Welfare Quality® est un système d’évaluation du bien-être animal à l’échelle européenne - La Semaine Vétérinaire n° 1407 du 28/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1407 du 28/05/2010

De la ferme à l’abattoir

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Serge Trouillet

Concilier les attentes sociétales et les besoins des marchés passe par l’intégration du bien-être des animaux dans les filières alimentaires de qualité.

Isabelle Veissier (T 83) est de formation vétérinaire. Certes, elle n’a jamais exercé. Trop intéressée par la recherche et la production de connaissances, elle est séduite par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), et notamment par un laboratoire de comportement animal à Tours, lors de son stage de fin d’études. Sitôt son diplôme en poche, elle intègre le centre de Theix, près de Clermont-Ferrand, où elle prépare une thèse en relation avec le sevrage des veaux. Rapidement, elle s’intéresse à la question du bien-être animal. Ainsi sensibilise-t-elle ses collègues au fait que le stress de l’animal est de nature à perturber les mesures réalisées sur lui. Elle participe à la création d’un comité d’éthique. Puis arrivent, dès la fin des années 80, les premières directives européennes qui visent à protéger les animaux. Elles concernent essentiellement les élevages intensifs (poules pondeuses, veaux et porcs).

Aux côtés de ses homologues européens, Isabelle Veissier travaille, en qualité de directrice de recherche, à répondre aux appels d’offres de l’Union européenne sur le thème du bien-être animal. Depuis le traité d’Amsterdam, entré en vigueur en 1999, l’animal est considéré comme un être sensible : « Nous voyions fleurir autour de nous des allégations de bien-être animal de la part de grandes marques ou de labels dans différents pays européens, y compris la France. Toutes mettaient en avant le respect du bien-être, mais ce que recouvrait précisément la notion de bien-être animal était variable. Il y avait besoin d’une harmonisation. »

Un projet avec des objectifs clairs pour développer une méthode d’évaluation

C’est ainsi qu’est lancé, en 2004, le projet Welfare Quality®. Trois cents personnes issues de quarante-cinq organismes, essentiellement européens, vont s’investir dans ce programme pourvu de quinze millions d’euros de subventions européennes : « Il nous fallait monter un projet cohérent, avec des objectifs clairs, explique Isabelle Veissier, membre du comité de pilotage du projet. Les nôtres étaient de développer une méthode d’évaluation harmonisée du bien-être des animaux, de la ferme jusqu’à l’abattoir ; passer de l’évaluation à une information compréhensible pour le consommateur ; étudier les attentes des utilisateurs (consommateurs, producteurs, distributeurs); développer des méthodes d’amélioration du bien-être des animaux dans les élevages pour résoudre des problèmes pratiques (de type boiterie, stress social, etc.). Un autre objectif, plus stratégique, était d’augmenter l’expertise européenne dans ce domaine de manière à pouvoir traiter correctement ces problèmes. »

Afin de développer cette méthode d’évaluation, les chercheurs ont défini douze critères (voir encadré ci-dessous). Ils sont regroupés en quatre principes : alimentation (1 et 2); logement (3, 4 et 5); bonne santé (6, 7 et 8); comportement approprié (9, 10, 11 et 12).

La question de la modélisation de l’interprétation des données s’est posée

Une fois les critères retenus et les indicateurs mis au point, il fallait construire un modèle d’évaluation. Cette mission est revenue au groupe de travail piloté par Isabelle Veissier au sein du projet : « Quand nous avons constaté que 10 % des vaches d’un élevage boitent, qu’il y a x abreuvoirs par parc ou que l’écornage est effectué à tel âge dans telles conditions, que faire de ces résultats ? Comment les interpréter ? Nous avions besoin de modéliser cette interprétation. Il nous fallait passer de la description à l’évaluation, en essayant de comprendre le point de vue de l’animal. Cette évaluation, bien que fondée sur des descripteurs objectifs, repose en partie sur des jugements de valeur, comme toute évaluation. Par exemple, faut-il se focaliser sur les extrêmes (animaux en mauvais état) plutôt que sur l’état moyen du troupeau ? Pour répondre à ces questions, nous avons consulté des chercheurs en sciences animales qui pouvaient éclaircir le point de vue de l’animal, des chercheurs en sciences sociales qui apportaient leurs connaissances sur les attentes sociétales, et des utilisateurs potentiels de l’évaluation. Ainsi, pour les boiteries, nous donnons plus de poids aux individus qui vont le moins bien : 9 % de boiteries sévères entraînent une note de 50 et 30 % la note minimale de 20. La courbe n’est pas linéaire, car la boiterie est douloureuse pour l’animal. »

Grâce à la collaboration d’un laboratoire de mathématiques, les avis d’experts ont été modélisés, puis des informaticiens ont transcrit le modèle dans un logiciel approprié. Des seuils théoriques ont été fixés et des règles établies. Celles-ci sont apparues trop sévères au départ. En effet, pour être “acceptable”, il faut être au-dessus de 20 partout (sur une échelle de 0 à 100). Il en est de même pour “amélioré”, au-dessus de 55, et pour “excellent” au-dessus de 80. L’introduction d’une relative souplesse, envers un nombre certes limité de notes jugées jusque-là rédhibitoires, remet le modèle en phase avec la réalité des élevages, ainsi qu’avec l’impression générale ressentie par les experts qui ont visité les fermes.

Un outil puissant et susceptible d’être utilisé à des fins réglementaires

Isabelle Veissier s’est interrogée sur le côté représentatif de l’échantillon. « Nous avons travaillé sur les vaches laitières, les taurillons à l’engrais, les veaux de boucherie, les poulets de chair, les poules pondeuses, les porcs à l’engrais, les truies et les porcelets, soit une centaine d’élevages de chaque type. L’échantillon n’est pas assez grand, certainement, pour décrire l’état de l’élevage européen, mais il a permis de tester le modèle d’évaluation. Les résultats obtenus par les fermes observées n’étaient jamais excellents, mais une analyse fine des données a confirmé que cela correspondait bien à la réalité. Et les éleveurs eux-mêmes se montrent souvent plus sévères que le modèle d’évaluation ! »

L’outil apparaît donc puissant et est susceptible d’être utilisé à des fins réglementaires. L’Union européenne pourrait imposer, par exemple, que les élevages en Europe soient au moins “acceptables”. Certaines marques pourraient l’intégrer dans le cadre d’une démarche exclusive, en communiquant sur des produits issus d’animaux dont le bien-être est élevé sur l’échelle de Welfare Quality®. Cet outil devrait également favoriser une démarche inclusive ou d’autocontrôle, en permettant aux éleveurs ou aux abattoirs d’atteindre peu à peu un certain niveau de qualité. Mais pour cela, il faut un conseil associé. Identifier un problème n’informe pas sur la manière de le résoudre.

Certains points, comme le contrôle des boiteries, ont déjà fait l’objet d’un programme de réponses adaptées, mais Welfare Quality® aura une suite. « S’il est accepté, ce deuxième projet débutera en 2011, espère Isabelle Veissier. Son premier volet concernera l’extension de la méthode d’évaluation à d’autres espèces (ovins, dindes et chevaux). Il s’agira aussi, dans un deuxième volet, de creuser ce qui a déjà été fait en intégrant mieux l’outil d’évaluation dans la chaîne de production : c’est-à-dire aller vers une aide au conseil en élevage en identifiant les facteurs de risque des différents problèmes, automatiser certaines mesures, examiner comment les organismes certificateurs peuvent s’approprier l’outil. Il faut définir les conditions d’utilisation de l’outil d’évaluation : nous sommes précisément en train de formaliser juridiquement un réseau Welfare Quality® à cette fin. »

  • (1) Rapport de la Commission au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européens et au comité des régions : « Solutions possibles pour l’étiquetage en matière de bien-être animal et l’établissement d’un réseau européen de centres de référence pour la protection et le bien-être des animaux », octobre 2009.

  • Plate-forme européenne de bien-être animal : http://www.animalwelfareplatform.eu/twelve-fa-welcriteria.asp

Les douze critères du bien-être animal

– L’animal ne doit pas souffrir de faim prolongée.

– L’animal ne doit pas souffrir de soif prolongée.

– L’animal doit avoir une aire de repos confortable.

– L’animal doit bénéficier d’un confort thermique.

– L’animal doit avoir assez de place pour se déplacer librement.

– L’animal doit être exempt de blessures physiques.

– L’animal doit être exempt de maladie.

– L’animal ne doit pas souffrir d’une gestion inappropriée ou de manœuvres douloureuses (écornage, castration).

– L’animal doit pouvoir exprimer son comportement social normal (par exemple le léchage entre congénères).

– L’animal doit pouvoir exprimer les autres comportements spécifiques de son espèce (comme la recherche de nourriture en pâturage).

– L’animal doit être manipulé correctement dans toutes les situations.

– Les émotions positives doivent être favorisées, les émotions négatives telles que la peur, la détresse, la frustration et l’apathie sont à éviter.

Serge Trouillet

Le bien-être animal : une exigence à valoriser

Fin octobre 2009, la Commission européenne a rendu son rapport(1) sur les mécanismes et les moyens juridiques pour améliorer l’information des consommateurs sur la qualité des produits issus de l’élevage européen, notamment en matière de respect du bien-être animal. La demande sociétale de respect des animaux devrait permettre aux producteurs d’obtenir une meilleure valorisation de leurs produits, et ainsi de soutenir l’élevage européen. Il faut cependant que les informations transmises soient claires, compréhensibles, aisément accessibles et uniformisées au niveau communautaire, voire au-delà. Un système de “mentions réservées” semble être une solution facile à appliquer et acceptable par l’Organisation mondiale du commerce. Ce type de mention est utilisé pour la commercialisation des œufs (indication obligatoire sur la coquille du système de production : élevage en cage, poules élevées au sol, en plein air et élevage biologique). Il a permis de réduire la production d’œufs de poules élevées en cage en améliorant l’information des consommateurs.

S. T.
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