L’alimentation ad libitum limite les struvites du chat - La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1409 du 11/06/2010

Urologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Lauren Figueres

Avec un repas par jour, le pH urinaire augmente rapidement après l’ingestion, alors qu’avec un aliment à volonté, ce pH reste toujours compris entre 6 et 6,5.

L’urolithiase chez le chat est un phénomène étudié depuis déjà plus d’un siècle. Selon Lewis et Morris (1983), environ un chat sur cent était atteint d’urolithiase, ce qui motivait 2 % des consultations et 5 % des hospitalisations. Une enquête rétrospective menée en région parisienne annonçait une incidence moyenne de 2,2 % des consultations sur la période 1985-1991, mais elle tendait à décroître (3,7 % en 1985 et 1,8 % en 1991). Depuis environ vingt-cinq ans, la composition des calculs est particulièrement étudiée. Au début des années 90, les calculs de struvite (ou phosphates ammoniaco-magnésiens) étaient les plus fréquemment rencontrés (environ 70 %), tandis que les oxalates de calcium représentaient environ 20 % des calculs analysés. Progressivement, la tendance s’est inversée et l’incidence des calculs d’oxalate a dépassé celle des struvites, au début des années 2000. Depuis, un rééquilibrage est observé.

Les dernières données publiées (Osborne et coll., 2007) font état de 48,6 % de struvites et 40,7 % d’oxalates de calcium. Les chats sont donc actuellement davantage atteints d’obstruction par des calculs de struvite.

La stérilisation augmente le risque d’urolithiase, chez le mâle et la femelle

Les données épidémiologiques montrent qu’il n’existe pas de races prédisposées à la formation de calculs de struvite. En revanche, l’incidence des calculs d’oxalate de calcium semble plus élevée chez les chats des races burmese, himalayen et persan. Tous types de calculs confondus, l’incidence ne présente pas de différence notable liée au sexe, bien que l’urolithiase soit plus souvent détectée chez le mâle en raison de l’obstruction urétrale.

A contrario, la stérilisation semble avoir un impact important, dans les deux sexes et quel que soit l’âge. La prévalence des calculs de struvite est plus élevée chez les chats de moins de deux ans, tandis que ceux de plus de dix ans souffrent plutôt de calculs d’oxalate de calcium. L’embonpoint apparaît comme un facteur de risque.

Si l’abreuvement est adéquat, un aliment sec n’augmente pas le risque d’urolithiase

Trois facteurs de risques majeurs sont énoncés. Le premier est un abreuvement défaillant. En effet, le chat est un animal économe en eau, qui limite ses pertes, concentre ses urines et boit peu. Le ratio entre l’eau consommée et la matière sèche ingérée est plus élevé chez un animal nourri avec une alimentation humide, ce qui a engendré une certaine tendance en défaveur des aliments secs. Néanmoins, si l’abreuvement proposé est attractif et de qualité, le risque n’est pas aggravé par la distribution d’un aliment sec.

La densité énergétique des aliments constitue le deuxième facteur de risque : avec un aliment bas de gamme et pauvre en énergie, la consommation de matière sèche et de fibres alimentaires est plus importante, davantage d’eau est excrétée avec les fèces et le volume urinaire diminue, ce qui entraîne un accroissement de l’osmolarité urinaire.

Le troisième facteur est le niveau de saturation des urines en minéraux, lui-même lié à l’apport alimentaire en minéraux et au pH urinaire. Dans le cas des cristaux de struvite, la responsabilité du magnésium résulte plus du choix de la forme d’apport que du taux dans les aliments : l’oxyde de magnésium est fortement alcalinisant, alors qu’avec le chlorure de magnésium, le risque est proche de zéro. Dans le cas des cristaux d’oxalate, le risque de formation s’accroît avec la calciurie. Or, le magnésium réduit l’absorption intestinale du calcium et des oxalates et peut former des complexes solubles avec l’oxalate. Le pH urinaire a un impact sur l’ionisation des molécules dissoutes. Pour éviter la formation de struvite, il faut conserver un pH inférieur à 6,5, car les cristaux préformés se dissolvent. Cependant, pour un tel pH, il existe un risque de cristallisation de l’oxalate de calcium.

En cas d’urolithiase, les objectifs à atteindre pour élaborer un régime alimentaire adapté sont d’une part de stopper la formation des calculs et d’autre part de promouvoir leur dissolution. Pour cela, il convient d’accroître la solubilité des cristalloïdes dans les urines, ainsi que le volume urinaire dans lequel ils vont se dissoudre, et de réduire leur quantité dans les urines. En pratique, il est possible de jouer sur le pH et sur le volume urinaire.

Une alimentation à volonté permet de conserver un pH urinaire acide

Le pH urinaire dépend notamment du rythme alimentaire journalier : dans les heures qui suivent chaque repas, il a tendance à s’élever (on parle de “vague alcaline”). Si le chat ne reçoit qu’un repas par jour, le pH urinaire augmente rapidement après la prise alimentaire et atteint des valeurs supérieures à 7, alors que s’il dispose de l’aliment ad libitum et mange environ dix à seize fois par jour, son pH urinaire reste toujours compris entre 6 et 6,5. Bien entendu, la formule nutritionnelle module également le pH urinaire. Certains nutriments (comme l’acide phosphorique, la DL-méthionine ou le chlorure d’ammonium) acidifient les urines, tandis que le bicarbonate de calcium ou le citrate de potassium les alcalinisent. Mais des médicaments modifient aussi le pH : le furosémide acidifie l’urine, alors que l’acétazolamide et le chlorothiazide la rendent alcaline. Les nutritionnistes calculent également le bilan cation-anion (BCA), qui est la différence entre la somme des cations et celle des anions. En effet, lorsque ce bilan est négatif, le pH urinaire reste en théorie inférieur à 6,5. De plus, l’équilibre ionique a un effet direct sur la formation des cristaux. Si l’urine est surchargée en ions potassium et citrate et que la concentration en ions calcium est réduite, le risque de précipitation d’oxalate de calcium est diminué par la formation d’oxalate de potassium et de citrate de calcium qui sont, eux, solubles. En outre, un taux de sodium d’environ 1 % de la matière sèche permet d’augmenter significativement la diurèse.

La prévention des deux grands types de calculs est possible avec un seul aliment

L’élaboration d’un aliment qui permet de prévenir la formation à la fois des calculs de struvite et d’oxalate de calcium doit prendre en compte trois contraintes. Tout d’abord, le pH urinaire doit être compris entre 6 et 6,5. Pour cela, le fabricant ajoute des substances acidifiantes. Ensuite, l’apport de magnésium dans l’aliment doit être parfaitement contrôlé (0,1 à 0,2 % de matière sèche). Enfin, l’excrétion urinaire de citrate de calcium doit être optimisée par l’ajout de citrate de sodium et/ou de potassium. Une ration ménagère est tout à fait envisageable et peut même se révéler avantageuse, car le taux d’humidité est élevé et la charge minérale faible. Il est cependant recommandé de respecter strictement la recette préconisée par un nutritionniste, qui proposera une correction minérale et des adjuvants modifiant le pH urinaire adaptés au type de calcul.

En pratique, il est fortement déconseillé de prescrire un régime acidifiant (ou alcalinisant) sans connaître la nature de l’affection. En attendant le résultat d’analyse d’un calcul, il convient d’essayer d’obtenir des urines de pH compris entre 6 et 6,3 et d’augmenter l’ingéré hydrique. Pour cela, inutile de bannir les croquettes, celles-ci peuvent être distribuées humidifiées. Le nombre de repas doit être plus élevé (jamais moins de trois par jour), mais sans augmenter la quantité ingérée. Le magnésium est à maintenir à un taux suffisant, car il inhibe la précipitation des oxalates de calcium.

Lorsque le type d’affection est connu, un aliment adapté est prescrit, en veillant à une stabilité de l’alimentation. Les aliments avec un taux de cendres inférieur à 7 % seront privilégiés. Le pH urinaire est à suivre régulièrement. Si celui-ci doit être modifié, il est possible d’acidifier les urines (Phosoforme®) ou de les alcaliniser (Foncitril 4000®).

CONFÉRENCIER

Bernard-Marie Paragon, professeur au service alimentation de l’école d’Alfort.

Article rédigé d’après la conférence « Urolithiases du chat et alimentation : pour en finir avec les idées reçues », présentée au congrès de la section vétérinaire de la Société française de félinotechnie à Lyon, en novembre 2009.

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