L’implication des pesticides dans la mortalité des abeilles mobilise la filière - La Semaine Vétérinaire n° 1399 du 02/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1399 du 02/04/2010

Filière apicole. Journée scientifique de Nantes

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet

Parmi les thèmes étudiés, les pesticides et Nosema spp. ont dominé la JSA de Nantes.

La mortalité importante observée dans les colonies d’abeilles reste d’actualité. Des études qui permettent d’en déceler les causes ont été exposées, entre autres, lors de la deuxième Journée scientifique apicole, organisée dans les locaux d’Oniris (ex-ENVN) le 18 mars dernier. Parmi les communications qui ont alimenté cette rencontre, Carine Arnaudguilhem (CNRS de Solaize) a notamment présenté un outil analytique(1), fiable, rapide et sensible, qui détecte et quantifie quatre-vingt-sept pesticides de familles différentes dans les miels et chez les abeilles. Cette méthode de dosage multirésidus a été élaborée pour aider les apiculteurs et les vétérinaires en cas de suspicion d’intoxication. Cependant, son coût la rend difficilement abordable pour les apiculteurs (300 € par échantillon).

Le fipronil et l’imidaclopride semblent augmenter la sensibilité de l’abeille à Nosema

La microsporidie Nosema spp., son rôle pathogène et sa synergie/interaction avec les pesticides font pour leur part l’objet de débats entre différentes équipes de chercheurs, de vétérinaires et d’apiculteurs. Pour certains (Higes et coll.), les affaiblissements et les pertes de colonies constatées concomitamment à l’augmentation du nombre de spores de Nosema spp. sont les conséquences directes de la présence cette microsporidie. Pour d’autres, la présence et le développement de Nosema spp. dans le tube digestif des abeilles est le résultat de leur affaiblissement par un autre facteur, car il s’agit d’un organisme opportuniste, comme presque toutes les microsporidies. Plusieurs travaux, notamment ceux de notre confrère Marc-Edouard Colin, montrent d’ailleurs la présence de spores de Nosema spp. dans de nombreuses colonies saines. C’est dans ce cadre antagoniste que deux études ont été présentées à Nantes. Celle de l’équipe de Frédéric Delbac (université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand) est consacrée aux interactions entre le fipronil et Nosema ceranae chez l’abeille européenne. Elle fait apparaître que le fipronil, outre son action neurotoxique, agit sur l’épithélium intestinal en provoquant une mort cellulaire par apoptose. Par ailleurs, les résultats préliminaires de travaux en cours montrent que les abeilles soumises à une exposition chronique à des doses sublétales de fipronil, puis à l’infestation par des spores de Nosema spp. présentent une mortalité supérieure aux abeilles soumises à l’une des deux expositions. Le fipronil et Nosema ceranae semblent donc agir en synergie sur la mortalité des abeilles, le phénylpyrazole augmentant leur sensibilité à Nosema ceranae. Les mécanismes physiologiques, notamment au niveau du système immunitaire intestinal, sont en cours d’étude, comme la caractérisation de l’impact de la présence de Nosema ceranae sur la toxicité du fipronil chez l’abeille domestique.

Une recherche similaire a été conduite par Cédric Alaux (Inra d’Avignon), sur l’interaction toxicopathologique entre Nosema spp. et l’imidaclopride. L’équipe a démontré que des abeilles soumises à Nosema spp. et à de l’imidaclopride présentent également un taux de mortalité et un stress énergétique significativement plus élevés que lorsqu’elles le sont par l’un des agents seulement.

Les insecticides utilisés dans la lutte contre la FCO sont suspectés d’intoxiquer les abeilles

Notre confrère Christophe Roy, président de la commission apicole de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), a évoqué les risques de la lutte contre les maladies vectorielles en médecine vétérinaire pour les abeilles. Celle contre la fièvre catarrhale ovine et Culicoïdes spp. a fait l’objet d’une communication pour essayer de comprendre si l’usage d’antiparasitaires peut être responsable de la perte de colonies observée l’an passé, notamment en Ariège. Une enquête révèle la présence de résidus de perméthrine dans les échantillons d’abeilles étudiés(2). Cependant, de nombreux échantillons prélevés dans ce cadre n’ont pu être utilisés. Le lien de cause à effet est resté au niveau de la forte suspicion, d’autant que « la présence d’élevages aux abords des ruchers atteints n’était pas systématique ». Mais Christophe Roy se demande si « le risque écotoxique d’une telle lutte contre un vecteur a été suffisamment estimé ».

Le développement d’une base de données de la toxicité des pesticides a en outre été présenté par Fabienne Dublin (CNRS Caen), qui a également communiqué sur des outils prédictifs de la toxicité des molécules à évaluer, une modélisation qui ne peut cependant pas remplacer l’expérimentation animale.

En outre, une étude de toxicité du thiamethoxam (Cruiser®, notamment utilisé contre les insectes ravageurs du maïs) met en évidence qu’une dose de 3 ng par abeille, outre un effet létal, affecte les capacités d’orientation des butineuses qui survivent à cette intoxication.

Il faut enfin souligner la dernière présentation, qui a consisté en la projection d’une passionnante rétrospective historique le la lutte contre les trois principales maladies réputées contagieuses en France depuis trente ans, préparée par notre confrère Olivier Bron.

  • (1) Par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC/TOF) et par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS/MS).

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1349 du 27/2/2009 en page 22.

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