Les possesseurs d’une chienne acquise en indivision réclament la propriété entière - La Semaine Vétérinaire n° 1403 du 30/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1403 du 30/04/2010

Commentaire de jugement du tribunal d’instance de Grasse du 9 mars 2010

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Cette affaire démontre une nouvelle fois le caractère incontournable d’un contrat de vente écrit, le plus détaillé possible. Faute de pouvoir prouver leur accord, les défendeurs seront déboutés de leur demande.

Les faits de l’espèce

Depuis avril 2006, Mme LG est détentrice en indivision, avec les époux C, d’une chienne de race berger allemand née le 4 février 2006. Cette copropriété est matérialisée dans les documents d’identité de l’animal tels que la carte de tatouage, le certificat de naissance, le formulaire d’examen de confirmation, le pedigree.

Depuis le début de la possession, Mme LG a toujours assumé tous les frais liés à la chienne et l’a notamment fait suivre par son vétérinaire.

Un accord moral entre MmeLG et les épouxC a cependant été conclu,? aux termes duquel, après une portée de la chienne dont tous les chiots seraient donnés aux époux C, l’indivision cesserait et la propriété entière de la chienne serait attribuée à Mme LG.

En 2007, la chienne met bas une portée qui compte sept chiots, tous remis comme convenu aux époux C. Mais, alors que Mme LG a rempli sa part du contrat, les époux C refusent de céder leur part de propriété et somment en outre MmeLG de faire de nouveau saillir la chienne, afin de profiter une nouvelle fois du bénéfice financier d’une portée.

Saisine de la justice par Mme LG

Refusant cette nouvelle saillie, Mme LG prend la décision de saisir le tribunal d’instance de Grasse aux motifs suivants :

– mettre fin judiciairement à l’indivision existante ;

– que lui soit attribuée la pleine et entière propriété de la chienne ;

– que cette pleine propriété lui soit attribuée sans versement d’une contrepartie financière aux époux C, ces derniers ayant bénéficié seuls de la vente des chiots et Mme LG ayant toujours assumé seule tous les frais liés à la chienne.

Argumentation et demandes reconventionnelles des époux C

Selon M. et Mme C, si une cession a bien été réalisée en copropriété, elle n’a pu aboutir en raison du fait que Mme LG n’a jamais réglé la moitié de la valeur de la chienne, comme cela était prévu, et n’a jamais remis les chiots d’une troisième portée, comme cela était également prévu (une portée en alternance pour chacun).

Arguant du non-paiement du prix sur l’absence de transfert de propriété, les époux C demandent la restitution de la chienne à titre principal et, à titre subsidiaire, que Mme LG soit condamnée à leur payer la somme de 4 000 € au titre de l’acquisition de la chienne et 5 600 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la mise à disposition d’une portée.

Sur les preuves matérielles de l’indivision

Dans cette affaire, le fait remarquable est l’absence de discussion sur la volonté initiale des deux parties de mettre la chienne en copropriété. En effet, dans la plupart des procès qui combinent une demande en revendication et une indivision, l’un des deux acteurs au moins conteste formellement le principe même de l’indivision. En l’espèce, le débat se situe sur un autre terrain. En conséquence, alors que la carte d’identification n’est pas normalement reconnue comme étant un titre officiel de propriété, mais seulement comme une présomption de cette propriété(1), le tribunal de Grasse, en raison de l’accord des intervenants, prend acte de la copropriété matérialisée sur les documents de l’animal. Ainsi, le tribunal mentionne dans sa décision : « Il n’est pas contesté que cette cession est intervenue en avril 2006 et qu’il a été convenu entre les parties une copropriété sur la chienne. Un certain nombre de documents écrits versés aux débats témoignent, s’il en est besoin, de cette copropriété, car ils portent la mention des propriétaires (C-LG) :

– carte de tatouage délivrée le 6 avril 2006 ;

– carnet de travail, portant mention des concours auxquels la chienne a participé entre le 8 juin 2007 et le 8 mai 2008 ;

– brevet d’obéissance du 13 janvier 2008. »

Sur l’existence d’un prix de vente lors de la mise en indivision

Les époux C affirment qu’un prix de 2 000 € a été convenu et que Mme LG ne s’est pas acquittée du paiement. Ils en concluent que le transfert de propriété sur la moitié de la chienne n’a pu intervenir en avril 2006, contrairement à ce qui était prévu, et que la chienne est donc restée leur entière propriété.

En l’état de l’argumentation, le tribunal doit donc trancher deux points : déterminer si un prix a ou non été convenu et, dans l’affirmative, si le non-paiement a fait obstacle au transfert de propriété.

Rappel sur la charge de la preuve

Aux termes de l’article 1315 du Code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Il appartenait donc aux époux C de prouver, dans un premier temps, l’existence même d’un prix de cession.

Dans leur dossier, M. et Mme C n’ont pu produire, faute d’existence, un contrat écrit spécifiant un prix de vente et un courrier ou une mise en demeure d’avoir à payer ce prix.

Seule une attestation d’un ami du couple, non présent lors de la remise de l’animal, fait référence aux conditions de la transaction et insiste sur le fait que les époux C demandent toujours une participation financière lors de la mise en copropriété de leurs chiens.

Quant à la valeur donnée au témoignage par le juge, « le tribunal observe que ce témoin évoque une pratique, sans toutefois témoigner de sa présence lors de la conclusion du contrat passé entre les parties et de sa connaissance précise des conditions de l’accord intervenu ».

Quant à l’existence d’un prix d’acquisition, « il n’est pas contesté que Mme LG n’a réglé aucune somme aux époux C. L’absence de paiement ne permet cependant pas d’affirmer qu’il était dû, les époux C ne produisant aucune pièce établissant cette créance et ne justifiant d’aucune démarche (courriers, mises en demeure, etc.) à l’égard de l’acquéreur en vue de ce paiement. Dès lors, à défaut de justifier que Mme LG devrait la moitié de la valeur de la chienne, il convient de considérer qu’aucune somme n’était due par celle-ci ».

Eu égard à la formulation, une mise en demeure de payer, malgré l’absence de contrat écrit de vente, aurait pu convaincre le tribunal des conditions financières de l’acte.

Sur l’influence qu’aurait eu un prix de vente sur la mise en indivision

Selon les dispositions de l’article 1583 du Code civil, « la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

Seule une disposition particulière, comme la clause de réserve de propriété, peut retarder le transfert de propriété au paiement intégral du prix de vente et cette clause est à porter à la connaissance de l’acquéreur par un écrit.

En l’espèce, faute de contrat écrit, même si un prix de vente avait été convenu, le transfert de propriétéauraiteulieu malgré l’absence de paiement.

Le tribunal relève donc à juste titre que, « à défaut de tout contrat en bonne et due forme avec clause de réserve de propriété au profit des vendeurs, il convient de considérer que (…) la cession (…) doit être déclarée parfaite ».

Concernant le droit de faire reproduire et les portées

Faute de contrat écrit, les époux C ont tenté de démontrer par le biais d’attestations que, dans le milieu de l’élevage canin, la mise en copropriété d’un chien s’accompagne à chaque fois, non seulement du paiement d’un prix, mais aussi du droit de faire reproduire l’animal avec la conservation d’une portée en alternance.

Malheureusement, toutes leurs attestations n’étaient pas concordantes et l’une d’entre elles, notamment, mettait en évidence le même type d’accord que celui conclu avec Mme LG. Le tribunal n’a pas manqué de relever cette contradiction : « Si les époux C justifient au moyen d’une attestation d’acquéreurs l’existence d’une pratique d’achat en copropriété d’un chien d’élevage consistant à faire payer à l’acquéreur la moitié de la valeur de l’animal et de permettre à l’éleveur de conserver le droit de faire reproduire la chienne et de conserver une portée en alternance, il convient d’observer qu’ils ne démontrent pas qu’il s’agit là d’une pratique unique et exclusive de toutes autres conditions contractuelles, dans la mesure où eux-mêmes produisent une attestation de M. A qui explique avoir reçu de M. et Mme C le don d’une chienne en copropriété, avec en contrepartie la moitié de sa première portée pour les éleveurs, modalités semblables à celles invoquées par la partie demanderesse. »

Encore une fois et faute de pouvoir prouver leur accord, les époux C sont déboutés de leur demande concernant le préjudice subi vis-à-vis des chiots non nés et la chienne est donc attribuée, en pleine propriété et sans indemnité à verser, à Mme LG :

« A défaut de justifier d’un accord entre les parties sur le droit pour l’éleveur de faire reproduire l’animal et de conserver une portée sur deux (…), il convient de considérer que les modalités de la cession alléguées par Mme LG ont été celles convenues.

La partie demanderesse rapporte la preuve de ce que la chienne ainsi achetée a eu une portée en novembre 2007. Les époux C ne contestent pas d’ailleurs avoir pu disposer de cette première portée, de sorte qu’il convient de considérer que les engagements de Mme LG ont été remplis et qu’elle doit être déclarée seule propriétaire de la chienne. »

S’il en était encore besoin, cette affaire démontre une nouvelle fois le caractère incontournable de l’écrit (le plus détaillé possible), même quand on contracte avec une personne de son entourage.

  • (1) Tribunal de grande instance de Toulouse, jugement du 17/1/2005.

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