Les hémopathies malignes sont un casse-tête pour le praticien - La Semaine Vétérinaire n° 1403 du 30/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1403 du 30/04/2010

Cancérologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson

Afin de bien comprendre les différences et de ne pas s’y perdre entre chaque hémopathie, il est essentiel de se référer aux étapes de l’hématopoïèse.

Les connaissances sur les hémopathies malignes du chat sont le plus souvent réduites au lymphome. Sans tomber dans l’inventaire, notre consœur Stéphanie Lafarge-Beurlet a éclairci les esprits en la matière lors des dernières Journées du chat à Arcachon.

Les hémopathies malignes se définissent par leur caractère monoclonal (les cellules cancéreuses sont issues d’un même clone anormal qui a acquis un avantage prolifératif); leur lignée d’origine (myéloïde ou lymphoïde) et le point de départ de la prolifération maligne (médullaire ou extramédullaire). Le schéma de l’hématopoïèse permet de représenter les différents niveaux de blocage de la différenciation rencontrés dans les hémopathies (voir ci-contre). Les hémopathies myéloïdes sont à distinguer des hémopathies lymphoïdes selon des critères morphologiques et l’expression de marqueurs de différenciation à la surface des cellules malignes.

Les hémopathies myéloïdes regroupent plusieurs affections

• Les leucémies aiguës myéloïdes : il s’agit de la prolifération maligne clonale à point de départ médullaire de cellules immatures, bloquées à un stade précoce de la différenciation myéloïde. Ces cellules, appelées blastes, s’accumulent dans la moelle et provoquent un “étouffement” des autres lignées. Elles circulent souvent dans le sang périphérique et se retrouvent dans les nœuds lymphatiques, la rate et le foie.

Les symptômes sont peu spécifiques (abattement, anorexie, fièvre, douleurs osseuses, boiterie, pâleur des muqueuses, polyadénomégalie, splénomégalie). Un syndrome paranéoplasique concomitant est parfois noté. La numération-formule montre souvent une leucocytose associée à une anémie arégénérative, une thrombopénie, une neutropénie. Un frottis est indispensable, car les blastes circulants ne sont pas toujours détectés par les automates. Le diagnostic de certitude passe par la lecture du myélogramme. Il est fréquent d’observer un envahissement massif, avec plus de 50 % de blastes et une disparition quasi complète des lignées normales. Parmi les leucémies aiguës myéloïdes, plusieurs types ont été identifiés à partir de critères morphologiques et phénotypiques de différenciation : les leucémies aiguës myéloïdes6 érythroblastiques sont les plus fréquentes chez le chat. Elles sont associées à un pronostic défavorable en raison de leur mauvaise réponse à la chimiothérapie.

• Les syndromes myéloprolifératifs chroniques : il s’agit de maladies clonales de la cellule souche hématopoïétique. Il en résulte une prolifération accrue de cellules, mais sans anomalie de la maturation : la différenciation terminale est conservée. La circulation de ces cellules matures est souvent massive et un envahissement des organes hématopoïétiques secondaires, voire d’autres organes tels que les intestins, le cœur, les poumons ou les reins, est fréquent.

Les symptômes sont peu spécifiques (abattement, dysorexie, perte de poids, splénomégalie, adénomégalie, fièvre, etc.). Contrairement aux leucémies aiguës pour lesquelles le diagnostic est relativement facile, le diagnostic différentiel des syndromes myéloprolifératifs est un véritable challenge pour le clinicien : par exemple, lors de suspicion de polycythémie vraie (prolifération de globules rouges), il convient d’exclure les maladies qui peuvent induire secondairement une polyglobulie (insuffisance respiratoire, shunt droite-gauche, sécrétion anormale d’érythropoïétine, etc.). Le traitement des syndromes myéloprolifératifs repose sur l’utilisation de l’hydroxyurée, à la dose de départ de 15 à 30 mg/kg/j puis à un passage à jours alternés selon l’évolution.

Chez le chat, les syndromes hyperéosinophiliques correspondent parfois à une variante de la leucémie myéloïde chronique.

• Les mastocytomes et la mastocytose systémique : apparentés aux syndromes myéloprolifératifs chroniques, ils prennent souvent une forme cutanée chez le chat. Cependant, les formes viscérales ne sont pas rares. Le traitement repose sur l’utilisation de la lomustine (50 à 60 mg/m2 toutes les trois à quatre semaines) et de la corticothérapie pour les formes cutanées non résécables ou multicentriques et les formes viscérales qui peuvent les accompagner. L’imatinib mésylate (Gleevec®, 1 mg/kg/j) a montré son efficacité dans cette indication chez le chat et semble aboutir à une rémission clinique sans effet secondaire majeur.

• L’histiocytose maligne : syndrome myéloprolifératif chronique apparenté rare, il s’agit d’une prolifération maligne d’histiocytes au pronostic défavorable (pas de traitement efficace).

• Les syndromes myélodysplasiques : ils se définissent par une atteinte clonale de la cellule souche hématopoïétique dont résulte une hématopoïèse inefficace qui s’exprime cliniquement par des cytopénies périphériques (principalement de l’anémie). Le virus de la leucose féline (FeLV) est impliqué dans 40 à 90 % des études. Mais « toute dysmyélopoïèse n’est pas un syndrome myéloprolifératif », précise notre consœur. Le diagnostic repose sur les données du myélogramme complétées d’une biopsie ostéomédullaire.

Les hémopathies lymphoïdes sont composées des leucémies et des lymphomes

Les leucémies lymphoïdes aiguës sont à distinguer des leucémies lymphoïdes chroniques. Les premières sont particulièrement agressives, mais chimiosensibles(protocole L-Copa). Les secondes sont également rares et surtout observées chez le chat âgé : la maladie est longtemps asymptomatique et se traduit tardivement par une lymphocytose, une anémie normochrome normocytaire et parfois une hyperglobulinémie. Si la lymphocytose est majeure, une prise en charge thérapeutique (prednisolone, chlorambucil) permet de la contrôler, avec une survie qui peut atteindre deux ans.

Le lymphome est l’hémopathie maligne la plus fréquente chez le chat. L’infection rétrovirale est reconnue comme carcinogène et prédispose fortement les félins au développement d’un lymphome. Néanmoins, une majorité de cas non viro-induits sont désormais constatés. Du point de vue thérapeutique, la réponse à la chimiothérapie est le meilleur facteur pronostique. Notre consœur recommande donc de proposer le traitement en conditionnant sa poursuite à la réponse obtenue au bout d’un mois.

CONFÉRENCIÈRE

Stéphanie Lafarge-Beurlet, praticienne au CHV Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne).

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