Le traitement de l’insuffisance rénale chronique est multimodal - La Semaine Vétérinaire n° 1407 du 28/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1407 du 28/05/2010

Néphrologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Amélie Camart

Le traitement médical et l’alimentation doivent être ciblés afin de s’adapter aux besoins de chaque animal, sans toutefois être trop contraignants pour le chat et le propriétaire.

L’insuffisance rénale chronique apparaît à la suite d’une néphropathie et d’une destruction irréversible des néphrons. Les enjeux du traitement sont de ralentir la progression de cette néphropathie, de prendre en charge les différentes complications associées et de diminuer la mortalité et la morbidité chez l’animal, tout en lui assurant un confort de vie optimal. La classification Iris (International renal interest society) définit quatre stades d’insuffisance rénale selon la créatinémie, ainsi que des sous-stades classés d’après l’intensité de la protéinurie et de l’hypertension artérielle systémique (voir tableau). Chaque stade correspond à une fonction rénale résiduelle et une stratégie thérapeutique lui est associée. La prise en charge de la maladie rénale chronique est ensuite adaptée en regard des complications propres à chaque animal (protéinurie, hypertension artérielle, symptômes digestifs, troubles électrolytiques, hyperparathyroïdie, anémie, infections du tractus urinaire, etc.). L’arsenal thérapeutique est large et le chat est un animal difficile à soigner : le traitement doit donc être simple et ciblé.

La prise en charge nutritionnelle est essentielle

Les objectifs de la gestion nutritionnelle de l’insuffisance rénale chronique sont multiples : couvrir les besoins énergétiques et protéiques, diminuer les signes cliniques et les conséquences de l’intoxication urémique, minimiser les perturbations hydro-électrolytiques, ralentir la progression de la maladie et prévenir les affections liées aux atteintes des fonctions de régulation (en particulier le métabolisme phosphocalcique), tout en respectant les habitudes du chat et du propriétaire. La ration sera mise en place progressivement, selon les besoins de l’animal et l’évolution de la néphropathie.

Généralement, les régimes pour insuffisants rénaux chroniques réduisent l’apport en protéines, afin de limiter la production de déchets azotés. Or, l’insuffisance rénale est une maladie cachectisante : des protéines de haute valeur biologique doivent être apportées en quantité suffisante pour maintenir la masse musculaire. Le suivi de l’urémie et de la masse musculaire permet d’adapter l’alimentation aux différents stades de la maladie : un aliment physiologique de bonne qualité (mature ou senior) est suffisant en début d’évolution, puis il sera remplacé par un aliment spécifique en respectant une transition de deux à quatre semaines.

Les aliments spécifiques pour chats insuffisants rénaux sont moins acidifiants que les aliments physiologiques et contiennent davantage de potassium afin de compenser les pertes. L’apport en phosphore y est également restreint. Néanmoins, des contrôles réguliers de la phosphorémie sanguine sont indispensables et des chélateurs de phosphore sont parfois nécessaires (voir plus bas). Dans les rations ménagères, un rapport calcium/phosphore supérieur à 2 est recherché.

La supplémentation en acides gras essentiels oméga 3 (huile de colza ou de poisson) apparaît prometteuse : ces derniers semblent en effet améliorer la perfusion rénale, modérer l’inflammation et augmenter l’appétence de la ration. D’autres recherches se concentrent sur l’intérêt de l’utilisation d’antioxydants (par exemple, S-adenosyl/méthionine, Zentonil®) afin de limiter la progression de la néphropathie.

Une diminution de l’apport de phosphore alimentaire combat l’hyperparathyroïdie

Dès les stades précoces d’insuffisance rénale chronique, la diminution de la filtration glomérulaire entraîne une rétention de phosphates. Cette hyperphosphatémie aboutit à une production élevée de parathormone (hyperparathyroïdie secondaire) qui favorise la progression de l’insuffisance rénale chronique. Ainsi, la phosphorémie sanguine est à contrôler régulièrement : la classification Iris recommande une phosphorémie inférieure à 45 mg/l pour le stade II, à 50 mg/l pour le stade III et à 65 mg/l pour le stade IV. Si une alimentation restreinte en phosphore est insuffisante, des chélateurs de phosphore sont administrés : lantharénol (Renalzin®), carbonate de calcium (Ipakitine®, Calcidose® 500 mg, spécialité humaine) ou hydroxyde d’aluminium (Maalox®, AMM humaine). Leur efficacité est évaluée par un dosage de la phosphorémie sanguine après dix jours de traitement. L’utilisation de calcitriol dans la prise en charge de l’hyperparathyroïdie secondaire reste controversée et des études complémentaires sont nécessaires dans l’espèce féline.

Les IECA limitent la protéinurie et sont à prescrire dès le stade II

Il est désormais établi que l’insuffisance rénale chronique est la conséquence d’une baisse du débit de filtration glomérulaire et de la mise en place de mécanismes compensateurs, à terme délétères pour les néphrons fonctionnels. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), rapidement mis en place dès le stade II, permettent de ralentir cette hyperfiltration compensatrice et de limiter la protéinurie.

Le traitement des complications est adapté au cas par cas

Chez le chat en crise urémique, la déshydratation liée aux pertes rénales et digestives d’eau est corrigée par une fluidothérapie intraveineuse (solutés cristalloïdes). Elle est éventuellement poursuivie à domicile par voie sous-cutanée.

La gastrite urémique, à l’origine d’une hyporexie et de vomissements, peut être traitée grâce à des antivomitifs (métoclopramide) et des anti-H2 (cimétidine, ranitidine). Néanmoins, en raison de la métabolisation de ces molécules par les reins, les doses prescrites sont à réduire de moitié.

L’acidose métabolique, liée à un défaut d’excrétion des ions hydrogènes par les reins, est tout d’abord limitée par l’alimentation pour chat insuffisant rénal. Lorsqu’elle persiste, du bicarbonate de sodium (16 à 24 mg/kg/j, deux fois par jour, per os) ou du citrate de potassium (0,6 à 1 mEq/kg/j, deux fois par jour, per os) peut complémenter la ration, mais ils ont peu d’appétence. Lorsque le taux de bicarbonate sanguin est inférieur à 15 mEq/l, une correction par voie parentérale est nécessaire.

Une hypokaliémie est fréquemment observée chez le chat insuffisant rénal chronique. Lorsqu’elle est modérée, une alimentation adaptée, éventuellement enrichie en potassium (gluconate de potassium 2 à 6 mEq/j) est suffisante. Quand elle est plus sévère et à l’origine de signes cliniques (faiblesse, ventroflexion de la tête), une complémentation par voie parentérale, sous surveillance, est indispensable.

L’amlodipine est préconisée lorsqu’une hypertension artérielle est diagnostiquée (supérieure à 165 mmHg). La dose initiale est de 0,625 mg par chat, mais peut être augmentée progressivement.

Une anémie hyporégénérative ou arégénérative est parfois observée en fin d’évolution de l’insuffisance rénale, en raison d’un déficit en érythropoïétine et de pertes martiales consécutives aux ulcérations digestives. Jusqu’à présent, l’utilisation d’érythropoïétine recombinante humaine s’est accompagnée de nombreux effets secondaires et elle n’est pas disponible en médecine vétérinaire en France. Cependant, l’accès futur à une érythropoïétine recombinante féline permettra une meilleure prise en charge de l’anémie.

Dans de rares cas où la cause de la néphropathie est connue (pyélonéphrite, tumeur, etc.), un traitement ciblé sera mis en place (antibiothérapie, chimiothérapie).

CONFÉRENCIÈRES

Christelle Maurey-Guenec, service de médecine de l’ENV d’Alfort.

Laurence Yaguiyan-Colliard, Unité de médecine d’élevage et de sport (Umes) de l’ENV d’Alfort.

Article rédigé d’après la conférence « Insuffisance rénale chronique : actualités thérapeutiques », présentée au congrès 2009 de la Fecava, à Lille.

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