La colonisation microbienne du rumen chez le veau nouveau-né est séquentielle - La Semaine Vétérinaire n° 1406 du 21/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1406 du 21/05/2010

Microbiologie

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Cavarait

Le contact du jeune avec sa mère est essentiel. Cette colonisation est indépendante de l’alimentation du veau. Elle conditionne la maturation physiologique et l’efficacité du fonctionnement du rumen.

Avant le sevrage, le rumen est un organe clos, non fonctionnel, rempli de mucus et de cellules épithéliales desquamées et d’un microbiote fonctionnel. En effet, les micro-organismes colonisent rapidement la phase liquide du rumen et son épithélium (voir encadré). Cette implantation ne se fait pas au hasard, mais selon des étapes bien établies. « Elle est progressive et dépend d’une part des relations entre les communautés microbiennes, d’autre part de l’écosystème », a précisé Evelyne Forano, chercheuse à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Clermont-Ferrand, lors des journées nationales des Groupements techniques vétérinaires(1).

Les micro-organismes proviennent de la mère, du nouveau-né et de son environnement. Ils sont transmis par la vache lors du léchage, par les congénères et via la litière. Le contact avec la mère est particulièrement important. Une absence d’implantation de bactéries cellulolytiques, de champignons, de protozoaires ciliés et de quelques flagellés est observée chez des agneaux séparés de leur mère, élevés en cage individuelle et sans contact avec d’autres ruminants. En revanche, lorsque des agneaux, séparés de leur mère et allaités artificiellement, sont mis en contact avec des ruminants adultes, le rumen est colonisé par ces communautés microbiennes. Toutefois, la colonisation par les bactéries cellulolytiques est plus lente que celle observée chez les agneaux restés avec leur mère. A condition de maintenir le contact entre le jeune et sa mère, au sevrage, la microflore du rumen est déjà présente et l’écosystème mature.

L’implantation des bactéries cellulolytiques exige la présence d’une microflore complexe

La colonisation primaire du rumen est donc indépendante de l’alimentation du nouveau-né. Contrairement à ce qui a été longtemps un dogme, les bactéries cellulolytiques apparaissent dans le rumen avant l’ingestion d’aliments solides. Les facteurs écologiques qui conditionnent l’implantation des bactéries cellulolytiques dans le rumen ont fait l’objet d’études spécifiques menées par les chercheurs de l’Inra de Clermont-Ferrand/Theix. « Les essais menés chez des agneaux gnotobiotiques ont montré la difficulté, voire l’impossibilité d’implanter les espèces bactériennes cellulolytiques lorsque la diversité de la communauté microbienne de l’écosystème, avec laquelle les espèces cellulolytiques vont interagir, est trop limitée », a souligné la chercheuse.

Le lien entre l’implantation de Fibrobacter succinogenes, espèce cellulolytique majeure, et l’écosystème ruminal a été plus particulièrement étudié. Trois dilutions de contenu ruminal (10-6, 10-7 et 10-8) ont été inoculées à des agneaux axéniques. Ce contenu ruminal provenait d’agneaux et de moutons adultes. Fibrobacter succinogenes n’a pu s’implanter que dans le groupe qui a reçu les dilutions les moins importantes, c’est-à-dire les agneaux ayant reçu les inoculums les plus complexes. Les mécanismes d’implantation sont encore inconnus. Toutefois, les chercheurs émettent l’hypothèse qu’ils soient en partie liés à la satisfaction des besoins nutritionnels particulièrement exigeants de Fibrobacter succinogenes.

D’autres expérimentations montrent que l’implantation de Fibrobacter succinogenes ne peut être obtenue que chez des agneaux gnotobiotiques qui ont reçu au moins trente-deux souches bactériennes. Cette exigence écologique vis-à-vis des autres composants de la flore semble être spécifique de la fonction cellulolytique (voir photos). A l’inverse, les espèces xylanolytiques, amylolytiques, protéolytiques et acétogènes colonisent facilement le rumen lorsqu’elles sont inoculées seules. Ces résultats montrent le rôle fondamental joué par les espèces bactériennes pionnières qui colonisent le rumen dès la naissance dans l’établissement de l’écosystème ruminal.

Par ailleurs, la complexité du microbiote conditionne le développement du rumen. Dans une étude sont comparés le poids du rumen-réseau, celui de la caillette, la longueur des papilles du rumen et l’épaisseur de la paroi du rumen de deux groupes d’agneaux gnotobiotiques âgés de cent jours (voir tableau). Un groupe a reçu trente-deux souches bactériennes isolées du rumen d’agneaux conventionnels, l’autre cent quatre-vingt-deux souches bactériennes isolées du rumen d’agneaux conventionnels. Le poids du tube digestif, celui de l’animal, la longueur des papilles et l’épaisseur du rumen sont plus élevés chez les agneaux qui ont reçu la flore la plus complexe. En outre, la consommation alimentaire est plus importante chez ces animaux, soit 900 g/j, au lieu de 500 g/j chez les agneaux qui ont reçu trente-deux souches bactériennes.

La levure Saccharomyces cerevisiae accélère l’implantation de la flore cellulolytique

Peut-on optimiser la colonisation microbienne du rumen des nouveau-nés séparés de leur mère rapidement après la naissance ? Les essais menés par l’Inra ont montré l’intérêt d’une levure vivante, Saccharomyces cerevisiae CNCM I-1077 (SC I-1077). Cette levure accélère la dynamique d’implantation de la flore cellulolytique et des populations de protozoaires. Les veaux qui reçoivent une supplémentation de SC I-1077 présentent un meilleur développement de la longueur des papilles du rumen, de leur largeur et une paroi ruminale plus épaisse. Par ailleurs, les conditions d’anaérobiose du rumen sont améliorées, créant des conditions plus favorables à l’écosystème ruminal (voir figure 2). Cette évolution est liée à la consommation des traces d’oxygène présentes dans le rumen : cette dernière est donc un mécanisme majeur de SCI-1077.

La supplémentation de la ration alimentaire de veaux de huit jours nourris avec du maïs grain se traduit par une augmentation de la prise de poids et de la quantité volontairement ingérée. Dans cette étude, la fréquence et la durée des diarrhées des veaux supplémentés sont diminuées, par rapport aux veaux n’ayant reçu aucune supplémentation. En effet, une part métaboliquement active des cellules de levure est retrouvée dans l’intestin.

  • (1) Edition 2009 à Nantes.

Etapes de la colonisation du contenu et des parois du rumen

Le contenu du rumen est rapidement colonisé (voir figure 1). Les premières bactéries à s’installer sont les anaérobies strictes et les anaérobies facultatives. Dès le deuxième jour, le rumen compte 109 cellules bactériennes par gramme de contenu ruminal. Il est donc vite bien adapté physiologiquement au développement d’une microflore exigeante. La période comprise entre le quatrième et le huitième jour d’âge voit l’implantation de bactéries cellulolytiques et des Archea méthanogènes. Ces dernières, productrices d’hydrogène, s’établissent parallèlement avec la flore cellulolytique. Une relation de cause à effet entre les cinétiques d’implantation de ces deux populations est donc probable. Au huitième jour de vie du jeune ruminant, les chercheurs comptabilisent un total de 1011 cellules bactériennes et 109 bactéries cellulolytiques par gramme de contenu. A titre de comparaison, le rumen d’un animal adulte compte 1011 cellules bactériennes par gramme de contenu. Les protozoaires flagellés apparaissent également au cours de cette première semaine. La colonisation par les champignons a lieu entre le huitième et le douzième jour de vie. Quant aux protozoaires ciliés, ils sont les derniers à s’installer. A l’âge de trois semaines, tous les ruminants les hébergent dans leur rumen. Ils apparaissent dans un ordre précis, tout d’abord les entodinium, puis les polyplastron, les euplodinium, les epidinium et les isotricha. Cet écosystème a besoin de plusieurs semaines pour atteindre son équilibre. Comme la phase liquide, la paroi interne du rumen est rapidement colonisée dès la naissance. Au cours de la première semaine, la communauté bactérienne adhérente à l’épithélium est essentiellement composée d’Escherichia coli et de Streptococci. Les microcoques et les staphylocoques apparaissent vers l’âge de huit jours. Au total, vingt-quatre types morphologiques différents sont identifiés chez des agneaux âgés d’une à dix semaines.

Catherine Cavarait
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