L’approche diagnostique de la maladie de l’herbe évolue lentement - La Semaine Vétérinaire n° 1400 du 09/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1400 du 09/04/2010

Dysautonomie équine

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Agnès Leblond*, Géraldine Pertriaux**, Pierre Tritz***, Claire Laugier****, François Valon*****

Fonctions :
*(Inra-VetAgro Sup)
**(VetAgro Sup)
***(praticien à Faulquemont, Moselle)
****(Afssa Lerpe)
*****(président du conseil scientifique du Respe et de la commission “maladies infectieuses” de l’Avef).

L’equine grass sickness est due à une polyneuropathie, associée à une atteinte du système nerveux autonome, notamment dans le tractus digestif.

La maladie de l’herbe, aussi appelée dysautonomie équine ou equine grass sickness, est une affection neuro-dégénérative débilitante souvent fatale, qui touche les chevaux au pré, surtout au printemps. Elle est décrite pour la première fois en 1909, dans un camp de l’armée, à l’est de l’Ecosse. L’émergence de la maladie coïncide avec l’importation en provenance d’Argentine de millions de tonnes d’un fertilisant, le guano.

Les jeunes chevaux (de deux à sept ans) sont les plus fréquemment atteints.

De nombreuses théories ont été proposées pour en expliquer l’étiologie et la pathogénie, qui demeurent finalement inconnues. L’hypothèse qui prévaut actuellement est celle d’une forme de toxi-infection botulinique, due à la production d’une neurotoxine par Clostridium botulinum de type C dans le tube digestif.

Trois formes d’equine grass sickness sont décrites

La maladie de l’herbe se décline en trois formes, selon sa durée d’évolution et sa sévérité (voir tableau). Les signes cliniques observés sont la conséquence d’un dysfonctionnement du tractus gastro-intestinal.

La différence principale entre les formes aiguë/ subaiguë et la forme chronique est la survenue de coliques. Les formes aiguë et subaiguë sont parfois délicates à différencier, mais à ce jour, elles sont considérées comme systématiquement mortelles. La suspicion repose généralement sur des critères cliniques et épidémiologiques, mais le diagnostic ante-mortem reste difficile à établir. En principe, seule l’observation à l’histologie de lésions caractéristiques dans les ganglions du système nerveux autonome (cœliaco-mésentérique ou cervical, par exemple) permet de confirmer le diagnostic. Or ces prélèvements sont difficilement réalisables au cours d’une autopsie effectuée en pratique courante, et les suspicions sont donc rarement confirmées. Du vivant de l’animal, certains examens complémentaires peuvent toutefois fournir des éléments significatifs.

Plusieurs examens complémentaires permettent d’orienter le diagnostic

A ce jour, les examens complémentaires qui semblent les plus utiles pour orienter les hypothèses diagnostiques sont le test à la phényléphrine, les biopsies intestinales, rectales ou iléales.

Lors du test à la phényléphrine, la ptose palpébrale bilatérale est un symptôme fréquemment rencontré dans les cas d’equine grass sickness et résulte de la paralysie d’un muscle lisse releveur de la paupière supérieure. La réponse à l’application d’un agoniste-adrénergique (phényléphrine à 5 %) est observée trente minutes après l’instillation sur la conjonctive d’un seul œil. Dans un cas de maladie de l’herbe, la fente palpébrale sera plus grande et l’angle plus important dans l’œil traité par rapport à l’œil “témoin”.

Lors de laparotomie exploratrice, des éléments significatifs peuvent être notés, principalement une impaction sévère du côlon ventral gauche, mais aussi des empreintes des haustrations intestinales, un enduit noir sur la muqueuse et le contenu intestinal. Si le cheval est référé en chirurgie pour coliques, le prélèvement d’au moins deux biopsies iléales est essentiel. L’analyse anatomopathologique offre alors un diagnostic de certitude si des images de chromatolyse avec pycnose, caryorrhexie et excentricité nucléaire sont notées dans les corps neuronaux des plexus sous-muqueux.

Lorsque la laparotomie exploratrice n’est pas possible, des biopsies rectales peuvent être utiles : elles seront examinées selon le même protocole que les biopsies iléales. Le risque de faux négatif est cependant plus important et deux biopsies au moins sont alors nécessaires.

En outre, en raison de l’hypothèse étiologique d’une intoxination à la neurotoxine de Clostridium botulimum de type C (BoNT/C), des méthodes de recherche de la bactérie ou de la neurotoxine sont développées, en particulier au Centre national de référence des anaérobies de l’Institut Pasteur. La neurotoxine peut être recherchée dans le sérum, mais les faux négatifs sont possibles.

Une affection très présente outre-Manche et sous-diagnostiquée en France

A ce jour, la plupart des cas sont répertoriés au Royaume-Uni. Cependant, certains ont aussi été détectés dans de nombreux pays d’Europe (en Irlande, Belgique, Pays-Bas, Suède, Norvège, Danemark, Finlande et également en Allemagne, Hongrie, Suisse et Italie). Compte tenu de la prévalence élevée de l’equine grass sickness en Angleterre, une épidémiosurveillance de la maladie est instaurée depuis 2007(1).

En France, trente-trois cas sont recensés, localisés plutôt en Normandie et diagnostiqués par le Laboratoires d’études et de recherches en pathologie équine (Afssa Lerpe) de Goustranville. En cinq ans, de 2003 à 2007, sur cent soixante déclarations, le réseau “syndrome nerveux” du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) a enregistré dix-neuf cas suspects d’equine grass sickness ou d’intoxination botulinique (soit 12 % des déclarations), dont quatre confirmés à l’histologie. Ces cas sont plus fréquents en Basse-Normandie et en Bretagne (douze suspicions) et quatre déclarations émanent de Poitou-Charentes. Pour la première fois, en 2008, des suspicions ont également été déclarées dans le sud et le sud-est de la France, sans pour autant être confirmées.

Malgré le faible nombre de cas rapportés en France, la maladie de l’herbe représente un réel problème. D’abord parce que le diagnostic reste délicat. Il repose sur les données cliniques et l’épidémiologie, or le tableau clinique est peu caractéristique et l’évolution vers la mort souvent bien trop rapide pour mettre en œuvre des examens complémentaires en vue d’un diagnostic précis. Finalement, le faible nombre de cas ne permet pas de fournir des conclusions validées par une analyse statistique, ni d’améliorer les connaissances pour rationaliser l’approche diagnostique sur les critères cliniques et épidémiologiques uniquement. En outre, les examens complémentaires à mettre en œuvre pour confirmer une suspicion clinique sont peu connus. Ces réflexions laissent à penser que la maladie de l’herbe, parce que mal connue, est en général sous-diagnostiquée en France, ou parfois suspectée à tort par certains praticiens.

Vers une collecte de données pour une procédure diagnostique

Pour progresser dans la connaissance de cette affection, la commission “maladies infectieuses” de l’Association vétérinaire équine française (Avef) a souhaité mettre en œuvre un protocole spécifique de collecte de données cliniques et épidémiologiques. Dans ce cadre, un travail de thèsevétérinaire a été initié par Géraldine Pertriaux, étudiante à VetAgro Sup (ex-ENVL). L’objectif de ce travail est, en premier lieu, d’établir et de valider, à partir de données rétrospectives, un guide de procédure diagnostique qui permette de classer un individu en “suspect”, “probable” ou “confirmé”, en tenant compte d’un certain nombre de critères épidémiologiques, cliniques et d’examens complémentaires. Dans un second temps, un recueil de cas prospectif a débuté en mars dernier pour une durée d’un an. Il permettra, outre les informations récoltées par les vétérinaires, de collecter des données complémentaires via l’administration d’un questionnaire spécifique adressé aux propriétaires, relatif aux conditions d’élevage des chevaux et aux facteurs de risque liés à la gestion des pâtures.

Lors de l’identification de la maladie dans un élevage, quelques mesures de prévention peuvent être proposées pour minimiser le risque de résurgence, sur la base des résultats des études sur les facteurs de risque.

Ainsi, il convient de diminuer le stress ou d’être vigilant si des facteurs de stress sont identifiés, comme les modifications alimentaires, les vermifugations, l’administration d’antibiotiques affectant la flore intestinale, les changements de pâture, particulièrement pendant la période de croissance des animaux. L’administration de probiotiques pourrait être un facteur protecteur. Mieux vaut également éviter les pâtures dans lesquelles des travaux ont été effectués récemment (terrassement, canalisation, etc.), préférer un ramassage manuel des crottins plutôt que mécanique, diminuer la densité d’animaux dans le pré, éviter le pâturage avec des volailles. La présence de bovins dans la pâture serait plutôt un facteur protecteur.

  • (1) Animal Health Trust ; www.equinegrasssickness.co.uk Un encadré “Examens complémentaires pour orienter la suspicion” est consultable sur le site WK-Vet.fr, rubrique « Semaine Vétérinaire puis “Compléments d’articles”.

Cet article a été rédigé grâce à un groupe de travail constitué de J. Bardiès, C. Bussy, J.-L. Cadoré, T. Cochard, X. d’Ablon, P. Garcia, C. Laugier, A. Leblond, M. Lévy, P. Losfeld, J. Tapprest, P. Tritz, F. Valon, avec la collaboration de M. R. Popoff (CNR Institut Pasteur), V. Maisonnier (Respe), P.-F. Mazeaud (SNGTV), R. Newton et C. Wylie (Animal Health Trust).

POUR EN SAVOIR PLUS

• Pour déclarer un cas ou obtenir des renseignements complémentaires, les documents relatifs à cette étude sont téléchargeables sur le site du Respe, de l’Avef et de la SNGTV (http://www.sngtv.org/). Sinon, contacter directement Géraldine Pertriaux à l’adresse g.pertriaux@vetagro-sup.fr ou l’un des responsables du réseau “syndrome nerveux” du Respe, Pierre Tritz (pitritz@wanadoo.fr) ou Agnès Leblond (a.leblond@vetagro-sup.fr).

• Site de l’Animal Health Trust : www.equinegrasssickness.co.uk

• Site de l’Equine Grass Sickness Fund : www.grasssickness.org.uk

• J. R. Newton et coll. : « An epidemiological study of risk factors associated with the recurrence of equine grass sickness (dysautonomia) on previously affected premises », Equine Vet. J., 2004, n° 36.

• E. J. Hedderson, J.R. Newton : « Prospects for vaccination against equine grass sickness », Equine Vet. J., 2004, n° 36.

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