L’acquéreur d’un chien atteint de parvovirose fonde son action sur le Code rural - La Semaine Vétérinaire n° 1415 du 03/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1415 du 03/09/2010

Commentaire de jugement de la juridiction de Bayonne du 18 mai 2010

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.

Le tribunal de proximité s’est prononcé en faveur de l’indemnisation de l’acheteur, en dépit de la non-conformité de sa demande avec la procédure légale.

LES FAITS DE L’ESPÈCE

Mme A acquiert, le 20 juin 2009, un chien de race bichon frisé auprès de l’élevage tenu par les époux V. Le prix de vente est fixé à 750 € et un acompte de 111,75 € est versé pour la réservation de l’animal. Pour le solde du prix de vente, un contrat de prêt est souscrit auprès du groupe S : la convention met en place neuf prélèvements mensuels de 73 €, jusqu’au 15 mars 2010.

Un problème apparaît cependant dès le 25 juin 2009, date à laquelle le chien commence à présenter des signes de maladie et est hospitalisé chez le vétérinaire de Mme A. Le praticien décèle alors des signes fortement évocateurs de gastro-entérite virale de type parvovirose. Le chien meurt le 30 juin 2009.

LES DEMANDES PÉCUNIAIRES DE Mme A

Par requête déposée le 7 août 2009 au greffe de la juridiction concernée, Mme A fait part de ses réclamations.

Quatre demandes indemnitaires sont ainsi formulées. Leur total étant inférieur à 4 000 €, la procédure est par conséquent, comme il se doit en pareil cas, introduite devant la juridiction de proximité.

Le détail de ces demandes financières est le suivant :

– remboursement de la somme de 111,75 € correspondant à l’acompte versé sur le prix de vente total ;

– remboursement de la somme de 750 € correspondant à la valeur totale du chien dans le cas où le jugement interviendrait après le 15 mars 2010 ;

– paiement de la somme de 100 € correspondant à l’achat de croquettes et autres accessoires, et de la somme de 411,40 € correspondant aux frais vétérinaires ;

– paiement de la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

Trois autres demandes sont faites par l’acquéreur :

– le prononcé de la résolution du contrat de vente du chien en date du 20 juin 2009 ;

– le prononcé de la résolution du contrat de prêt conclu avec la société S ;

– le remboursement par le groupe S de l’intégralité des sommes versées par Mme A.

LE FONDEMENT JURIDIQUE DE Mme A

La décision est particulièrement intéressante du point de vue du fondement juridique choisi par l’acheteur. Il est incontestable que la parvovirose canine est classée par l’article R213-2 du Code rural parmi les vices rédhibitoires. Le choix des dispositions du Code rural au niveau procédural n’était cependant pas, en l’espèce, le meilleur.

En effet, il convient de rappeler que la procédure imposée par le Code rural est véritablement rigide : si une première action indemnitaire doit être introduite devant le tribunal compétent, une seconde action doit être simultanément engagée devant le juge du tribunal d’instance du lieu où se trouve l’animal, afin que soient nommés « immédiatement un ou trois experts qui doivent opérer dans le plus bref délai », vérifier l’état de l’animal, recueillir tous les renseignements utiles, et donner leur avis.

Concernant cette seconde démarche, le Code rural, dans son article R213-3, précise bien qu’elle doit être effectuée et, qu’à défaut, le requérant verra son action judiciaire déclarée « non recevable ».

En l’espèce, aucune requête visant à la nomination d’experts n’a été faite. Malgré tout, le juge de proximité a déclaré l’action de la demanderesse parfaitement recevable !

Une décision de ce type a déjà été prise par le passé par la cour d’appel de Rouen, le 4 mai 1999. Dans cette affaire, la cour avait considéré que, « dès lors que l’acquéreur du chiot décédé de la parvovirose cinq jours après la vente a saisi le tribunal d’instance du lieu de situation de l’animal onze jours après la vente, en joignant à sa requête deux certificats vétérinaires établis dans les termes et délais légaux faisant état de l’existence du vice rédhibitoire de parvovirose et du décès de l’animal par parvovirose, mais que ce tribunal a manifestement jugé inutile et impossible d’ordonner une expertise compte tenu des certificats produits et du décès de l’animal en invitant le demandeur à saisir le tribunal d’instance du lieu du domicile du vendeur, compétent au fond, ce dernier, saisi dans le délai légal de trente jours, n’ayant pas davantage ordonné d’expertise, il ne saurait être ainsi reproché à l’acquéreur de ne pas avoir expressément sollicité la nomination d’un expert, dans la mesure où, en effet, il a intenté son action dans le délai légal et prouve que le décès du chien est dû à la parvovirose. Son action est donc recevable et bien fondée, une recherche positive du virus incriminé ayant été effectuée dans les cinq jours de la vente, et le vétérinaire ayant certifié que le décès de l’animal était bien dû à ce virus. »

Malgré tout, même si la motivation de la cour de Rouen n’est pas fort respectueuse de la législation, elle a au moins le mérite de relever l’absence de requête en désignation d’experts. Dans notre affaire, la juridiction de proximité n’a même pas statué sur ce point, alors qu’il est fondamental.

UN DIAGNOSTIC DE SUSPICION ÉTABLI AU-DELÀ DU DÉLAI LÉGAL

Un autre souci est à relever quant au respect de la procédure du Code rural : celui du diagnostic de suspicion.

L’article R213-6 subordonne clairement l’action en garantie du Code rural à l’établissement d’un diagnostic de suspicion signé par un vétérinaire dans les cinq jours qui suivent la vente, pour le cas de la parvovirose canine.

Dans notre dossier, le chiot est cédé le 20 juin 2009 et le certificat établi le 30 juin 2009. Le délai de cinq jours était donc expiré. Qu’à cela ne tienne, la juridiction de proximité valide la démarche et statue ainsi : « Attendu qu’il résulte des explications et des pièces versées aux débats par les parties que le chiot a été examiné le 25 juin 2009, soit dans les cinq jours de l’achat, délai imparti par l’article 213-6 du Code rural pour intenter une action pour vice rédhibitoire », tout en affirmant que : « Attendu que le Dr R a établi le 30 juin 2009 un certificat établissant sans ambiguïté une suspicion de vice rédhibitoire en décelant des signes de parvovirose… ».

M. ET Mme V SERONT DEBOUTÉS DE LEUR DEMANDE

Mais ce n’est pas tout. Nul n’ignore que l’action en garantie du Code rural est enfermée dans le bref délai de trente jours à compter de la livraison de l’animal. Or, ici, la requérante, pour une vente datant du 20 juin 2009, a saisi la juridiction de proximité le 7 août 2009.

De même, le vice de procédure n’est apparemment pas un problème pour le juge de Bayonne, qui motive sa décision ainsi : « Attendu que Mme A, par lettres recommandées avec avis de réception des 1er et 16 juillet 2009, a informé, d’une part, M. et Mme V, d’autre part, le groupe S du décès du chiot, soit dans le délai non prescrit de trente jours ; que M. et Mme V seront donc déboutés de leur demande fondée sur la prescription de l’action pour vice rédhibitoire, ainsi que de leur demande fondée sur l’irrecevabilité de l’action car intentée hors délai par Mme A… ».

Voilà qui est révolutionnaire ! Il suffit maintenant d’envoyer un courrier dans le délai de trente jours pour être recevable par la suite en justice !

LA DÉCISION DE LA JURIDICTION DE BAYONNE

La décision rendue condamne finalement les vendeurs à rembourser à l’acquéreur sur le prix de vente la somme de 750 €, à payer les sommes de 100 € et 411,40 € correspondant aux frais d’accessoires et de vétérinaire, mais également à payer 500 € à titre de dommages et intérêts, toujours sur le fondement des frais vétérinaires et dépenses engagées.

Une fois encore, la double condamnation concernant les frais accessoires au prix de vente est regrettable, la somme de 500 € ne se justifiant nullement.

Ce jugement aurait mérité un pourvoi devant la Cour de cassation, afin que le droit soit rappelé et appliqué. Néanmoins, les vendeurs n’en seraient pas sortis sans la moindre condamnation. En effet, une telle procédure aurait eu pour effet de faire casser, dans un premier temps, le jugement rendu, puis de renvoyer l’affaire devant une autre juridiction de proximité. A ce moment-là, la requérante aurait eu la possibilité, le procès étant repris entièrement, de changer son fondement juridique et de demander une indemnisation via le Code de la consommation (ce qu’elle aurait dû faire dès le départ). Les vendeurs auraient une fois de plus été condamnés. La juridiction de Bayonne aura donc le dernier mot, même si celui-ci est hautement contestable.

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