L’examen neurologique est aisé chez le veau et offre un grand intérêt diagnostique - La Semaine Vétérinaire n° 1403 du 30/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1403 du 30/04/2010

Neurologie

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Perié

Conduit selon une démarche rigoureuse, il permet d’aboutir à un diagnostic différentiel et à une localisation de la lésion.

Dans les conditions de terrain, les lésions neurologiques ne sont pas rares chez le veau. Pour pouvoir poser un diagnostic, voire instaurer un traitement, la démarche est rigoureuse et nécessite un recueil complet des commémoratifs, un examen clinique global de l’animal et un examen neurologique pour aboutir à une localisation de la lésion. Les examens complémentaires sont rarement accessibles dans la pratique quotidienne. La démarche est facilement réalisable chez le veau, en raison de son faible poids, de sa maniabilité et de l’absence de contraintes réglementaires associée à son jeune âge. Plusieurs étapes sont à respecter.

ANAMNÈSE ET COMMÉMORATIFS

Le signalement du veau (race, âge) ainsi que l’anamnèse constituent des informations précieuses pour le praticien. En effet, chez le veau nouveau-né, la plupart des troubles neurologiques sont induits par une hypoxie lors du vêlage, une maladie congénitale d’origine génétique, infectieuse ou toxique, ou encore un phénomène septique (omphalophlébite, entérite, arthrite). Chez le veau plus âgé, des troubles métaboliques, toxiques, vasculaires, et plus rarement des tumeurs, peuvent être rencontrés. Le sevrage du veau constitue un élément important, car la carence en vitamine B1 est inexistante chez le veau nourri au lait. Il existe également une prédisposition raciale, la charolaise étant touchée par une ataxie progressive d’origine génétique.

Le praticien doit également tenir compte de la répartition des cas dans le temps et de l’évolution individuelle (durée d’apparition) de l’affection. Une atteinte simultanée de plusieurs veaux suggère une intoxication, une carence ou une origine infectieuse. Une atteinte médullaire brutale d’un animal peut être d’origine traumatique. Néanmoins, le vétérinaire doit garder en tête qu’une affection congénitale peut s’exprimer tardivement.

La réponse au traitement peut également aider le praticien. Néanmoins, une non-réponse peut aussi être liée à un mauvais schéma thérapeutique ou à une mauvaise observance.

EXAMEN CLINIQUE ET OBSERVATION GLOBALE

Le veau est tout d’abord examiné à distance (voir tableau 2). Le praticien observe son comportement, sa posture, sa démarche spontanée et son état de conscience. Une altération de ce dernier (dépression, coma) signe une atteinte du cortex cérébral et/ou du tronc cérébral. Une anomalie du comportement (pousser au mur) implique une lésion du système limbique. Des épisodes de convulsions peuvent aussi être observés.

La démarche spontanée du veau est ensuite décryptée. Le praticien recherche en particulier :

– une ataxie, c’est-à-dire une incoordination qui implique une lésion des faisceaux proprioceptifs, de l’appareil vestibulaire ou du cervelet ;

– une dysmétrie, à savoir des mouvements volontaires anormaux dans leur direction et leur force. Une hypermétrie, souvent liée à une lésion du cervelet, est rencontrée le plus souvent chez les ruminants ;

– une démarche en cercle,? observée lors de syndrome vestibulaire ou d’hypertension intracrânienne ;

– une parésie, ou perte partielle du contrôle nerveux des membres. Elle ne présage pas de la localisation de l’affection.

Le vétérinaire observe ensuite la posture de l’animal et s’attarde sur la position de la tête, du tronc et des membres. Une rotation de la tête signe une atteinte vestibulaire, alors qu’une rotation de la tête et du cou implique une lésion du tronc cérébral ou du cortex. Une scoliose (déviation latérale du dos), une lordose (déviation ventrale) ou une cyphose (déviation dorsale) sont recherchées. Elles peuvent résulter de lésions acquises ou congénitales des vertèbres ou d’un tonus musculaire anormal consécutif à une lésion neurologique. La position spontanée des membres est examinée : l’augmentation du polygone de sustentation est fréquente chez le veau ataxique. Il convient également de rechercher la présence de mouvements intentionnels comme le tremor intentionnel (ou perte de contrôle à la fin d’une activité motrice) ou les myoclonies.

Après un examen clinique classique, le praticien s’attarde sur une palpation méticuleuse du dos et des membres, à la recherche d’un gonflement, d’une dissymétrie, d’une atrophie ou d’une douleur. Le tonus musculaire du veau est également évalué. Une hypotonie (traduit un déficit de l’innervation motrice) ou une hypertonicité (signe une perturbation du contrôle inhibiteur des centres supérieurs) des membres est investiguée.

EXAMEN DU SYSTÈME NERVEUX

Les réactions posturales permettent la mise en évidence d’un déficit proprioceptif. Le praticien place les onglons sur leur face dorsale, le veau devant corriger immédiatement la position. Un déficit proprioceptif bilatéral et symétrique est souvent associé à une lésion médullaire. Les autres tests, comme celui de placement ou de la marche en brouette, réalisés en pratique canine, sont difficiles à mettre en œuvre et souvent d’un intérêt limité.

Comme chez les carnivores, l’intensité de la réponse des réflexes médullaires est évaluée et deux sortes de lésions peuvent être définies : celles de type motoneurone périphérique (diminution, voire absence du réflexe, hypotonie, atrophie musculaire marquée et précoce) et celles de type motoneurone central (augmentation des réflexes, hypertonie, atrophie musculaire modérée et lente). Le praticien peut ainsi localiser la lésion : un réflexe absent ou diminué signe une lésion des nerfs périphériques (réponse asymétrique) ou du segment médullaire testé (réponse symétrique), alors qu’une réponse exagérée implique une lésion des structures inhibitrices situées en amont du segment médullaire exploré. Chez les bovins, la graduation des réflexes est difficile et le praticien vérifiera principalement leur absence ou leur présence. Chez le veau, cinq réflexes (patellaire, triccipital, panniculaire, de retrait et périnéal) sont à rechercher systématiquement et à répéter (voir encadré en page 42).

EXPLORATION DES NERFS CRÂNIENS

Aisé chez le veau nouveau-né, cet examen est indispensable lorsqu’une lésion de l’encéphale est suspectée. Chez les bovins, seuls les nerfs olfactif(I) et glosso-pharyngien (IX) ne peuvent pas être explorés cliniquement. En premier lieu, le praticien examine la position de la tête (cervelet, nerf vestibulo-cochléaire [VIII]), la symétrie de la face et la position des oreilles (nerf trijumeau [V] et nerf facial [VII]), l’ouverture des paupières (nerf oculo-moteur [III], VII, système nerveux autonome), la position et le mouvement des yeux (III, nerf trochléaire [IV], nerf abducens [VI] et VIII).

Puis certains tests simples peuvent être réalisés. Celui du clignement à la menace permet d’évaluer les nerfs optique (II) et facial (VII), ainsi que le cortex et le tronc cérébral. Il peut être négatif en l’absence de lésion chez le veau nouveau-né, car il nécessite une part d’apprentissage. Il peut également être négatif lors de lésion cérébelleuse. Le réflexe pupillaire (apparition d’un myosis lorsqu’une lumière forte est appliquée), plus lent chez les bovins, explore les nerfs optique(II) et oculo-moteur(III). Ensuite, le réflexe palpébral consiste en une fermeture des paupières et une rétraction du globe consécutives à la manipulation du canthus interne ou externe de l’œil. Il teste le nerf trijumeau (V) et le nerf facial (VII). Néanmoins, il se révèle souvent négatif chez les animaux déprimés. En dernier lieu, le réflexe cornéen évalue l’intégrité des nerfs V et VII. Il consiste en l’application d’un coton-tige sur la cornée et induit la fermeture des paupières et la rétraction du globe oculaire. Le test du clignement à la menace et le réflexe pupillaire permettent de différencier une cécité liée à une lésion de l’œil ou du nerf optique d’une amaurose (origine centrale). En effet, lors de cécité, le clignement à la menace et le réflexe pupillaire sont négatifs, contrairement à l’amaurose, caractérisée par un réflexe pupillaire positif et un clignement à la menace négatif.

Lorsqu’une lésion de l’encéphale est suspectée, un examen du fond d’œil peut être envisagé. Toutefois, il est rarement réalisé sur le terrain(défaut de contention, absence d’ophtalmoscope dans la voiture). Le praticien recherche un œdème de la papille (hypertension intracrânienne, carence en vitamine A, vitamine B1 avec nécrose du cortex cérébral, intoxication au plomb), des hémorragies rétiniennes (méningite thromboembolique à Histophilus somni) et une uvéite (observée lors de méningite).

En présence de symptômes neurologiques chez le veau, un recueil complet des commémoratifs, ainsi qu’un examen rigoureux, facilement réalisable sur le terrain, permettent d’aboutir à un diagnostic différentiel et à une localisation de la lésion. Cependant, des examens complémentaires ante-mortem ou post-mortem sont souvent nécessaires pour établir un diagnostic précis. Ils consistent en une ponction de liquide céphalorachidien, des analyses sanguines, un examen de l’encéphale (macroscopique et histologique) et une radiographie/myélographie.

  • Source : communication d’Edouard Timsit lors des Journées nationales des GTV 2009 (pp. 85-93 du proceeding).

Les réflexes médullaires chez le veau

• Le réflexe patellaire : réalisé sur un veau en décubitus latéral, il teste les segments L4 et L5 de la moelle épinière, ainsi que le nerf fémoral. Le praticien lève et fléchit modérément le membre postérieur supérieur et frappe le tendon rotulien médial à l’aide d’un marteau. Normalement, une extension franche est observée. Chez les bovins, ce réflexe peut être exagéré lors d’une atteinte du nerf sciatique qui innerve les muscles antagonistes. Il est diminué, voire absent, lors de nécrose musculaire secondaire au décubitus, de parésie/paralysie du nerf fémoral à la suite d’un vêlage dystocique ou de carence en vitamine E-sélénium.

• Réflexe triccipital : il teste le nerf radial et les segments médullaires C7-T2. Une fois le membre antérieur supérieur levé et légèrement fléchi, le coude est frappé avec un marteau. Normalement, une extension franche de l’épaule est observée.

• Réflexe panniculaire : il évalue l’intégrité des racines sensitives rachidiennes qui innervent chaque dermatome (ou territoire cutané) et le nerf thoracique latéral (C8-T1), moteur. A l’aide d’un stylo, le praticien balaie latéralement l’abdomen jusqu’à L3 et doit observer une contraction du muscle cutané du tronc.

• Réflexe de retrait : il consiste à pincer l’espace interdigité de chaque membre à l’aide d’une pince hémostatique. Le veau doit normalement retirer son membre et présenter un signe de douleur par une rotation de la tête ou des vocalises. Ce test permet de vérifier l’intégrité du nerf radial et des segments C6-T2 pour les membres antérieurs, et du nerf sciatique et des segments L5-S1 pour les membres postérieurs. Une absence unilatérale d’un réflexe est souvent associée à une lésion d’un nerf périphérique, alors qu’une absence bilatérale est plutôt liée à une lésion de la moelle épinière. Chez le veau, le réflexe de retrait est associé physiologiquement à une extension croisée de l’autre membre. A l’inverse, cette extension est pathologique chez l’adulte et signe une lésion médullaire de type motoneurone central.

• Réflexe périnéal : il évalue les segments S2-S4, les nerfs honteux et le nerf rectal caudal. Le praticien pince la peau de la région périnéale, ce qui induit normalement une contraction du sphincter anal, ainsi qu’une ventroflexion de la queue.

P. P.
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