La notion de barrière d’espèce a réuni les spécialistes de la pathologie avicole - La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010

Aviculture. Colloque du Geva à Nantes

Actualité

Auteur(s) : Karim Adjou

Polyomavirus, métapneumovirus aviaire, virus de la maladie de Marek, C. botulinum ont alimenté les débats.

Barrière d’espèce : pourquoi un agent pathogène est-il spécifique d’une espèce, comment franchit-il cette barrière ? » Tel était le thème du colloque organisé par le Groupe d’études vétérinaires en aviculture (Geva), la branche française du Poultry Veterinary Study Group of European Union (PVSG EU), qui s’est tenu le 14 mai dernier à Nantes (voir encadré).

Notre confrère Jean-Luc Guérin (ENVT) a introduit la notion de barrière d’espèce en s’appuyant sur les leçons tirées des virus d’oiseaux aquatiques. Le contact étroit entre différentes espèces animales, la capacité du virus à se multiplier dans de nouvelles cellules hôtes, à muter ou à se recombiner sont des conditions nécessaires pour que des virus pathogènes traversent la barrière d’espèce. Il a illustré ses propos en prenant l’exemple de la découverte des polyomavirus chez l’oie (Guerin et coll., 2000) et, plus récemment, en 2008, chez le canard.

De son côté, Nicolas Eterradossi (Afssa de Ploufragan) a insisté sur le métapneumovirus aviaire (AMPV) qui a connu, en 2001, un regain d’intérêt en raison de la découverte d’un syndrome de détresse respiratoire chez des enfants néerlandais, lié à un pneumovirus proche de l’AMPV (Van der Hoogen et coll., 2001). Il a souligné le potentiel zoonotique de l’AMPV et l’étendue de ce qui reste à apprendre sur cet agent pathogène.

Le virus de la maladie de Marek : un modèle pour l’étude des lymphomes humains ?

Ginette Dambrine (université François-Rabelais de Tours), qui dirige l’équipe “transcription et lymphome viro-induit”, a rappelé que, chez l’homme, l’incidence des lymphomes augmente depuis plusieurs années. 15 à 20 % des cancers humains seraient dus à des agents infectieux tels que les herpèsvirus (HHV), par exemple les lymphomes Hodgkinien et non Hodgkinien dus à HHV-4 et le sarcome de Kaposi dû au HHV-8.

Mais à ce jour, le lien entre les herpèsvirus et les lymphomes n’est pas formellement confirmé. En effet, toutes les approches utilisées sont indirectes (donnés épidémiologiques, modèles in vitro, utilisation de modèles animaux transgéniques humanisés).

Le virus de la maladie de Marek (MDV) est un alpha-herpèsvirus qui provoque des tumeurs lymphoïdes et des infiltrations au niveau des nerfs périphériques chez le poulet. Par conséquent, il pourrait constituer un bon modèle naturel standardisé pour l’étude des lymphomes humains, malgré certains inconvénients. En effet, le processus précis de latence du virus (sa persistance au sein de l’organisme sans détection de l’antigène viral) demeure inconnu, ainsi que le mécanisme de sa réactivation.

Le travail de l’équipe tourangelle a été réalisé dans un contexte particulier, en raison d’une prévalence élevée de lymphomes chez les éleveurs de volailles et les ouvriers d’abattoirs. Selon la chercheuse, des séquences du virus de la maladie de Marek ont été retrouvées en France dans des sérums de personnes exposées régulièrement aux volailles. Cependant, une étude similaire réalisée en Allemagne n’a montré aucune présence des séquences du MDV chez les personnes prélevées. Par ailleurs, aucune réplication de ce virus dans les cellules humaines n’est décrite, et aucune implication du MDV dans les lymphomes humains n’est pour l’heure démontrée.

Néanmoins, cette équipe a réussi à montrer une activation importante des télomérases au cours de la lymphomagenèse dans la maladie de Marek. Cette activation des télomérases dans les cellules prolifératives est détectée dans 85 % des cancers humains, ce qui laisse espérer la mise en place d’un test diagnostique prometteur. Pour rappel, les télomères sont des séquences répétitives d’ADN, non codantes, localisées à l’extrémité des chromosomes qu’elles protègent de la dégradation. A chaque génération cellulaire, une partie en est perdue. Les télomères se raccourcissent progressivement lors du vieillissement cellulaire, sauf lorsqu’une enzyme, la télomérase, vient reconstituer le fragment perdu, assurant l’immortalité de la lignée cellulaire. La télomérase n’est normalement active que dans les cellules embryonnaires. Sa réactivation dans les cellules cancéreuses constitue l’un des phénomènes quasi constants de l’oncogenèse.

Cette équipe française s’intéresse aussi à l’étude du rôle des microARN dans la physiopathologie de la maladie de Marek et dans les cancers humains.

L’étude de l’expression des microARN : une piste dans la lutte contre les cancers

Les microARN sont de petites molécules d’ARN qui régulent l’expression des gènes en interagissant avec les ARN messagers, transcrits à partir des gènes. Ces dernières années, les scientifiques ont observé que de nombreuses tumeurs cancéreuses sont caractérisées par une surexpression ou une sous-expression des microARN. Or certains sont des suppresseurs de tumeurs. Selon Ginette Dambrine, la description complète des microARN surexprimés ou sous-exprimés dans différents types de tumeurs permettrait de tester leurs effets thérapeutiques, en vue d’améliorer l’arsenal utilisé pour lutter contre les cancers.

La prévention du botulisme repose sur la maîtrise hygiénique des cadavres d’animaux

Michel Popoff (Institut Pasteur) a conclu la journée par une présentation sur les clostridioses. Certains toxinotypes de Clostridium sont associés à différents hôtes (plusieurs espèces). C.botulinum de type E évolue en Europe du Nord et en Amérique du Nord, C. botulinum de type B en Europe et en Amérique du Nord et les types C/D dans les zones tropicales. Le botulisme (C. botulinum de type C ou D) doit être suspecté chez les bovins lorsqu’ils ne peuvent plus se relever en l’absence d’autre explication (fièvre de lait, traumatisme, etc.) et qu’ils présentent des paralysies flasques. La maîtrise hygiénique des cadavres d’animaux domestiques et sauvages est la base de la prévention. La recrudescence des cas de botulisme aviaire en Europe, pour des raisons encore inexpliquées, a aussi été évoquée.

Le colloque en bref

Plus de 80 participants issus de 23 pays européens ont fait le succès de cette réunion scientifique, créée en 1965 et organisée successivement deux fois par an par un Etat de l’Union. Elle l’était cette fois-ci par la branche française du Poultry Veterinary Study Group of European Union (PVSG EU), le Geva, présidée par notre confrère Eric Thibault. L’ouverture du colloque est revenue officiellement à notre confrère Stephen Liester (Royaume-Uni, président actuel du groupe). Le prochain congrès se déroulera dans six mois à Belfast (Irlande).

Karim Adjou

Objectifs du PVSG EU

• Partager les expériences pratiques et les informations concernant la situation sanitaire des volailles dans chaque pays.

• Développer et maintenir le niveau scientifique de ses membres.

• Mettre en place un réseau d’experts techniques et de sentinelles pour surveiller l’émergence ou la propagation de maladies aviaires graves en Europe.

• Fournir un environnement convivial pour l’échange libre d’informations en vue d’atteindre ces objectifs.

Le PVSG EU peut aussi constituer des groupes ad hoc, lorsque cela est nécessaire, afin d’étudier des questions particulières, et soutenir et aider les autorités (Commission européenne ou autres) lors de crises.

La branche française, le Geva, assure par ailleurs la promotion de l’exercice de la profession dans les filières avicoles en France, avec la remise annuelle d’un prix de thèse vétérinaire.

K. A.
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