Interrogations autour de l’administrateur de DPE - La Semaine Vétérinaire n° 1415 du 03/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1415 du 03/09/2010

Déontologie. Domicile professionnel d’exercice

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

C’est la nouveauté créée par le décret qui adapte le Code rural à la directive “services”. Jacques Guérin, chargé de mission à l’Ordre des vétérinaires, répond à nos questions.

La Semaine Vétérinaire ?: Selon le décret(1), le vétérinaire administrateur doit exercer au sein du domicile professionnel d’exercice (DPE) de « manière principale ». C’est-à-dire ?

Jacques Guérin, chargé de mission “exercice professionnel” au Conseil supérieur de l’Ordre : S’il faut donner un chiffre, disons que le vétérinaire administrateur doit réserver, au minimum, la moitié de son temps de travail au DPE dont il est responsable. Sur la base d’un temps plein, au sens de la convention collective, cela équivaut en moyenne à y consacrer trois jours par semaine. Il convient de garder à l’esprit qu’un vétérinaire ne pourra attacher sa responsabilité d’administrateur qu’à un DPE unique.

Ces indications relèvent d’une opinion personnelle de portée globale dont l’intérêt est d’ouvrir le débat. Déterminer le caractère principal de l’exercice s’inscrit dans le cadre du dialogue permanent avec l’Ordre régional concerné, étant entendu que la qualité de la mission du vétérinaire administrateur imposera naturellement à celui-ci, pour bien la remplir, d’exercer quasi exclusivement en lien avec le DPE concerné, sauf à mettre le fonctionnement du DPE en difficulté.

Pour autant, réduire cette mission à la simple présence dudit vétérinaire au sein du seul DPE dont il est administrateur confine à l’absurde ! La logique veut que le champ de compétence du “vétérinaire administrateur” soit en adéquation avec le domaine d’activité principal revendiqué par le DPE : il s’agit de faire un choix cohérent, pertinent, qui légitime le confrère et assoie la crédibilité de son poste.

S. V. : Il a pour mission de « coordonner » la mise en œuvre des dispositions du Code rural et du Code de déontologie. Comment faut-il comprendre ce terme ?

J. G. : Coordonner, c’est à la fois être l’interlocuteur privilégié vers l’extérieur et le relais en interne en matière de déontologie. D’aucuns voient dans cette mission, “l’œil de Moscou” de l’Ordre : rassurez-vous, il n’en est rien ! Le vétérinaire administrateur est celui qui, au sein du DPE, aura le rôle de préserver la dimension déontologique du projet d’entreprise, d’expliquer les enjeux et de fédérer l’équipe vétérinaire autour de ces valeurs. Nous sommes loin de la vision du “flic” du DPE. Il s’agit plutôt d’un médiateur et d’un fédérateur, dont l’objectif sera avant tout la prévention et la pédagogie.

S. V. : L’administrateur doit-il avertir le conseil régional ordinal (CRO) s’il constate un dysfonctionnement déontologique au sein du DPE ?

J. G. : Le champ de responsabilité du vétérinaire administrateur est homothétique avec celui du vétérinaire responsable d’un établissement pharmaceutique. S’il constate des dysfonctionnements, ses premiers interlocuteurs seront avant tout ses associés ou ses employeurs. Si ce n’est pas suffisant, il pourra se tourner vers son conseil régional pour exposer la situation, demander un avis éclairé et trouver des solutions. Mais si les choses devaient en arriver là, il est vraisemblable que d’autres problèmes, relevant de la viabilité de la société vétérinaire, se feraient jour.

Le vétérinaire administrateur n’a pas de comptes à rendre régulièrement au CRO ; il est simplement l’interlocuteur privilégié de l’Ordre sur tous les dossiers qui relèvent de la compétence ordinale, comme la transmission des contrats, la garantie du standard qualité revendiqué (cabinet, clinique ou hôpital vétérinaire) ou l’organisation de la continuité et de la permanence des soins. Vis-à-vis du conseil régional, il est une interface, un communicant dont l’objectif est de “huiler les rouages” et faciliter les échanges.

S. V. : Si l’un des vétérinaires est en désaccord avec l’administrateur sur l’application de telle ou telle règle déontologique, que faire ?

J. G. : Distinguons la problématique posée par les sociétés vétérinaires de petite taille de celle des structures plus importantes. Dans le premier cas, les centres de décisions, donc les responsabilités, sont entre les mêmes mains ; la situation est homogène et par essence non conflictuelle. Dans l’autre cas, il y a dissociation et partage des postes de décision entre plusieurs confrères, voire avec des collaborateurs non vétérinaires : des divergences de vues sont possibles.

Le premier conseil à donner est que la mission du vétérinaire administrateur doit être clairement explicitée et cadrée, dans la rédaction de son mandat ou dans la clause dédiée de son contrat de travail. Le deuxième conseil est que toute difficulté doit faire l’objet d’emblée d’une notification inscrite au procès-verbal de l’assemblée générale de la société ou d’une réunion d’associés, afin que l’administrateur puisse, le cas échéant, défendre sa position et cerner sa responsabilité.

Cela dit, le mandat de vétérinaire administrateur reste défini dans le temps et renouvelable. Il laisse la possibilité au confrère, en cas de désaccord, de démissionner s’il considère que la situation du DPE n’est pas conforme et s’il considère qu’il n’a pas les moyens nécessaires pour accomplir sa tâche. Mais, encore une fois, quid de l’avenir d’une telle entreprise vétérinaire ?

S. V. : L’administrateur est-il coresponsable des erreurs des autres vétérinaires ?

J. G. : Sa responsabilité, ou plus particulièrement sa coresponsabilité, se limite aux aspects déontologiques du fonctionnement du DPE.

Bien entendu, tout ce qui concerne l’exercice personnel ne fait pas partie de son champ de compétences, mais demeure de la responsabilité du vétérinaire, personne physique habilitée à exercer. De même, est exclu de sa responsabilité le respect des articles du Code de déontologie qui définissent l’exercice de la médecine, de la chirurgie des animaux et de la pharmacie vétérinaire, particulièrement ceux qui établissent les règles en matière de diagnostic vétérinaire, de prescriptionet de délivrance des médicaments(2). Toutefois,il conviendrade différencierce qui relève de la responsabilité du vétérinaire, personne physique habilitée à exercer, de ce qui relève des conditions matérielles dans lesquelles il est mis en situation d’exercer son art ; domaine où le vétérinaire administrateur est compétent donc coresponsable. Les chambres de discipline devront établir une jurisprudence.

S. V. : L’administrateur est-il nécessairement le manager ou le gestionnaire du cabinet ou de la clinique ?

J. G. : Aucun texte n’impose que le vétérinaire administrateur cumule sa mission avec celle de manager ou de gestionnaire du DPE. Toutefois, la séparation de ces compétences ne sera sans doute effective que dans les sociétés vétérinaires de taille importante. Que la fonction soit considérée éloignée du cœur de métier du vétérinaire soignant, certes. Mais pour autant, la dimension déontologique de notre profession est inscrite dans notre “disque dur” et il serait aberrant, voire destructeur, de la confier à un tiers pour ne conserver que l’exercice de notre dimension technique, fût-elle de haut niveau.

S. V. : Donnez-nous des exemples concrets des responsabilités de l’administrateur ?

J. G. : Le premier exemple qui me vient à l’esprit est celui de garant du standard qualité du DPE. L’évolution du Code rural permet à un vétérinaire d’exercer dans plusieurs DPE et sociétés. Nous avons souhaité réguler cette plus grande liberté par la définition précise des conditions de fonctionnement du DPE en relation avec la catégorie revendiquée. Nous sommes là pleinement dans le champ de compétences du vétérinaire administrateur qui, outre la rédaction des conditions générales de fonctionnement du DPE, devra veiller à leur bonne application et au maintien des standards, y compris en actionnant les leviers des investissements matériels, humains et financiers, si nécessaire.

Le deuxième exemple est celui du droit disciplinaire. Aujourd’hui, les sociétés qui ont une personnalité morale (SCP, SEL) sont inscrites à l’Ordre et susceptibles d’être appelées devant les chambres de discipline, souvent en parallèle d’une action contre l’un ou chacun des vétérinaires qui y exercent. Il est complexe pour l’Ordre de définir son interlocuteur lorsqu’il convoque une société. Il reviendra au vétérinaire administrateur d’assumer ce rôle pour le DPE dont il est responsable et d’en assurer la défense. La représentation de la société reste, elle, toujours assumée par son gérant.

S. V. : L’administrateur, salarié, pourra-t-il exercer pleinement sa fonction alors qu’il a un lien de subordination ?

J. G. : Il s’agit de différencier les confrères salariés de leur propre SEL, dont le statut rejoint celui des libéraux, de ceux salariés d’autres vétérinaires ou de groupements d’éleveurs. Au même titre que son confrère libéral, le vétérinaire administrateur salarié doit définir précisément sa mission, ses responsabilités et ses marges de manœuvre via la clause de son contrat de travail dédiée. Sa mission lui confère une responsabilité accrue. Son autorité dépendra de la légitimité et de la pertinence des choix faits avec son employeur. Naturellement, un tel poste s’adresse plus sûrement à un vétérinaire expérimenté dont l’implication dans l’organigramme de la société et dans les décisions majeures en fait un cadre supérieur indiscutable et écouté. Un tel poste, par l’expérience qu’il requiert, doit se traduire par une juste rémunération. Les partenaires sociaux vétérinaires, en particulier le SNVEL, devront modifier la convention collective.

S. V. : L’administrateur désigné pourra-t-il se former ?

J. G. : Le dispositif demande du temps pour se mettre en place et s’affiner, mais l’Ordre souhaite d’ores et déjà, en concertation et sous l’égide des écoles vétérinaires, réfléchir à un enseignement complémentaire approprié.

  • (1) Décret n° 2010-780 du 8/7/2010 adaptant le livre II du Code rural à la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, à télécharger sur WK-vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”.

  • (2) Voir la revue de l’Ordre n° 41.

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