Pourquoi avoir choisi l’expatriation ?

Pour relever un challenge

Après un passage à Montréal, j’ai trouvé mon premier emploi en Bretagne. Mais je n’avais qu’une envie, repartir et expérimenter mon métier dans de nouveaux pays. C’est vers l’Irlande que je me suis tournée en 2001. Mon premier ALD dans une clientèle mixte m’a plongée dans ce que j’imaginais être la France du début des années 80. Après deux ans et demi, il me fallait retrouver une stimulation. La formation continue m’a permis de ne pas m’assoupir sur mes acquis. J’ai ouvert en 2009 une clinique exclusivement dédiée aux animaux de compagnie, portant à deux le nombre de structures “canines”, sur 60 km de campagne. Beaucoup d’opportunités donc.

Les choses bougent maintenant : la formation continue est essentielle et les jeunes diplômés s’orientent de plus en plus vers la canine après avoir passé quelques années à l’étranger. Je lis la presse française vétérinaire, et les conditions d’exercice ne me donnent pas envie de revenir. Mes expériences en France m’ont permis d’acquérir une rigueur que je ne retrouve pas chez mes confrères irlandais. Les clients en sont bien conscients. La clientèle irlandaise est différente, plus loyale, moins exigeante, moins stressante. Depuis la création de ma clinique, mon étiquette de française m’attire une clientèle diverse avec énormément d’étrangers. Je déplore toutefois l’absence de confraternité. Ma façon de voir les choses et de les faire est bien différente de mes confrères. Je ne regrette rien, sauf de ne plus avoir l’occasion de travailler dans d’autres pays. Mon ambition est de développer ma petite entreprise. Trop de challenges m’attendent pour avoir envie de revenir… pour l’instant.

Pour pouvoir exercer ma spécialité

Je me suis expatrié deux fois. La première pour devenir spécialiste en cardiologie, grâce à une résidence à Philadelphie. J’ai obtenu mon “board” en 1988. A l’époque, une telle spécialisation n’existait pas en France. De retour dans l’Hexagone, j’ai essayé de pratiquer ma spécialité en tant que consultant mobile. Cependant, l’absence de soins 24 h/24 limitait le type de cas. De plus, le chirurgien était installé à 150 km et la fluoroscopie à 250 km : une dispersion des ressources et un manque d’infrastructure handicapant.

Au bout de cinq ans, une opportunité s’est présentée à Montréal, dans une clinique d’urgence qui recrutait des spécialistes. Le type de structure, avec sa section de soins intensifs et la présence d’un chirurgien, m’ont permis de voir dix fois plus de cas qu’en France, et surtout de traiter des cas lourds. Quatre ans plus tard, après avoir repassé tous mes diplômes de façon à pouvoir exercer librement en Amérique du Nord, j’ai déménagé à Ottawa, où je me suis associé dans un gros hôpital. Je pratique la médecine interne et la cardiologie, avec de plus en plus de cardiologie interventionnelle.

Je finirai ma carrière au Canada. Je prendrai ainsi ma retraite en ayant vécu pleinement ma spécialité. Si j’étais resté en France, j’aurais dû basculer dans une pratique générale avec un “intérêt” en cardiologie ou vivoter en attendant que l’idée de spécialiste soit acceptée. Ma courte expérience en France m’a montré que les propriétaires d’animaux étaient ouverts à ce concept, mais que beaucoup de vétérinaires étaient réticents. La plupart ne suspectaient pas le niveau qu’une résidence apporte et son intérêt pour leur clientèle. De plus, la compétition avec les “pseudo-spécialisations” obtenues en six semaines était rude.

Pour le goût des voyages

Avec un père pilote de ligne, j’avais déjà le voyage dans le sang. Aussi, quand j’ai décroché Djibouti pour mon service militaire en 1990, je n’ai pas hésité, d’autant que cette partie de l’Afrique m’a toujours fascinée. Sur place, j’ai rencontré ma femme, enseignante et fille de militaire français. Le retour en métropole a été difficile pour elle. Aussi, nous sommes retournés à Djibouti où j’ai ouvert le premier cabinet vétérinaire privé en canine.

Si au début je n’étais pas vraiment accepté par la profession, j’ai fini par développer une vraie amitié avec mes confrères djiboutiens, qui ont compris que je n’étais pas là pour satisfaire mon appétit financier plutôt réduit ! Ma passion s’est étendue aux animaux sauvages pour représenter à présent 90 % de mon activité. La simplicité des contraintes administratives et la grande liberté d’action ont permis cette mutation sans affecter mon mode de vie. J’ai vu une possibilité de créer une structure tournée vers la protection de l’environnement par le biais du milieu associatif et la mise en place d’aires protégées.

Ma vie a changé le jour où je me suis lancé dans la guerre contre le trafic animalier. A présent, je gère la venue d’étudiants français ainsi qu’une cinquantaine de bénévoles européens et américains, afin d’améliorer le statut d’espèces animales rares et en voie d’extinction. Reproduction, réadaptation et réintroduction d’animaux : voilà mon avenir à présent. La France ne m’aurait sans doute pas permis de faire tout cela sur son territoire, mais j’y puise inspiration et rigueur, car c’est là que sont mes amis et ma famille, que je revois trop rarement, hélas !