Des comprimés d’éphédrine complètent l’arsenal thérapeutique contre l’incontinence urinaire canine - La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010

Sympathomimétiques. Incompétence sphinctérienne de la chienne castrée

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Janssen débute la commercialisation des comprimés Enurace®, dosés à 50 mg d’éphédrine, pour le traitement des incontinences urinaires canines dues à une incompétence sphinctérienne. Chez les chiens adultes, cette dernière représente la plupart des cas d’incontinence urinaire, « 80 % », selon Jack-Yves Deschamps, maître de conférences à l’école de Nantes (Oniris), qui participe au lancement de ce nouveau médicament. Bien entendu, cette incontinence concerne surtout les chiennes ovariectomisées. Environ 10 % d’entre elles présentent une incompétence sphinctérienne, le plus souvent dans l’année qui suit l’opération, voire plus tardivement. L’âge n’influence pas la survenue ou non d’une incontinence postcastration. Toutefois, les animaux âgés peuvent aussi présenter une incompétence sphinctérienne, davantage associée au vieillissement qu’à une éventuelle ovariectomie dans leur jeune âge.

Les chiennes de grande taille et/ou en surpoids (souvent plus de 20 ou 30 kg) sont davantage prédisposées à cette affection. Il convient de différencier l’incontinence urinaire, définie comme une perte d’urines involontaire, des cas de polyuro-polydipsie (PUPD) où les chiens urinent fréquemment, mais toujours volontairement (en se mettant en position pour une miction normale).

Enurace® est la troisième spécialité destinée au traitement de l’incontinence urinaire de la chienne castrée, après les comprimés à base d’estriol Incurin® (Intervet), commercialisés depuis l’an 2000, et la solution orale à base de phénylpropanolamine, Propalin® (Vétoquinol), autorisée depuis 2003.

Une contraction du sphincter et un relâchement du muscle vésical

Les comprimés d’éphédrine se distinguent nettement de ceux d’estriol (œstrogène naturel à effet de courte durée) par leur mode d’action non hormonal. En revanche, les modes d’action de l’éphédrine et de la phénylpropanolamine (anciennement appelée noréphédrine) sont similaires. Il s’agit d’amines sympathomimétiques aux structures chimiques proches : seul un groupement méthyl supplémentaire pour l’éphédrine la distingue de la noréphédrine.

Enurace® se différencie de la solution buvable Propalin® par la galénique, des comprimés sécables de petite taille (mais non appétents) dosés à 50 mg, et le schéma posologique en deux prises par jour, alors que le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) de Propalin® recommande trois prises par jour à jeun. L’éphédrine est un agent sympathomimétique. Elle stimule la libération de la noradrénaline au niveau synaptique et stimule aussi directement les récepteurs Β-adrénergiques et Β-adrénergiques. Par son effet Β-adrénergique, elle provoque une contraction du sphincter urétral et empêche ainsi les “fuites” Par son effet Β-adrénergique, elle produit un relâchement du détrusor, le muscle vésical, ce qui facilite ainsi le remplissage de la vessie, sans exercer une trop forte pression de l’urine sur le sphincter.

Les éventuels effets indésirables sont associés à l’action sympathomimétique

Toutefois, les récepteurs adrénergiques sont présents dans tout l’organisme. Des effets sympathomimétiques peuvent donc être observés sur d’autres fonctions et organes chez environ 10 % des chiens, selon les résultats des essais cliniques. En particulier, le RCP souligne des effets cardiovasculaires tels que « tachycardie, fibrillation auriculaire, vasoconstriction, etc. ». Il convient donc de l’utiliser avec prudence chez des chiens cardiaques et d’effectuer une évaluation préalable de la fonction cardiovasculaire. L’éphédrine est aussi contre-indiquée lors de glaucome. En outre, elle traverse la barrière hématoméningée et stimule le système nerveux central, ce qui se traduit par une plus grande agitation des chiens traités, laquelle rétrocède avec une diminution des doses.

Chez l’homme, l’éphédrine est d’ailleurs parfois utilisée dans cet usage détourné comme « stimulant physique et mental pour faire reculer le seuil de la fatigue » chez les étudiants ou les sportifs (elle est sur la liste des substances dopantes). De son côté, le comité vétérinaire de l’Agence européenne du médicament, sans nier les effets indésirables de ce médicament, a néanmoins conclu à un « rapport bénéfice/risque favorable ». « L’utilisation des médicaments humains serait un choix bien plus risqué en cas d’indisponibilité d’Enurace® », indique-t-il. L’étude clinique comparative versus Propalin® est jugée « convaincante » par l’agence, avec 87 % de succès pour Enurace® et 85,7 % pour Propalin®. « L’effet pourrait être un peu meilleur chez les animaux n’ayant jamais été traités », soit 93,7 % pour Enurace® versus 88,9 % pour Propalin®. Des résultats supérieurs au traitement hormonal, selon l’agence européenne.

La recherche de la dose minimale efficace sans effet secondaire

Ces traitements sont rapidement efficaces (en quelques jours), souligne Jack-Yves Deschamps, qui évoque même un « diagnostic thérapeutique ». La posologie initiale de chlorhydrate d’éphédrine est de 2 mg/kg/j en deux prises matin et soir avant les repas (à jeun), soit un demi-comprimé matin et soir pour une chienne pesant entre 20 et 30 kg. Il est ensuite recommandé d’ajuster la posologie à la dose minimale efficace, « en tenant compte de l’apparition d’éventuels effets secondaires » et sans dépasser 5 mg/kg/j. Le comprimé de 50 mg ne permet ni de traiter les chiens de moins de 20 kg ni de diminuer beaucoup les doses chez les chiennes qui pèsent entre 20 et 30 kg, sauf à réduire les prises à une seule par jour. Des comprimés dosés à 10 mg viennent d’être approuvés par les agences nationales et devraient donc venir élargir cette gamme et faciliter ainsi les ajustements posologiques.

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