathogène non négligeable », a déclaré Eric Guéneau, du laboratoire d’analyses départemental de la Côte-d’Or (LDCO).

Ces résultats confirment l’existence d’une dissémination possible, dans l’environnement d’une exploitation agricole, de souches d’E. coli porteuses de facteurs de virulence associés à des gènes de multirésistance aux antibiotiques. Eric Guéneau met en garde le praticien : « L’interaction animal-environnement est un sujet dont nous devrons tenir compte dans l’avenir. L’environnement proche de l’exploitation doit faire partie de la réflexion et l’ignorer conduirait à la persistance, voire à la diffusion de ces gènes. Les interactions éventuelles entre portage de résistance et portage de facteurs de pathogénicité méritent des études plus approfondies. »

CONFÉRENCIERS

Catherine Neuwirth, du laboratoire de bactériologie du CHU de Dijon.

Alain Hartmann, de l’UMR microbiologie du sol et de l’environnement de l’Inra de Dijon.

Eric Guéneau, du LDCO (LVD 21) de Dijon.

Article rédigé d’après leurs conférences présentées aux Journées SNGTV à Lille en mai 2010 : « Détection de sources animales et environnementales de souches d’E.coli productrices de ß-lactamases à spectre élargi (BLSE) à l’échelle d’une région française (Bourgogne) » et « Détection et caractérisation moléculaire de souches d’Escherichia coli porteuses de gènes de résistance CTX-M (ß-lactamases à spectre élargi ou BLSE) et de gènes de virulence dans deux exploitations agricoles. »

BLSE CTX-M : importance de l’émergence

Les souches d’Escherichia coli productrices de ß-lactamases à spectre élargi (BLSE), enzymes conférant un haut niveau de résistance aux ß-lactamines, qui n’existaient qu’à l’hôpital, représentent aujourd’hui de 1 à 5 % des souches cliniques chez l’homme. Parmi les différentes familles de BLSE, les céfotaximases (CTX-M), qui ont une activité hydrolytique préférentielle vis-à-vis du céfotaxime par rapport à la ceftazidime, émergent depuis cinq ans de façon rapide et large, aussi bien à l’hôpital qu’en ville. « En 2007, cinquante-cinq de ces souches ont été isolées chez l’homme (dans l’urine, le liquide gastrique, le sperme, les surinfections d’impétigo, les plaies, etc.) dans notre hôpital. Durant les quatre premiers mois de 2010, déjà une centaine l’ont été », précise Catherine Neuwirth, du centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, pour montrer la rapidité de cette émergence.

L. R.

Résistance des coliformes en médecine humaine

• Plus de la moitié des souches d’E. coli sont résistantes aux pénicillines.

• Un tiers sont résistantes à l’association amoxicilline + acide clavulanique.

• 1 à 5 % sont productrices de BLSE.

• Des résistances aux quinolones et aux aminosides sont souvent associées.

L. R.

Antibiogramme par diffusion montrant un phénotype BLSE

Le test de synergie par diffusion en gélose consiste à déposer un disque contenant une association d’amoxicilline et d’acide clavulanique à côté de disques comportant une céphalosporine de troisième génération. L’image en bouchon de champagne entre AMC (amoxicilline + acide clavulanique) et CTX (céfotaxime), par exemple, souligne la présence d’une synergie, qui signe la production d’une ß-lactamase à spectre élargi (BLSE). La souche doit être interprétée comme étant résistante à toutes les céphalosporines utilisables en médecine vétérinaire.

Remarque : ce test peut être négatif avec des souches résistantes aux céphalosporines de troisième génération si elles le sont par production de céphalosporinase chromosomique et non de BLSE.

L. R.
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