La prophylaxie des animaux de corrida relève aussi du rite et du spectacle

Quel vétérinaire rural n’est pas rentré d’une séance de prophylaxie en maugréant ?: « Quelle corrida… » ? Plus que d’autres, nos confrères en charge du suivi des manades de la Camargue peuvent employer cette expression.

Les chevaux, fidèles auxiliaires d’élevage

Approcher les taureaux de corrida consiste à pénétrer dans le troupeau avec des chevaux – camargues, bien entendu – pour le scinder en petits groupes de quinze à vingt animaux. Ces derniers sont ensuite poussés, toujours avec les chevaux, le long d’un couloir pour les faire entrer dans une arène, le bohaou, d’un diamètre de vingt mètres environ. Donnant sur cette arène, une porte métallique permet aux bovins d’accéder au toril, box où ils se serreront avant de passer dans le couloir de contention final. Etonnamment, certains groupes y entrent avec facilité. Le toril est semi-couvert, ce qui permet de se déplacer au-dessus avec de grands tridents, ou aujourd’hui des piles électriques, pour aider à la manipulation des animaux. Des portes métalliques sécurisées contrôlent l’accès au couloir de contention qui n’accueille qu’un faible nombre de taureaux.

Se protéger des coups de tête et de pied

Pour réaliser les prélèvements de sang au niveau de la veine sous-caudale, le vétérinaire se protège des coups de pied de l’animal dont il s’occupe grâce aux bas-côtés maçonnés du couloir, mais aussi des coups de cornes du suivant. Et des coups de pied, il en pleut. Aussi, une fois les taureaux dans le couloir de contention, tous les intervenants sautent sur les cordes, amarrées solidement aux montants métalliques du couloir, pour les attraper un par un par les cornes. Cela permet de libérer l’espace entre la queue du taureau à prélever et la tête du taureau suivant, toujours prêt à en découdre avec le bras du vétérinaire.

Les tubes de prélèvement doivent être remplis abondamment, car la recherche de trace d’interféron gamma permettant de détecter un élevage atteint de tuberculose demande de disposer d’une quantité conséquente de sang.

Cinq heures, cinquante prises de sang

Une fois ces manipulations terminées, vaccination contre la fièvre catarrhale ovine comprise, la porte du couloir de contention s’ouvre et les taureaux se précipitent pour s’échapper le plus rapidement possible. Chacun répète alors une règle de précaution élémentaire : se mettre relativement à l’abri pour éviter que l’une des bêtes ne fasse demi-tour et charge celui qui, justement, se trouve là par hasard !

Dans ces conditions, Paolo Casali, le praticien en charge de la prophylaxie, doit faire preuve de toute sa patience pour réaliser un peu plus de cinquante prises de sang en près de cinq heures… A 14 h, la séance est levée. Mais Paolo ne pourra pas profiter du repas organisé à la suite de cette corvée : il doit déposer l’ensemble des prélèvements avant 15 h au laboratoire départemental vétérinaire du Gard. Alors, chers confrères, votre séance de prophylaxie d’hier était-elle vraiment une corrida ?

• L’auteur remercie Paolo Casali et la manade Rousseau, où s’est déroulé ce reportage.