Le système de sécurité sanitaire est en danger - La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010

Santé publique. La colère des inspecteurs

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Médecins, pharmaciens et vétérinaires parlent d’une même voix et alertent les pouvoirs publics sur leur manque d’effectifs. Si rien n’est fait, la catastrophe est assurée.

Les inspecteurs de santé publique sont en colère. Et ils le font savoir. Les responsables des syndicats de médecins, pharmaciens et vétérinaires inspecteurs se sont regroupés sous une même bannière pour alerter les pouvoirs publics, lors d’une conférence de presse à Paris, le 7 mai dernier. « Nos trois corps sont négligés depuis des années, se désespère Claude Rols, porte-parole du Syndicat des pharmaciens inspecteurs de santé publique (SPHISP). L’absence de recrutement, le non-remplacement des inspecteurs qui partent à la retraite et la désorganisation de l’Etat dans le domaine de la santé publique et de la sécurité sanitaire nous mettent gravement en péril. » Ces dernières années, les recrutements annuels se comptent sur les doigts d’une main. Les effectifs, déjà faméliques (voir encadré), s’amenuisent encore. « Aujourd’hui, il n’y a que douze pharmaciens inspecteurs pour gérer l’ensemble de l’Ile-de-France, et même un seul pour contrôler tout le département des Yvelines et lutter contre les importations de médicaments contrefaits, détaille Frédéric Boël, président du SPHISP. Il est prévu qu’il parte en détachement. Nous ne savons pas s’il sera remplacé. »

L’Etat adopte une attitude ambivalente et manque d’une vision à long terme

Les syndicats dénoncent l’attitude ambivalente de l’Etat qui d’un côté, sous la pression des Français, veut toujours plus de qualité pour les produits de santé ou les aliments, et de l’autre refuse d’allouer suffisamment de moyens à l’organisation des contrôles, pourtant garants de cette qualité. « Nous avons été lessivés par la gestion de la campagne de vaccination contre la grippe A, témoigne Béatrice Broche, porte-parole du Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMISP). Nous avons dû avaler plus de quarante circulaires en six mois qui nous disaient tout et son contraire. Nous sommes à genoux. Nous avons eu droit aux beaux discours qui nous reconnaissent indispensables, mais ils continuent de sabrer dans nos effectifs. La moyenne d’âge de notre corps est supérieure à cinquante ans. Si rien n’est fait, nous aurons disparu d’ici à cinq ans. » Le manque de vision à long terme de l’Etat est particulièrement dénoncé. « L’exemple de la volaille est significatif, remarque Benoît Assemat, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV). En 2009, la Commission européenne a menacé d’interdire les ventes de volailles françaises dans les pays de l’Union faute de contrôles suffisants dans les abattoirs. Une situation directement liée au manque d’effectifs. Devant le poids économique de cette industrie, l’Etat a réagi et mis trente inspecteurs dans les abattoirs pour satisfaire la Commission. Depuis, ils ont disparu. »

Une nouvelle organisation qui modifie les missions prioritaires

L’Etat ne serait même plus capable de réagir en cas de crise, selon les syndicats. La nouvelle organisation n’arrange rien. La chaîne de commandement sanitaire est diluée par la réforme générale des politiques publiques (RGPP) et la disparition des Directions des services vétérinaires fait écho à la mise en place, depuis le 1er avril, des Agences régionales de santé (ARS). Regroupant plusieurs services déconcentrés de l’Etat (Ddass, Drass, Agences régionales de l’hospitalisation, etc.), elles ne donneraient plus la priorité aux missions de prévention dévolues aux inspecteurs de santé publique. « Les patrons des ARS ne fonctionnent plus qu’avec une logique économique, tellement la pression est forte sur la maîtrise des dépenses de santé, explique Béatrice Broche. L’idée de contrôles, de surveillance et de prévention sur le long terme a disparu. Aujourd’hui, nous agissons comme des pompiers. » La décision du gouvernement, annoncée la veille de cette conférence de presse, de geler les dépenses de l’Etat pour les trois prochaines années ne décourage pas outre mesure les syndicats.« Nous réclamons a minima le maintien de l’existant », revendiquent-ils. Ce qui signifie le remplacement des départs en retraite et donc un recrutement accru.

Les syndicats, peu connus du grand public, peinent à peser sur les décisions de l’Etat

Les moyens de pression de ces syndicats sont limités. « Nous sommes peu connus du grand public et trop peu nombreux, concède Claude Rols. En plus, nous ne pouvons pas faire grève. Pourrions-nous légitimement ne plus contrôler les unités de reconstitution des produits de chimiothérapie ? » Les inspecteurs vétérinaires ont fait l’expérience de leur peu de poids. La grève et la manifestation qu’ils avaient organisées en juin 2009 sous les fenêtres du ministre n’ont rien produit sinon une écoute aimable. « Nous demandons à l’Etat de prendre conscience des enjeux de santé publique et de sécurité sanitaire, et d’organiser son dispositif de surveillance en conséquence, insiste Benoît Assemat. Le Royaume-Uni a montré ce qu’est un désengagement de l’Etat dans l’organisation sanitaire. Nous l’avons vu avec l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ou avec la fièvre aphteuse qui leur a fait perdre plus de vingt milliards de livres sterling. Aujourd’hui, la tuberculose touche plus de la moitié du cheptel britannique… Nous avons sous les yeux ce qui va se passer chez nous si rien n’est fait, et nous ne faisons rien. »

Les trois corps d’inspection passés au crible

→ Pharmaciens inspecteurs

– Nombre : 200 dont 134 sont sur le terrain au sein des Agences régionales de santé (ARS). Les autres travaillent dans les agences nationales de santé (Afssaps, Afssa, etc.) et dans les ministères. 86 % sont syndiqués au sein du SPHISP. 4 à 5 recrutements par an.

– Missions : les pharmaciens inspecteurs ont en charge le contrôle de 34 000 établissements de santé dont 22 000 officines. Ils contrôlent également la distribution en gros des médicaments, les pharmacies hospitalières et les installations sanitaires : la stérilisation des dispositifs chirurgicaux dans les hôpitaux, les installations de radiothérapie, la préparation des chimiothérapies, les centres de distribution d’eau potable, etc.

→ Médecins inspecteurs

– Nombre : 428 dont 370 sur le terrain dans les ARS. Les autres sont répartis dans les grandes agences de santé et dans les ministères. 50 % sont syndiqués au sein du SMISP. Moins de 10 recrutements par an pour 20 postes ouverts.

– Missions : contrôles des médecins libéraux, des laboratoires. Mais l’essentiel de leur activité concerne la gestion et la préparation des dispositifs de réponse aux crises sanitaires : vaccination contre la méningite, lutte contre les maladies transmissibles à déclaration obligatoire (listériose, légionellose, rougeole, grippe, etc.). Ils travaillent également aux campagnes de santé publique.

→ Vétérinaires inspecteurs

– 894 membres dont environ 600 sur le terrain dans les Directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou les Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) selon les départements. Recrutement faible depuis 2004 avec seulement 6 à 10 par an. 60 % de syndiqués au sein du SNISPV.

– Missions : sécurité sanitaire des aliments dans les filières animales, bien-être des animaux, mesures de prévention et de lutte contre les maladies animales, ainsi que celles ayant trait à la protection de l’environnement, contrôle de la pharmacie vétérinaire.

N. F.
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