Qu’est-ce que l’obligation d’information du vétérinaire ? - La Semaine Vétérinaire n° 1422 du 22/10/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1422 du 22/10/2010

En 2010

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Rappels sur les principes fondamentaux de cette obligation, plus particulièrement sur la sanction du vétérinaire en cas de manquement, donc de faute.

Effectuer des actes sur un animal sans en avoir préalablement informé le gardien et/ou le propriétaire ne devrait pas même, sauf urgence ou impossibilité, effleurer l’esprit d’un vétérinaire. Voilà en effet près de soixante-dix ans que l’obligation d’information en matière médicale a été posée par l’arrêt Teyssier (Cour de cassation, 28 janvier 1942). Cette obligation concerne également et sans conteste la profession, comme le rappelle l’article R.242-48 II du Code rural qui stipule que le vétérinaire « formule ses conseils et ses recommandations, compte tenu de leurs conséquences, avec toute la clarté nécessaire et donne toutes les explications utiles sur le diagnostic, sur la prophylaxie ou la thérapeutique instituée et sur la prescription établie ». La jurisprudence, sur ce point, est d’ailleurs constante : la cour d’appel de Caen jugeait ainsi, le 26 janvier 1989, que « le vétérinaire commet une faute s’il pratique un examen échographique qui comporte un risque mortel limite, sans avoir préalablement obtenu le consentement éclairé du propriétaire et alors que cet examen n’est pas indispensable, mais seulement utile ».

1 QUEL EST LE CONTENU DE L’INFORMATION À FOURNIR ?

L’information est destinée à permettre au détenteur de l’animal de prendre sa décision après avoir comparé les avantages et les risques encourus de l’acte proposé. Elle doit donc avoir une dimension globale et ne pas se limiter aux seuls risques.

Pour ceux-ci néanmoins, l’information doit porter sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles, même s’ils ne se réalisent qu’exceptionnellement.

Côté forme, le principe est la liberté du mode de délivrance de l’information. L’écrit n’est donc nullement imposé.

Quant à la charge de la preuve, depuis l’arrêt Hedreul du 25 février 1997, elle repose sur le vétérinaire.

2 QUELLE EST LA PREMIÈRE POSITION DES JUGES LORS D’ACTION EN RESPONSABILITÉ ?

Le premier temps est celui de la jurisprudence Teyssier. Dans cet arrêt du 28 janvier 1942, la décision judiciaire avait mis à la charge du praticien toutes les conséquences de l’opération chirurgicale à laquelle il avait procédé. Cette position vis-à-vis des préjudices réparables a longtemps été conservée.

3 QUAND EST APPARUE LA NOTION DE PERTE DE CHANCES ?

Dans un deuxième temps, la jurisprudence a considéré que le préjudice résultant du défaut d’information ne pouvait être systématiquement assimilé à l’intégralité des dommages subis par le patient du fait du risque qui s’était réalisé. Un arrêt du 7 février 1990 estime ainsi que le praticien « qui manque à son obligation d’éclairer son patient sur les conséquences éventuelles du choix de celui-ci d’accepter l’opération qu’il lui propose, prive seulement l’intéressé d’une chance d’échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé, perte qui constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles résultant de ladite opération ».

La réparation ne couvrait donc plus que la perte de chances, dont le quantum était souverainement apprécié par les juges selon une démarche en deux temps : évaluation des différents chefs de préjudices subis du fait de l’entier dommage conformément au droit commun, puis détermination du pourcentage de chances qu’avait la victime de refuser que l’acte soit réalisé sur son animal. Une fois ces deux paramètres déterminés, le préjudice indemnisé était constitué par l’application du taux de chances perdues à la valeur totale des préjudices subis.

Cette méthode présentait l’inconvénient, pour la victime, de voir dans certains cas le vétérinaire échapper à toute sanction, malgré une absence avérée de délivrance préalable d’information. En effet, lorsque les juges considéraient que l’information correctement délivrée n’aurait rien changé à la prise de décision, la chance de refuser l’intervention était alors jugée nulle, privant par conséquent la victime de toute indemnisation, malgré l’existence de préjudices certains. Un exemple en est donné par l’arrêt rendu le 6 décembre 2007 par la Cour de cassation : la première chambre civile conclut « que l’on devait considérer que, compte tenu de la gravité du problème cardiaque, de son évolution rapide, et du caractère relativement faible du risque encouru, présenté par les experts comme un risque rare, le patient se serait fait opérer, même si M. Y l’avait avisé d’une possibilité de complication ; qu’il ne pouvait donc être soutenu que le défaut d’information avait fait perdre au patient une chance de ne pas subir la pathologie dont il a été atteint ».

4 QUEL ARRÊT CONSACRE LE DÉFAUT D’INFORMATION COMME UNE FAUTE AUTONOME ?

Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 3 juin 2010, vient de marquer une évolution majeure dans la sanction de l’obligation d’information.

En l’espèce, le patient souffrait de rétention d’urine. Il subit une adénomectomie prostatique qui a pour effet d’entraîner une impuissance sexuelle complète et irréversible. En première instance, le tribunal de grande instance applique le principe de la perte de chances et considère que la violation du devoir d’information lui a fait perdre 30 % de chances d’éviter le dommage qui s’est réalisé. En appel, la cour de Bordeaux opère un revirement : elle infirme le jugement de première instance et déboute le patient de toutes ses demandes.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation conclut, selon les articles 16, 16-3 alinéa 2 et 1382 du Code civil, que « le non-respect du devoir d’information (…) cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes susvisés, le juge ne peut laisser sans réparation. Attendu que pour écarter toute responsabilité de M. Y envers M. X, l’arrêt, après avoir constaté le manquement du premier à son devoir d’information, retient qu’il n’existait pas d’alternative à l’adénomectomie pratiquée eu égard au danger d’infection que faisait courir la sonde vésicale, qu’il est peu probable que M. X, dûment averti des risques de troubles érectiles qu’il encourait du fait de l’intervention, aurait renoncé à celle-ci et aurait continué à porter une sonde qui lui faisait courir des risques d’infection graves ;

En quoi la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes susvisés ».

Exit donc la perte de chances qui, dans ce cas et selon l’ancienne jurisprudence, aurait valu au patient une indemnisation nulle sur ce point, les faits établissant qu’il n’existait pas d’alternative à l’opération pratiquée.

Cet arrêt consacre donc le défaut d’information comme une faute autonome qui doit obligatoirement donner lieu à réparation.

Cependant, seul l’avenir dira s’il s’agit d’un arrêt isolé ou d’une évolution majeure et durable.

PRÉCISIONS

• Pluralité d’intervenants. Dans certaines situations complexes, l’intervention de plusieurs praticiens peut être nécessaire. Dans ce cas de pluridisciplinarité (qu’elle soit successive ou concomitante), le principe de solidarité s’impose. Les praticiens sont alors solidaires les uns des autres et chacun doit informer son confrère des éléments qui ont une influence sur les soins.

• L’information au-delà de l’acte médical. L’obligation d’information ne s’arrête pas une fois l’acte médical accompli. La jurisprudence exige que le praticien informe de la façon dont l’intervention s’est réalisée, ainsi que des risques postopératoires qui subsistent.

Questions fréquentes

• Le client peut-il refuser de recevoir l’information ?

Oui. Cette faculté de refuser l’information est consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 octobre 1998.

• La personne qui reçoit l’information doit-elle être obligatoirement le propriétaire de l’animal ?

Non. Il peut s’agir du propriétaire, mais aussi de celui qui le détient en tant que gardien.

• Les frais engendrés par l’acte médical entrent-ils dans le champ de l’obligation d’information ?

Oui. Le praticien a un devoir d’information sur les frais engendrés par l’acte projeté.

C. P.
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