Goûter aux bienfaits du silence au quotidien, cela s’apprend

Le silence fonde notre regard, notre écoute et nos perceptions. Il est d’une grande valeur et se trouve aujourd’hui être l’une des “denrées” les plus difficiles à obtenir. Trouver un restaurant sans musique relève de l’exploit. Le bruit est une agression majeure et la pollution sonore devient un véritable poison. De nombreuses personnes ressentent de l’anxiété au contact du silence, le bruit ambiant les rassure. De manière générale, les niveaux sonores de notre société s’élèvent. Selon des chiffres officiels, 11 % des accidents professionnels, 15 % des arrêts de travail et 20 % des internements sont dus à des perturbations sonores. La stimulation excessive du système auditif débouche sur des troubles somatiques. Or l’oreille, comme chacun le sait, n’est pas seulement l’organe de l’audition. Elle est aussi le centre de l’équilibre. Le silence absolu n’existe pas, ou s’il existe, nous ne pouvons pas l’entendre.

Rechercher l’harmonie afin de trouver l’équilibre

La musique qui “repose l’âme” est une alchimie qui conjugue notes et silence. Dans l’Antiquité et aujourd’hui encore au cœur de nombreuses traditions, la musique, celle de l’harmonie, à l’opposé du bruit, est le principal moyen pour entrer en communication avec, selon les convictions de chacun, Dieu ou son “soi profond”. Le silence est donc un état de conscience à cultiver, car il permet de faire surgir de soi quelque chose de magique, que la psychologie moderne explique de nos jours. Le cerveau, par l’éducation scolaire et sociale, privilégie la pensée déductive. Celle-ci permet de pratiquer un métier, d’avoir une attitude cohérente, d’être rationnel. Le silence, ou l’harmonie, aide à laisser surgir les pensées associatives, les impressions, autrement dit les “fulgurances”. Il s’agit, par exemple, d’une solution qui apparaît soudainement, alors que le corps et l’esprit ne sont plus “sous tension”. Mettre l’esprit au repos (parfois une nuit de sommeil ou une sieste) peut permettre d’entrevoir une solution. Cela rappelle l’Eurêka grec, souvent à l’origine de grandes découvertes, attribuées trop facilement au hasard, alors que le processus de maturation par association n’en est pas un. L’analogie est une autre composante de la fabrication des concepts. Le silence conduit la conscience.

Un exercice de courte durée pour apprendre à se ressourcer

Certes, nous pouvons pratiquer cette forme d’ascèse, associée au bouddhisme, appelée le “zen”, ou, à travers certaines activités corporelles comme l’aïkido, ressentir des moments où l’harmonie nous “branche avec nous-même”. Mais pour la plupart d’entre nous, il faut trouver des moyens plus simples, adaptés à notre emploi du temps et qui ne demandent pas de se trouver en un lieu particulier à une certaine heure. Le peintre Dali livre un exercice intéressant qu’il nomme “son secret numéro 3” dans les conseils qu’il donne à un jeune peintre (comme Rilke donnait des conseils à un jeune poète), autrement dit l’exercice “du sommeil avec une clef”. Il s’agit de s’installer confortablement dans un fauteuil possédant deux accoudoirs, car il faut laisser les mains pendre en dehors du fauteuil. La main gauche doit tenir une clef assez lourde pour être ressentie au bout des doigts. Préalablement, une assiette est placée sous cette main, au pied du fauteuil. Il faut commencer par s’assoupir. Progressivement pris par le sommeil, le corps se relâche et la clef tombe des doigts. Ce bruit nous ramène à la vie quotidienne. Cet exercice est de courte durée, mais ce moment fugitif est de première importance. Pendant un court laps de temps, la conscience du temps s’échappe. Le but de l’exercice est de revivifier l’esprit et le corps, en déconnectant simplement la machine à penser. Mais le cerveau reste en activité. Le bruit nous reconnecte à la vie quotidienne. Cette pratique, simple et efficace, permet de goûter le silence, de se ressourcer et d’augmenter la créativité.