La vaccination intensive contre la FCO de sérotype 8 rime avec plus de bovins - La Semaine Vétérinaire n° 1401 du 16/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1401 du 16/04/2010

Fièvre catarrhale ovine dans l’Orne

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Cavarait

Un taux de couverture vaccinale insuffisant s’est traduit par un manque de naissances dans les élevages allaitants foyers de FCO. Une augmentation de la mortalité signe le passage viral chez les bovins laitiers.

Notre expérience de la fièvre catarrhale ovine (FCO) nous enseigne qu’une vaccination en urgence et en milieu infecté permet de protéger les animaux encore indemnes et de freiner la progression de la maladie, a indiqué notre confrère Arnaud Delafosse, directeur du Groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Orne, lors de la Journée bovine nantaise. L’augmentation de la mortalité a été l’effet immédiat induit par l’épizootie de 2008. Un impact plus tardif a aussi été observé, avec une baisse du nombre de naissances au premier semestre 2009. » Dans ce département de la Basse-Normandie, qui compte 475 000 bovins et 5000 élevages, une première contamination virale de nature sporadique a été enregistrée en 2007, avec 19 foyers de FCO de sérotype 8 déclarés. A la suite de ce premier passage viral, la population bovine ornaise est restée largement réceptive à la maladie. Un sondage sérologique réalisé au quatrième trimestre 2007 révélait un taux de bovins séropositifs inférieur à 1 %. La vague épizootique a déferlé sur l’Orne, avec un pic au mois d’août 2008 (voir graphique). Notre confrère a judicieusement tiré partie de ces modalités épidémiologiques pour évaluer les pertes économiques directes dues à la maladie d’une part, et l’impact préventif de la vaccination et de la désinsectisation d’autre part.

La perte dans les foyers de FCO est évaluée à 1 453 bovins

A la suite de la circulation virale durant l’année 2008, il a manqué 583 naissances dans les 772 cheptels bovins classés comme foyers avérés(1) de FCO. De plus, 870 morts supplémentaires ont été enregistrés dans ces élevages. « L’augmentation de la mortalité a été particulièrement sensible au deuxième semestre 2008, avec notamment un pic au mois de décembre. » Ces résultats sont issus de la base nationale d’identification. Les naissances et le taux de mortalité ont été comparés pour deux périodes : juillet 2007 à juin 2008 versus juillet 2008 à juin 2009. La première correspond au moment qui a précédé l’épizootie et la seconde à l’épizootie de FCO de sérotype 8. Les naissances et la mortalité ont également été étudiées dans 772 autres élevages bovins tirés au sort (comparables à ceux déclarés comme foyers), dits “témoins”, qui n’ont fait l’objet d’aucune déclaration de la maladie. Les données mettent en évidence un manque de naissances (– 229) et une hausse de la mortalité (+ 354). La tendance dans les cheptels témoins est donc similaire à celle des élevages atteints. Le pic de mortalité du mois de décembre est également présent, dans une moindre proportion. « Les pertes directes également notées dans les élevages témoins confirment que la FCO a largement circulé dans l’Orne, a précisé Arnaud Delafosse. Les cheptels confirmés atteints de FCO ne représentent qu’une partie de ceux qui ont été réellement touchés. »

La répartition des pertes diffère selon la catégorie d’élevage. En raison des périodes de mise à la reproduction, le défaut de naissances est plutôt enregistré chez les éleveurs allaitants. En effet, le pic de l’épizootie a été contemporain du début de la gestation des vaches allaitantes, d’où des mortalités embryonnaires précoces, probablement à l’origine de la diminution des naissances dans ces exploitations. Le défaut de naissances correspond à l’impact tardif de la FCO observé par notre confrère. De ce fait, l’accroissement de la mortalité des veaux âgés de moins d’un mois a plutôt été relevé chez les éleveurs laitiers.

Les éleveurs laitiers ont vacciné plus intensivement que les éleveurs allaitants

Arnaud Delafosse s’est aussi penché sur l’effet de l’intensité de la vaccination contre la FCO de sérotype 8. Il a comparé le solde des bovins (naissances – morts) dans les exploitations pour les deux périodes précitées (juillet 2007 à juin 2008 versus juillet 2008 à juin 2009). L’indicateur “mortalité” concerne les bovins, tous âges confondus. L’intensité de la vaccination est définie selon le taux de reproducteurs vaccinés dans les exploitations. Trois classes d’élevages sont déterminées : ceux qui ont vacciné moins de 20 % des reproducteurs ou qui n’ont pas vacciné, ceux qui ont vacciné entre 20 et 60 % des reproducteurs et ceux qui ont vacciné plus de 60 % des reproducteurs (voir tableau 1). Cette dernière catégorie est qualifiée de “vaccination intensive”.

Rappelons qu’en 2008, la vaccination était facultative et limitée aux reproducteurs en raison du stock de vaccins disponibles. Dans le département de l’Orne, elle a été tardive et parallèle au développement de l’épizootie. Ainsi, seulement 109 000 bovins étaient vaccinés à la fin du mois de juin 2008. La traçabilité a été assurée par la saisie de l’animal vacciné dans le logiciel du système d’information de la Direction générale de l’alimentation (Sigal), sur la base des attestations retournées par les vétérinaires au GDS.

« Le solde de bovins dans l’exploitation entre l’année de l’épizootie et l’année de référence augmente régulièrement avec le taux de couverture vaccinale des reproducteurs », a souligné Arnaud Delafosse. Une hausse des naissances et une baisse de la mortalité caractérisent une vaccination intensive. Il manque 6 019 bovins dans les exploitations qui ont vacciné 20 % ou moins des reproducteurs, ou qui n’ont pas vacciné, soit une variation de 11,5 % entre les deux périodes (p < 0,0001)(2). Dans les exploitations qui ont vacciné entre 21 et 60 % des reproducteurs, un déficit de 643 bovins est calculé, soit un écart de 2,5 % entre les deux périodes (p < 0,0001)(2). Lorsque le taux de couverture vaccinale a dépassé 60 % des reproducteurs, un solde positif de 1 564 bovins est enregistré, soit une variation de 3,4 % (p < 0,0001)(2). La vaccination ne multiplie pas les veaux ! Ce solde positif est la conséquence de la conjoncture laitière favorable des années 2007 et 2008. Les éleveurs laitiers ont gardé plus de génisses, espérant augmenter leur quota, d’où un biais dans les résultats. Toutefois, « les éleveurs laitiers ont vacciné plus intensivement que les éleveurs allaitants », a précisé notre confrère. La moitié d’entre eux ont procédé à la vaccination de plus de 60 % des reproducteurs de leur cheptel, au lieu d’un éleveur allaitant sur cinq seulement. En effet, les troupeaux allaitants étaient déjà au pâturage au début de la campagne vaccinale. L’analyse plus fine des chiffres montre que « le manque de veaux est plutôt comptabilisé dans les élevages allaitants et le solde positif dans les élevages laitiers ».

L’effet de l’intensité de la désinsectisation est délicat à évaluer

L’épizootie de FCO de sérotype 8 était attendue par les autorités sanitaires de l’Orne. En effet, la Haute-Normandie était déjà fortement contaminée en 2007 et la population bovine ornaise largement réceptive. Outre la vaccination, le GDS et la Direction des services vétérinaires ont préconisé la pratique de la désinsectisation, via une application mensuelle d’insecticides en pour on, d’avril à novembre. Son efficacité a été évaluée grâce à une enquête rétrospective menée dans 164 foyers de FCO. Les indicateurs utilisés sont les mêmes que pour les évaluations précédentes (déclarations de naissances et mortalités). Le solde de bovins est comparé pour les deux périodes : juillet 2007-juin 2008 versus juillet 2008-juin 2009. 142 éleveurs ont utilisé un pour on (Butox®, Ectotrine®, Verstarine®), un exploitant a opté pour les boucles auriculaires imprégnées d’insecticide (Flectron®) et 21 n’ont procédé à aucune désinsectisation. Les éleveurs laitiers ont davantage désinsectisé leurs animaux que les éleveurs allaitants. Parmi les 164 élevages, 36 % des laitiers ont désinsectisé cinq fois et plus, versus 31 % des élevages mixtes et 26 % des élevages allaitants. Le solde de bovins qui restent dans l’élevage entre l’année de l’épizootie et celle de référence augmente avec le nombre des traitements de désinsectisation effectués en 2008 (voir tableau 2). « Ce constat ne permet pas de conclure à un effet protecteur », a souligné Arnaud Delafosse, précisant qu’il peut exister des facteurs explicatifs cachés. Néanmoins, il considère que cet effet dose-réponse est pertinent. Dans l’Orne, les éleveurs qui ont vacciné de façon intensive ont également beaucoup désinsectisé, d’où un éventuel effet additionnel de la vaccination. « L’application répétée d’insecticide rémanent pourrait limiter le cycle d’amplification virale chez les vecteurs et la répétition des piqûres infectantes à l’origine des formes cliniques les plus graves », a conclu notre confrère. Toutefois, l’application répétée d’insecticide n’est pas neutre pour l’environnement. En Afrique, l’utilisation des bains insecticides pour le bétail est à l’origine de la quasi-disparition des pique-bœufs à bec rouge, des oiseaux qui débarrassent les girafes, les buffles et les bovins de leurs parasites.

  • (1) Un cheptel est classé comme foyer avéré quand au moins un bovin virémique avait été diagnostiqué entre le 1er/1/2008 et le 13/3/2009.

  • (2) Les comparaisons avec le test du Khi2 portent sur la variation du solde (naissances – mortalité) entre les deux années et selon le statut vaccinal. Les proportions sont comparées deux à deux : – 11,5 % et – 2,5 %; – 2,5 % et + 3,4 %; – 11,5 % et + 3,4 %.

CONFÉRENCIER

Arnaud Delafosse, directeur du Groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Orne.

Article rédigé d’après une intervention présentée le 1er octobre 2010 lors de la Journée bovine nantaise.

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