Faute de preuves, les lignes à haute tension et les vaches peuvent cohabiter

Nouvel épisode dans le feuilleton qui oppose une famille d’agriculteurs corréziens, le Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) Marcouyoux, au réseau de transport d’électricité (RTE-EDF) à propos d’une ligne à haute tension. Selon les éleveurs, les champs électromagnétiques provoqués par cette ligne de 400 000 V perturbent sérieusement la santé des animaux de l’exploitation.

La chambre des expropriations de la cour d’appel de Limoges a infirmé, le 1^er mars 2010, un premier jugement qui condamnait RTE-EDF. Elle a estimé qu’il y avait « certes des indices quant à l’incidence possible des champs électromagnétiques sur l’état des élevages », mais qu’il subsiste des « incertitudes notables » et que « l’existence d’un lien de causalité n’est pas suffisamment caractérisée ».

Le dossier remonte au début des années 90. De nombreux animaux de l’élevage, pourtant reconnu de qualité, tombent malades sans explication. « Des mammites à répétition, des hémorragies, des problèmes de fertilité ou d’avortement spontané, même du cannibalisme chez les porcs sont notés », énumère Serge Marcouyoux qui, s’il maintient aujourd’hui un élevage de vaches laitières qu’il tient aussi éloignées que possible de la ligne électrique, a renoncé à l’élevage porcin.

Un jour, un technicien agricole évoque la possible responsabilité de la ligne à haute tension… Les tentatives de négociations entre le Gaec et RTE-EDF ayant échoué, l’affaire est portée devant le tribunal administratif en juillet 2006. Celui-ci se déclare incompétent et le dossier est repris par le juge des expropriations de Corrèze qui, en octobre 2008, condamne RTE-EDF à verser au Gaec 390 000 €. Un jugement que vient donc d’infirmer la cour d’appel.

Des troubles métaboliques variés assez peu explicables

« C’est troublant, admet d’emblée Jacques Monet, praticien au cabinet de Mauriac (Cantal) qui suit le Gaec depuis 2004. Tous ces troubles métaboliques variés sont assez peu explicables. C’est insidieux, car il n’y a pas de maladie particulière. Et lorsqu’on croit en identifier une, les résultats thérapeutiques sont décevants. » Il a notamment observé des vaches énervées en salle de traite, qui dansent, avec d’importantes émissions de bouse, d’autres qui, pour boire, lapent comme des chiens, qui se tiennent sur trois pattes ou qui tombent et peinent à se relever, etc. Un stress permanent favoriserait-il l’apparition de diverses affections ? « Des bêtes fonctionnent normalement et d’autres se laissent mourir. Peut-être certains animaux sont-ils plus sensibles aux champs électromagnétiques ? », s’interroge le praticien. La question reste entière.

Car le cas du Gaec Marcouyoux n’est pas unique. Le cabinet de Mauriac suit un autre élevage dont l’une des stabulations est située sous une ligne à haute tension et qui connaît des problèmes similaires. Plusieurs autres cas auraient été identifiés dans ce secteur où les barrages sont nombreux, assurant l’une des plus importantes productions hydroélectriques de France. Des cas qui, grâce à des arrangements financiers entre les parties, ne connaissent pas le retentissement de l’affaire du Gaec Marcouyoux.