L’acheteur d’un chien poursuit le vendeur sur la base de la garantie de conformité - La Semaine Vétérinaire n° 1410 du 18/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1410 du 18/06/2010

Commentaire du jugement du tribunal d’instance de Segré du 16 avril 2009

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.

La cour d’appel d’Angers s’est prononcée sur le jugement de première instance le 6 avril 2010 et montre comment les certificats vétérinaires peuvent servir de fondement à des appréciations contradictoires.

LES FAITS DE L’ESPÈCE

Le 28 octobre 2007, Mlle A fait l’acquisition d’un chien de race chinois à crête auprès de Monsieur V. Le prix de vente est fixé à 1 500 €. Le 30 octobre, Mlle A constate la présence de pustules sur son chien et le fait en conséquence examiner par son vétérinaire. Un diagnostic d’infection cutanée est établi dans un premier temps et un traitement antibiotique est prescrit. Comme le traitement se révèle sans effet, une biopsie est pratiquée dans un second temps et amène à la conclusion d’une dermatose atrophique congénitale, associée à une pyodermite hyperplasique.

Outre le problème cutané, et alors que le jour de la vente le chien ne présentait des poils qu’au niveau de la tête, des pieds et de la queue, Mlle A constate ultérieurement qu’il est en réalité couvert de poils sur le reste du corps. Il avait donc été épilé pour le salon au cours duquel la vente s’est conclue.

LES DEMANDES ET FONDEMENTS JURIDIQUES DE L’ACHETEUSE

Mlle A fonde ses demandes sur les articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation, ainsi que sur les articles 1116 et suivants du Code civil. Elle agit donc en garantie de conformité, laquelle est due par le vendeur professionnel à l’acquéreur consommateur, ainsi que sur le fondement du dol, un vice du consentement.

Sur la base de ces textes, elle sollicite le remboursement intégral du prix de vente du chien, ainsi que la condamnation de Monsieur V au paiement de la somme de 4 439,75 € au titre des frais médicaux futurs et des examens vétérinaires déjà pratiqués.

LA RÉPLIQUE DU VENDEUR

Monsieur V conclut, en ce qui concerne la garantie, que seul le Code rural est applicable. Quant au dol et à la question de la pilosité, il avance qu’il n’y a nullement dol, que cette race peut présenter un corps lisse et dépourvu de poils, mais également être duveteux et obliger au rasage. Il soutient que, dans cette hypothèse, le chien est conforme au standard de sa race et peut, par conséquent, être confirmé.

SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES DE L’ACHETEUSE

En première instance comme en appel, et de manière prévisible, les demandes de Mlle A sur le fondement du Code de la consommation ont été déclarées recevables. En effet, depuis 2005, cette garantie de conformité s’est ajoutée à la panoplie des garanties offertes à l’acquéreur et celui-ci peut librement faire le choix de ses fondements judiciaires.

L’article L.211-13 du Code de la consommation le rappelle clairement : « Les dispositions de la présente section ne privent pas l’acheteur du droit d’exercer l’action résultant des vices rédhibitoires telle qu’elle résulte des articles 1641 à 1649 du Code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi. » Opposer les dispositions du Code rural, comme l’a fait le vendeur, était par conséquent forcément voué à l’échec.

SUR LA DEMANDE DE RESTITUTION DU PRIX DE VENTE EN INTÉGRALITÉ

Il est fréquent, comme dans cette affaire, qu’un acheteur fasse la demande d’un remboursement intégral du prix de vente tout en souhaitant garder l’animal. Toutefois, et quel que soit le fondement utilisé par l’acheteur en garantie (Code civil, rural ou de la consommation), une telle indemnisation ne sera jamais possible. L’acquéreur doit, dans tous les cas, faire un choix : rendre l’animal pour obtenir le remboursement intégral du prix de vente ou le garder, mais ne percevoir, dans ce cas, qu’un remboursement partiel.

Dans la présente affaire, Mlle A a cité dans son assignation les articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation, mais n’a pas respecté l’article L.211-10 qui stipule pourtant que « si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix ».

Le tribunal a donc, à juste titre, jugé que : « MlleA a choisi de conserver pour des raisons affectives son animal, elle ne pourra donc obtenir la restitution de son prix d’achat mais simplement une partie de ce prix. Il lui sera alloué au titre de la restitution du prix la somme de 750 €. » Cette position a été confirmée par la cour d’appel.

Il est intéressant de constater que, la plupart du temps, le montant de la restitution est estimé par le juge à la moitié du prix de vente. Toutefois, si en matière de garantie de conformité le Code n’impose pas de procédure particulière pour cette réduction, il n’en est pas de même dans la garantie des vices cachés du Code civil. Ainsi, l’article 1644 dispose que « l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts ». Cet arbitrage par des experts est une obligation (arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 2006).

SUR LES DÉFAUTS DE CONFORMITé ET LE DOL

Les magistrats devaient répondre à deux questions : le problème dermatologique et la pilosité du chien constituent-ils des défauts de conformité au sens du Code de la consommation ? Ces deux éléments sont-ils constitutifs d’un dol ?

• La pilosité, en première instance comme en appel, a été considérée dans cette affaire comme un défaut de conformité au sens du Code de la consommation, c’est-à-dire l’« existence d’un défaut de conformité par rapport aux standards de la race choisie ». Cette analyse est discutable. En effet, la conformité devrait être appréciée par rapport « à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable » ou « à tout usage spécial recherché par l’acheteur ». Les magistrats auraient donc dû répondre à la question : le chien est-il conforme à son usage de compagnie ? Au lieu de cela, ils ont répondu à la question : le chien pourra-t-il être confirmé ? En outre, aucun expert n’a été désigné afin de trancher le litige sur la correspondance ou non au standard de la race ! La généralisation d’une telle jurisprudence aurait pour conséquence de voir condamner tous les vendeurs de chiens non confirmés et la notion de chien de compagnie n’aurait donc plus de raison d’être : tout chien serait automatiquement considéré comme vendu pour la reproduction.

En première instance comme en appel, le fait que le chien ait été épilé avant la vente est retenu comme constitutif d’un dol, l’acte ayant eu pour conséquence de « cacher la pilosité naturelle de l’animal ». Cette position est bien moins contestable que la précédente, en raison de la qualité de profane de l’acheteur – qualité avec laquelle les magistrats sont toujours particulièrement compréhensifs –, mais devrait inciter tout vendeur professionnel à la prudence et à l’insertion d’une clause particulière dans l’attestation de vente sur la pilosité spécifique de cette race.

• Quant à l’existence ou non d’une maladie congénitale, l’appel interjeté par le vendeur aura été concluant. Cependant, il est remarquable que, dans cette affaire, les deux décisions s’opposent sur le fondement des mêmes attestations vétérinaires.

Ainsi, en première instance, le tribunal interprète les documents produits par l’acheteur comme concordants et confirmant ses dires à propos d’une maladie congénitale impliquant un traitement à vie. Il rejette par là même l’avis du professeur B, communiqué par le vendeur, qui ne saurait suffire selon lui à contredire les trois autres examens. Fort de ce constat congénital qui l’amène à considérer la maladie à la fois comme un défaut de conformité et comme constitutif d’un dol (puisque le vendeur en a eu forcément connaissance et l’a caché à l’acheteur), le tribunal condamne alors Monsieur V non seulement au remboursement des frais vétérinaires déjà exposés (359 €), mais également à la prise en charge des soins futurs, qu’il évalue de manière forfaitaire à la somme de 2 000 €.

En appel, la cour considère au contraire que l’attestation du professeur B contredit l’existence d’une maladie congénitale et met en évidence « la particularité de la peau nue des chiens de race chinois à crête [qui] les rend plus vulnérables aux dermatoses et à leurs éventuelles complications ». La cour relève également qu’un des vétérinaires consultés par l’acheteur ne conclut pas à des soins à vie, mais à des soins administrés « de manière prolongée et renouvelée ». En outre, la cour relève que l’acheteur ne justifie pas du fait que son chien soit toujours sous antibiotiques. En conclusion, elle considère qu’il n’y a pas sur ce point de défaut de conformité constitué et rejette toute demande indemnitaire de l’acheteur à ce titre.

Voilà donc encore un bel exemple des interprétations divergentes qui peuvent être faites à partir de certificats vétérinaires. Il est difficile, dans cette affaire, de s’empêcher de penser qu’une expertise judiciaire vétérinaire n’aurait pas été superflue.

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