L’acheteuse d’un chien atteint de dysplasie perd son action sur le fondement du Code civil - La Semaine Vétérinaire n° 1422 du 22/10/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1422 du 22/10/2010

Commentaire du jugement du 22 avril 2009 du tribunal de Saint-Amand-Montrond

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Les dispositions sur la garantie de conformité, prévues par le Code de la consommation, étaient pourtant applicables au litige et n’auraient pas manqué de lui donner gain de cause.

LES FAITS DE L’ESPÈCE

Le 30 octobre 2005, Mme A fait l’acquisition d’un chien mâle bouvier bernois auprès de M. Eleveur, spécialisé dans la race.

A compter du mois de mars 2006, Mme A signale à M. Eleveur des problèmes d’équilibre et de mobilité chez le chien.

Puis, au mois d’avril, elle demande garantie à M. Eleveur par courrier, en invoquant une dysplasie chez son chien et en se fondant sur la garantie des vices rédhibitoires qui relève, selon elle, de la loi du 22 juin 1989. En réponse, l’éleveur conteste l’existence de la maladie.

Précision : si la loi du 22 juin 1989 existe bien, une action ne devrait plus, en 2009, être fondée sur ce texte. En effet, cette loi a créé l’ancien article 285-1 du Code rural (liste des vices rédhibitoires) qui a été abrogé par l’ordonnance du 15 juin 2000.

Afin de ne pas déstabiliser le juge, le texte à citer en 2009, dans une action judiciaire intentée pour cause de dysplasie coxofémorale, aurait dû être l’article R.213-2 du Code rural.

LA PROCÉDURE INITIÉE PAR L’ACHETEUR

Devant la contestation de la maladie par l’éleveur, Mme A saisit la justice d’une action en demande d’expertise vétérinaire sur son chien. Pour cela, elle s’adresse au tribunal d’instance qui statue en référé.

Précision : la saisine, qui ne vise qu’à la désignation d’un expert judiciaire, et qui est formulée avant toute demande indemnitaire, ne peut être effectuée que devant le tribunal d’instance statuant en référé, lorsque l’enjeu du litige est inférieur à 10 000 €. En aucun cas, la juridiction de proximité n’est compétente pour statuer en référé.

L’EXPERTISE VÉTÉRINAIRE

Par ordonnance en date du 17 janvier 2007, le juge des référés accorde la demande d’expertise et désigne un vétérinaire expert pour y procéder. Après avoir effectué sa mission, le praticien rend son rapport le 24 avril 2008, concluant au fait que le chien est bien atteint d’une dysplasie coxofémorale bilatérale.

Précision : le juge des référés, lorsqu’il n’est pas saisi pour vice rédhibitoire dans les trente jours qui suivent la vente de l’animal, n’est pas obligé d’accorder une demande d’expertise. En effet, selon l’article 145 du Code civil, une expertise peut être ordonnée « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ». Les juges disposent ainsi d’un pouvoir souverain quant à l’appréciation de la légitimité du motif (Civ. 1re, 9 février 1983) et, par conséquent, sur le fait de faire droit ou non à la demande d’expertise. Tel n’est pas le cas lorsque cette demande est formulée dans les trente jours de la vente, sur le fondement de l’article R.213-3 du Code rural, puisque ce texte impose à l’acheteur la demande d’expertise de l’animal.

LA SAISINE DU JUGE DU FOND POUR L’INDEMNISATION

Le 17 juillet 2008, Mme A a fait assigner M. Eleveur devant la juridiction de proximité de Saint-Amand-Montrond et formule les demandes suivantes : 1 267,95 € en réparation de son préjudice matériel, 1 000 € en réparation de son préjudice moral, 500 € pour résistance abusive.

En réponse immédiate, l’éleveur soulève l’incompétence territoriale de cette juridiction de proximité au profit de celle de Sancerre, compétente selon lui, eu égard au lieu où se trouve l’animal.

Devant l’incompétence soulevée, le juge de proximité renvoie l’affaire devant le tribunal d’instance de Saint-Amand-Montrond.

Précision : la juridiction de proximité présente en effet la particularité, contrairement aux tribunaux d’instance et de grande instance, de ne plus pouvoir statuer dès lors que sa compétence est contestée. Lorsqu’une telle situation se présente, l’article de 847-5 du Code civil dispose que « le juge de proximité renvoie toutes les exceptions d’incompétence au juge d’instance ». Le renvoi devant le tribunal d’instance est donc parfaitement justifié dans cette affaire.

LES DÉBATS DEVANT LE TRIBUNAL D’INSTANCE

Avant de trancher le fond du litige, le tribunal d’instance se prononce tout d’abord sur la question de la compétence territoriale et répond à l’argumentation de M. Eleveur selon laquelle l’article R.213-3 du Code rural impose à Mme A d’assigner devant la juridiction du lieu où se trouve l’animal.

Sur ce point, la décision du tribunal est parfaitement conforme aux textes : Mme A a saisi la juridiction de proximité d’une action en indemnisation, et non en expertise, et se devait donc de respecter, non les dispositions de l’article R.213-3 du Code rural, mais celles de l’article R.221-14 du Code de l’organisation judiciaire. En application de ce dernier texte, et le total des demandes étant inférieur à 4 000 €, la juridiction de proximité du domicile du défendeur est saisie en toute légalité.

LE FOND DU DOSSIER

Forte de l’établissement de la dysplasie chez son chien, Mme A assigne sur la garantie des vices cachés, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil. Selon elle, les dispositions du Code rural peuvent être écartées en raison de la présence, dans l’acte de vente, de la clause suivante : « Les parties conviennent que, préalablement à toute action au titre de la garantie, le vétérinaire de l’acheteur devra avoir communiqué au vétérinaire de l’éleveur ses constat et diagnostic. »

M. Eleveur oppose, quant à lui, le délai court de trente jours posé par le Code rural.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

« Attendu que la stipulation conventionnelle précitée a pour seul objet de permettre au vendeur de prendre connaissance des éléments susceptibles d’être utilisés par l’acheteur dans le cadre d’une action en justice, l’inobservation de cette obligation n’étant pas contractuellement sanctionnée ;

Que la clause invoquée par Mme A est précédée du rappel du texte de l’article 285-1 du Code rural, devenu L.213-3 ;

Que Mme A ne peut dès lors prétendre que les délais d’action ont été augmentés par la volonté des parties ;

Attendu que les délais légaux du Code rural sont de rigueur et courent même si l’acheteur a été empêché d’agir pour une cause indépendante de sa volonté ;

Qu’ainsi, Mme A est forclose. »

Au final, Mme A perd donc son action de manière définitive, car le jugement est rendu sans possibilité d’appel (enjeu du litige inférieur à 4 000 €).

IL EÛT ÉTÉ BIEN PLUS JUDICIEUX…

On ne peut que déplorer, dans cette affaire, que Mme A et son conseil n’aient pas pensé à fonder l’action judiciaire sur la garantie de conformité prévue par le Code de la consommation. En effet, la vente étant intervenue après le mois de février 2005, les dispositions des articles L.211-1 et suivants de ce code étaient parfaitement applicables au litige et Mme A n’aurait pas manqué d’obtenir gain de cause si elle avait fait état de ces textes. En introduisant son action le 27 octobre 2006, soit moins de deux ans après la vente, les demandes étaient parfaitement recevables.

Quant à leur bien-fondé, la jurisprudence considère qu’un vice rédhibitoire est a fortiori un défaut de conformité : la dysplasie du chien aurait par conséquent conduit le tribunal à considérer que le vendeur n’avait pas délivré un bien conforme. Sur ce fondement, Mme A aurait pu obtenir un remboursement partiel du prix de vente, le remboursement des frais vétérinaires engagés, ainsi qu’un dédommagement au titre du préjudice moral. Une acheteuse placée dans la même situation que Mme A a ainsi pu obtenir réparation sur ces trois points grâce au Code de la consommation (juridiction de proximité de la Châtre, le 3 décembre 2009).

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