Marianne et Morgane pistent les corridors écologiques empruntés par les hérissons

Il est 21 h 30 sur le parking d’une grande surface de Saint-Herblain, dans la banlieue de Nantes. Marianne Verry et Morgane Andrieu sont équipées de bottes et de lampes frontales, un attirail peu banal en milieu urbain. Les deux étudiantes en 3^e année à l’école vétérinaire Oniris partent en expédition nocturne, à la traque aux hérissons. « Evidemment, nous ne les chassons pas, précisent les deux jeunes filles, accompagnées de Doc, un épagneul papillon débusqueur de hérissons. C’est un animal protégé. Nous menons une étude afin de définir les cheminements des hérissons dans deux quartiers bien spécifiques de Nantes. »

L’école est mandatée pour mener une étude sur la faune sauvage

Les quartiers de Zola-Dervallières, à l’ouest de Nantes, et de Saint-Joseph de Porterie, à l’est, sont situés aux deux extrémités de la ligne 1 du tramway. Ce sont deux zones fortement urbanisées, construites à des époques différentes et présentant des caractéristiques distinctes. La première zone est constituée de tours construites dans les années 60, la seconde est une zone pavillonnaire, en bordure de campagne. Ces deux quartiers vont faire l’objet de rénovations urbaines, et comme la ville veut mieux prendre en compte la faune dans ses projets, elle a mandaté l’école vétérinaire pour mener cette étude. Marianne Verry et Morgane Andrieu ont pris en charge toute la partie sur le terrain, elles ont choisi le hérisson comme sujet de thèse. « Nous ne rédigeons pas les conclusions de l’étude pour la mairie, soulignent les étudiantes. Nous nous contentons de faire les relevés et de les transmettre. En revanche, nous prenons le plus d’information possible sur les hérissons que nous rencontrons afin d’avoir de la matière pour nos thèses. » Elles sont parties pour plusieurs heures de recherche dans la pénombre. Elles scrutent la carte afin de définir une zone précise du périmètre qu’elles doivent explorer. « Nous procédons par petits bouts, car nos zones de recherche sont vastes, ajoutent-elles. D’ailleurs, nous ne partons pas forcément ensemble. En revanche, nous sommes obligées d’être accompagnées. Avis aux volontaires. »

Dans les zones pavillonnaires, elles scrutent les jardins, même si elles n’ont pas le droit d’y entrer. « Nous avons reçu des appels téléphoniques de particuliers après la parution d’un article dans le journal de la ville, se souviennent-elles. Cela nous a permis de trouver quelques hérissons de jardin. Mais ceux que nous trouvons lors des sorties sont dans les espaces communs, comme les squares ou les espaces verts au pied des immeubles. » D’ailleurs, c’est ici que va se faire la première rencontre de la soirée. Un petit hérisson se promène sur la pelouse. Les étudiantes sortent leur matériel pour les mesures. Le hérisson est mesuré à plat et en boule, et pesé. Elles notent où il se trouve, la température extérieure, le temps qu’il fait et tous les éléments environnementaux qui pourraient influer sur son comportement. Elles définissent ensuite le sexe et prélèvent des tiques et des puces. Le petit hérisson en est complètement couvert.

Un code couleur différent pour chaque animal

Marianne s’attelle à la tâche la plus fastidieuse : le codage du hérisson. « Nous avons mis en place un code couleur différent pour chaque animal, précise Marianne Verry. J’ai dégainé des fils électriques colorés pendant toute une après-midi pour avoir assez de couleurs jusqu’en septembre ! Il ne reste plus qu’à les fixer aux piques des hérissons avec de la colle, dans l’ordre, et en trois endroits différents. » Heureusement, les hérissons sont coopératifs ! L’opération commence, pince à épiler à la main. Si elles retrouvent ce hérisson au cours de leur étude, elles sauront d’où il vient et pourront connaître son cheminement.

Mais déjà, Doc grogne et tire sur sa laisse. Il a repéré un autre hérisson sur la pelouse. Morgane commence les mesures, rejointe une demi-heure plus tard par Marianne, qui a fini de fixer toutes les couleurs sur le premier hérisson. Les étudiantes (et le chien) trouveront un troisième hérisson au cours de la soirée, quelques mètres plus loin. Dans l’immeuble, les lumières s’éteignent une à une. Il est déjà minuit. Les habitants jettent un coup d’œil furtif depuis leurs fenêtres, se demandant ce que font deux filles sur la pelouse, plongées dans le noir, avec une lampe frontale. « Nous voudrions bien leur expliquer, cela fait partie de notre mission, ajoute Morgane. Mais en général, ils n’ouvrent pas leur fenêtre et n’osent pas poser de questions. »