Quand le divertissement devient une mobilisation - La Semaine Vétérinaire n° 1398 du 26/03/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1398 du 26/03/2010

Manipulation

Gestion

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Auteur(s) : Jean-Michel Saint-Omer

Il existe bel et bien un commerce de la peur. Certains jeux vidéo, films et séries télévisées créent des situations d’urgence qui deviennent la “norme”. La fiction influence alors le réel par l’intermédiaire de nos perceptions. Si nous n’en sommes pas conscients, il y a là un véritable danger.

La peur est en effet une sensation étrange que nous fuyons et qui nous attire. Une image ne suffit pas : pour que nous la ressentions vraiment comme effrayante, il faut une véritable mise en scène, qui va faire participer l’ensemble de nos sens et réagir notre cerveau. La peur est donc un conditionnement. La société de spectacle dans laquelle nous vivons fait commerce d’émotions en utilisant l’image ou l’interactivité. Elle crée un sentiment de “partage virtuel” en recourant à des simulations qui nous préparent souvent au pire.

Une phrase comme « c’est chez les civils qu’on recrute les militaires » n’est pas anodine. Le recours à la mise en scène pour préparer les foules à accepter ce que la conscience, la morale, l’éthique condamnent existe bel et bien. Le défi aujourd’hui, en termes de domination des territoires intérieurs et extérieurs, n’est plus seulement celui de la technologie, mais aussi d’une trame narrative mythique et partagée.

Dans Storytelling, Christian Salmon dresse le portrait de cette « colonisation des cerveaux » par l’utilisation des technologies actuelles. Il prend l’exemple du recrutement et de la préparation des soldats de l’armée américaine. Ils sont placés en immersion, dans « la réalité virtuelle », au moyen de jeux vidéo et de robots intelligents. Le danger, s’ils ne prennent pas le temps du recul et de l’explication, c’est la déshumanisation. D’après l’auteur, le fait d’être coupé du réel conduit à ne plus éprouver aucune compassion ou pitié.

Selon le vice-président de la Paramount Digital Entertainment, à l’origine de l’Institute for Créative Technologies, la génération actuelle au Vietnam est celle de la télévision et les jeunes soldats ont grandi avec les jeux vidéo. Les sites web de l’armée américaine utilisent de tels jeux pour recruter. Des jeux qui sont téléchargés par plus de six millions d’internautes. 20 à 40 % des jeunes recrues affirment y avoir joué préalablement à leur engagement. Pour Christian Salmon, on a ainsi fait entrer le champ de bataille dans la salle de classe. Le jeu vidéo est à la fois un outil de relation publique, de recrutement, de test pour juger de l’aptitude militaire, mais sert aussi de « courroie thérapeutique » dans le cadre de la prise en compte des états de stress post-traumatique chez les vétérans. On leur fait ainsi revivre dans un environnement virtuel le scénario qu’ils ont connu, mais en retirant la menace pour “déconditionner” les effets du traumatisme.

La création d’un horizon d’attente… de catastrophes

La date du 11 septembre 2001 est gravée dans les mémoires. Ces événements ont contribué à accentuer le recours à l’émotion primale et à son exaspération par l’intermédiaire des jeux en ligne, des films et autres vidéos. Après ces attentats, la presse a mentionné la réunion des autorités militaires et des scénaristes et réalisateurs d’Hollywood. Il s’agissait de John Milius (coscénariste d’Apocalypse Now), de Steven de Souza (scénariste de Piège de cristal) et plus surprenant de Randal Kleiser, le réalisateur de Grease. Toujours selon la presse, le but était d’imaginer les scénarios possibles d’une nouvelle attaque terroriste et les manières de la repousser. On connaît le succès de films catastrophe comme Indépendance day, Armageddon ou encore Minority Report dans lequel les rêves permettent de deviner, d’anticiper et de voir les images de crimes avant leur réalisation… lire les pensées de l’adversaire. Rendre la virtualité réelle pour nos cerveaux, c’est une forme d’intoxication qui, à grande échelle, produit un processus d’industrialisation de la peur. Le citoyen se trouve alors dans une « attente de catastrophe ». Il y est mentalement préparé. Rappelons-nous la fameuse série télévisée 24 heures chrono avec l’infatigable Jack Bauer. Il suffit de prendre un peu de distance pour comprendre le processus de conditionnement : un chronomètre, omniprésent à l’écran, rappelle que l’urgence est permanente. Pas le temps de digérer l’émotion, nous sommes absorbés par l’engrenage narratif qui ne laisse aucune place à la distance, à la réflexion. Bien entendu, il ne tient qu’à nous de ne pas être des victimes permanentes. Mais le commerce de l’urgence autorise toutes les méthodes, toutes les suspicions, tous les changements éthiques et, peu à peu, si nous ne sommes pas vigilants, politiques.

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