La dermatite à Malassezia est une affection opportuniste - La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/08/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1414 du 27/08/2010

Dermatologie et mycologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Valentine Chamard

Ces levures prolifèrent à la faveur d’une modification de l’écosystème cutané, l’atopie est le principal facteur favorisant chez le chien.

La peau des carnivores, en particulier celle du chien, est propice au développement des levures qui appartiennent au genre Malassezia. La proportion de chiens porteurs est élevée, même si les valeurs varient selon la zone du corps, la technique de prélèvements et la façon dont les levures sont mises en évidence. En moyenne, un animal sur trois est porteur de ces levures dans le conduit auditif externe, même en l’absence d’inflammation.

Parmi l’espèce canine, le basset hound présente une peau particulièrement propice à leur développement, indique Jacques Guillot, du service de parasitologie de l’école vétérinaire d’Alfort. Cette race se distingue par un portage plus fréquent et plus intense. Les animaux les plus massivement colonisés ne présentent toutefois pas plus de lésions cutanées que les autres. En ce qui concerne le chat, la peau du devon rex semble fréquemment colonisée par ces levures, notamment à la base des griffes (enduit brunâtre). Une dermatite à Malassezia chez cette espèce peut être le signe d’une affection systémique. M. pachydermatis est un agent d’otites externes érythémato-cérumineuses chez les carnivores domestiques, souvent associées à des bactéries (S. pseudintermedius) et des otodectes. Les lésions cutanées associées à la prolifération de M. pachydermatis chez le chien sont généralement de l’érythème et une alopécie. Certaines zones sont plus fréquemment colonisées, comme les babines, la face ventrale du cou, l’ars ou l’aine. Un squamosis est souvent présent. Une séborrhée grasse dans les zones de plis et au niveau des espaces interdigités ainsi qu’une odeur particulière sont caractéristiques. Dans les cas les plus sévères, érythème et alopécie peuvent s’étendre en face médiale des membres, jusqu’au carpe. Lors de chronicité, hyperpigmentation et lichénification sont fréquentes.

La dermatite à Malassezia est une affection opportuniste secondaire

Les levures Malassezia, lipophiles, vivent à la surface de la peau, sur les muqueuses ou dans les follicules pileux. Sur la peau, elles adhèrent aux kératinocytes. Leur prolifération est secondaire à une modification de l’écosystème cutané. La dermatite atopique est le principal facteur favorisant chez le chien. A contrario, une réaction d’hypersensibilité aux antigènes des levures interviendrait dans la pathogénie de certains cas de dermatite atopique, comme le montre une étude (Bond et coll., 2002), où une réaction immédiate aux tests indradermiques a été observée chez les chiens atopiques (huit chiens sur dix-huit) à la suite de l’injection d’extraits de M. pachydermatis à des concentrations qui n’entraînent aucune réaction chez le chien sain. De plus, la réactivité à M. pachydermatis est plus importante chez les chiens atopiques avec une dermatite à Malassezia que chez les sujets atopiques sans dermatite liée à cette levure. Ainsi, la gestion de la dermatite atopique doit inclure le contrôle des populations de levures Malassezia. La diminution des défenses immunitaires en favorise également la prolifération.

Un diagnostic de certitude difficile à établir

La dermatite à Malassezia doit faire partie du diagnostic différentiel de tout tableau clinique de dermatose inflammatoire, surtout lorsque l’érythème ou la séborrhée grasse prédomine. Les états kérato-séborrhéiques et les affections localisées au niveau des zones de plis doivent inciter le clinicien à rechercher les levures Malassezia. Il convient d’évaluer la présence d’affections concomitantes : ectoparasitose, hypersensibilité, état kérato-séborrhéique primaire, endocrinopathie.

Le diagnostic est basé sur les signes cliniques, la présence d’un nombre élevé de levures au niveau des sites lésionnels, ainsi que sur la réponse clinique et mycologique au traitement antifongique instauré. L’épreuve thérapeutique est souvent inévitable, compte tenu de la difficulté à établir ce qu’est une taille de population “normale”. Selon Ross Bond, du Royal Veterinary College de Londres, il existe une grande variabilité de la taille des populations de levures selon la race, la localisation et le mode de prélèvement. Il précise qu’un nombre élevé de levures n’est pas indispensable pour déclencher une dermatite. Certains antifongiques présentent des effets anti-inflammatoires ou antibactériens qui peuvent expliquer la rémission. Ainsi, Ross Bond conseille d’effectuer une épreuve thérapeutique s’il y a un nombre élevé de levures ou si ce nombre est faible mais qu’il y a des signes cliniques évocateurs et aucune autre cause identifiée.

Le traitement local est désormais de règle dans les pays anglo-saxons

Comme M. pachydermatis se localise au niveau de la couche cornée, une thérapie par voie locale seule peut se révéler suffisante pour résoudre les signes cliniques, indique Ross Bond, qui précise que cette voie est désormais préférée en Angleterre (elle y est disponible depuis plusieurs années), sauf dans les cas les plus sévères de dermatite généralisée. Une revue basée sur la médecine factuelle(1) montre qu’il est possible de conseiller, avec un bon niveau de preuve, l’association de chlorhexidine (2 %) et de miconazole (2 %) par voie locale sous forme de shampooing administré deux fois par semaine pendant trois semaines (Malaseb©), et avec un niveau correct de preuve le kétoconazole par voie orale à la dose de 10 mg/kg/j (Kétofungol©(2)) ou l’itraconazole par voie orale à la dose de 5 mg/kg/j pendant trois semaines (Itrafungol©(2)), indique de son côté Jacques Guillot. Un traitement antibiotique peut être nécessaire, en raison de la colonisation concomitante possible par des staphylocoques.

Chez l’homme, les levures Malassezia sont responsables du Pityriasis versicolor

« Chez l’homme, les manifestations de l’infection par Malassezia sont radicalement différentes », indique Martine Feuilhade de Chauvin, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis. Trois stades cliniques peuvent être distingués : un stade commensal avec présence de levures en nombre restreint (I), un stade de colonisation où les levures augmentent en nombre mais sans former de pseudo-filaments – lors de folliculite et de pustulose néonatale – (II) et un stade d’infection vraie dans lequel les levures sont associées à des pseudo-filaments (III).

Le Pityriasis versicolor, l’une des affections cutanées les plus fréquentes chez l’homme, correspond à ce dernier stade. Elle touche surtout les adultes de 18 à 40 ans. La lésion élémentaire est une macule arrondie, rose à brun foncé, de quelques millimètres de diamètre, qui apparaît autour d’un follicule pilo-sébacé. La lésion active est desquamative au grattage. Après un certain temps d’évolution, les lésions deviennent achromiques. Le prurit est rare. Les zones préférentiellement atteintes sont celles les plus riches en glandes sébacées : le cou, le haut du dos et du thorax, et les épaules. Les paumes et les plantes ne sont jamais touchées. Il existe des facteurs favorisant : grossesse, hypercortisolisme, chaleur, humidité, transpiration, climat tropical, facteur génétique familial.

Non traité, il présente une évolution chronique avec une extension des lésions. Le traitement topique est le plus souvent suffisant dans les formes localisées ou étendues non récidivantes. Le kétoconazole sous forme de gel est le plus utilisé. Les récidives sont fréquentes après traitement (80 % au bout de deux ans).

  • (1) Amélie Nègre, Emmanuel Bensignor, Jacques Guillot : « Evidence-based veterinary dermatology : a systematic review of interventions for Malassezia dermatitis in dog », Vet. Dermatol., vol. 20, n° 1, pp. 1-12.

  • (2) Usage hors AMM.

CONFÉRENCIERS

Jacques Guillot, service de parasitologie de l’école vétérinaire d’Alfort, diplomate de l’European Veterinary Parasitology College.

Ross Bond, Royal Veterinary College, Londres (Royaume-Uni), diplomate de l’European Veterinary Parasitology College.

Martine Feuilhade de Chauvin, polyclinique de dermatologie et laboratoire de mycologie, hôpital Saint-Louis, Paris.

Article tiré de la conférence « Dermatites à Malassezia, fondamentaux et actualités », organisé par Dechra le 15juin 2010 à Paris.

Des levures sujettes à des travaux de recherche en cosmétologie

Les Malassezia ne peuvent synthétiser les acides gras. En contrepartie, le génome des levures comporte plusieurs gènes codant pour des lipases qui permettent d’exploiter de façon optimale l’environnement cutané. Certaines de ces lipases pourraient jouer un rôle dans la pathogénie des dermatites à Malassezia. Une recherche intense est menée en cosmétologie sur ces gènes et ses éventuelles applications pour des shampooings antipelliculaires chez l’homme.

V. C.

Les levures sont-elles des agents de zoonose ?

Certaines espèces peuvent être trouvées à la fois sur la peau humaine et sur la peau d’animaux. Le risque de transmission de levures du genre Malassezia de l’homme à l’animal et vice versa a donc été évoqué par plusieurs auteurs. Il semble limité, à part dans un cas particulier : celui des enfants prématurés atteints d’une septicémie à M.pachydermatis. Il a été possible de retrouver des isolats génétiquement identiques à partir des cathéters, sur les mains du personnel soignant et sur la peau de leur chien.

V. C.
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