Coupables d’acheter moins cher en Espagne, les éleveurs se présentent comme des victimes - La Semaine Vétérinaire n° 1404 du 07/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1404 du 07/05/2010

Pharmacie. Enquête des douanes sur les importations espagnoles

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Deux agricultrices, une Landaise et une Basque, ont été convoquées le 8 avril dernier au service national des douanes judiciaires (SNDJ) de Bordeaux, pour avoir importé illégalement des médicaments vétérinaires espagnols. France 3 Aquitaine a diffusé un reportage sur la manifestation d’autres agriculteurs, solidaires de leurs collègues. Au-delà des faits – la convocation de deux éleveurs dans une affaire d’importation –, le plus intéressant est sans doute le traitement de la manifestation par les journalistes de France 3.

« Le monde agricole est choqué » de ces convocations, explique la télévision régionale. « C’est du harcèlement », ajoute le représentant d’un syndicat agricole. Selon lui, ces poursuites visent à « empêcher [les éleveurs] de pouvoir s’approvisionner en Espagne, sur des produits qui sont parfaitement légaux et qui sont vendus moins chers » [que chez les vétérinaires français]. Une agricultrice enfonce le clou : « Ce sont les mêmes produits qu’en France, qui arrivent moins chers en Espagne. Donc la marge, ce sont bien les vétérinaires qui la font. »

Les responsables du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) ne sont pas encore intervenus pour défendre la profession et les praticiens locaux mis en cause injustement par les médias, les élus, les syndicats agricoles, etc.

Les douanes enquêtent sur ces importations illégales depuis plusieurs années

Le 20 octobre 2009, une opération d’ampleur nationale, avec de nombreuses perquisitions en élevage, avait déjà conduit les élus locaux, les syndicats agricoles, et au final les médias régionaux et l’opinion publique, à soutenir les éleveurs en infraction. Tous les ont présenté alors comme dans leur « bon droit ».

Ces perquisitions sont présentées à l’opinion comme « une initiative de protection d’un monopole pharmaceutique » : celui des vétérinaires. Les éleveurs coupables sont ainsi devenus, aux yeux des médias, les victimes d’un complot « du lobby vétérinaire et pharmaceutique ».

Pour appuyer cette thèse erronée, les éleveurs, les syndicalistes et l’association Audace, qui promeut ces importations parallèles, s’appuient sur l’ordonnance de non-lieu d’un juge d’instruction de Lorient, en mars 2003. Ce non-lieu avait permis à cent cinq éleveurs bretons d’échapper à une condamnation quasi certaine, mais qui aurait fait beaucoup trop de bruit. Ce non-lieu général avait été négocié dans le bureau du juge : l’absence de poursuites pénales contre les “trafiquants” avait été accordée contre leur promesse de stopper ces importations illicites. Cette négociation avait été révélée par les trafiquants eux-mêmes, dans les colonnes du Canard enchaîné. Depuis, le décret “importations” du 27 mai 2005 a aussi introduit dans le droit français la procédure d’autorisation d’importation parallèle, si les écarts de prix entre deux pays justifient le coût d’un réétiquetage en français, et celle de l’importation thérapeutique dans le cadre de la cascade (voir ci-dessous).

  • (1) Les demandes d’autorisation d’importation sont à adresser à l’ANMV, BP 90203, 35302 Fougères Cedex, tél . 02 99 94 78 78.

DANS QUELS CAS LES IMPORTATIONS DE MÉDICAMENTS SONT-ELLES LÉGALES ?

L’importation de médicaments vétérinaires en France n’est pas interdite, mais encadrée par la réglementation. En effet, beaucoup sont fabriqués hors des frontières et donc importés dans l’Hexagone par les titulaires des autorisations de mise sur le marché (AMM) ou leurs exploitants. La règle générale, prévue par le Code de la santé publique, veut que « l’importation soit subordonnée à une autorisation de l’Agence nationale du médicament vétérinaire » (ANMV).

L’AMM et l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) valent visas d’importation, ce qui permet aux entreprises pharmaceutiques françaises de les importer depuis des sites de fabrication situés à l’étranger sans solliciter une autorisation pour chaque lot.

En outre, par dérogation, une autorisation d’importation n’est pas exigée pour les personnes qui voyagent avec leur animal de compagnie (ou un cheval exclu de la consommation humaine). Accompagnées de leurs animaux, elles peuvent transporter personnellement, donc importer, des médicaments en petites quantités (au maximum pour trois mois ou selon la durée prescrite sur l’ordonnance correspondante). En revanche, ces importations personnelles sont illicites sans autorisation, dès lors que ces personnes ne sont pas accompagnées de leurs animaux, que les médicaments sont importés par colis (transport non personnel) ou concernent des animaux producteurs de denrées alimentaires (viande, lait, œufs).

Une seule demande d’importation parallèle autorisée depuis 2005

Dans le cadre de la cascade, il est possible à un vétérinaire, pour le compte d’un client nommément désigné, de faire une demande d’autorisation thérapeutique auprès de l’ANMV(1), s’il n’existe pas en France de médicaments vétérinaires (avec AMM) disponibles et appropriés (dans ou hors AMM).

Pour des raisons économiques, une entreprise pharmaceutique (distributeur en gros, exploitant, etc.), et non pas un éleveur ni un ayant droit, peut également solliciter auprès de l’ANMV une autorisation d’importation parallèle pour un même médicament autorisé à fois en France et dans un autre Etat européen où il serait beaucoup moins cher, par exemple en Espagne. Il convient alors que le médicament espagnol soit réétiqueté en conformité avec l’AMM française. En pratique, la procédure mise en place en 2005 n’a conduit à autoriser qu’une seule importation parallèle.

Importer illégalement un médicament vétérinaire sans autorisation est un délit puni d’une amende de 30 000 € et/ou deux ans de prison. Ce sont donc les peines encourues par un propriétaire, un éleveur, un vétérinaire ou un détaillant qui commanderait des médicaments directement à partir de sites francophones basés au Royaume-Uni (comme http://www.medicanimal.com), en Irlande ou au Pays-Bas…

E. V.
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