La chimiothérapie adjuvante est indiquée lors de stade 2 - La Semaine Vétérinaire n° 1396 du 12/03/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1396 du 12/03/2010

Bilan d’extension du mastocytome cutané canin

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Didier Lanore*, Delphine Rivière**

Fonctions :
*praticien à Plaisance du Touch (Haute-Garonne).
**laboratoire Scanelis, Colomiers (Haute-Garonne).

La difficulté est d’arriver à déterminer ce stade, tant il est délicat de savoir si un mastocyte observé dans un organe à distance est tumoral ou normal.

En cancérologie clinique, le bilan d’extension fait partie intégrante du travail préthérapeutique. Il permet, via la connaissance de la nature histologique exacte de la tumeur, de déterminer un pronostic précis et de choisir le traitement (en particulier la chimiothérapie systémique). Le mastocytome est la tumeur cutanée la plus fréquente chez le chien (de 16 à 21 % des cas selon les auteurs) et un motif régulier de chimiothérapie adjuvante. De manière théorique, les mastocytes tumoraux envahissent, depuis le site primitif, les nœuds lymphatiques régionaux, puis la rate et le foie, et enfin la moelle osseuse. Le bilan d’extension est alors logiquement composé d’un examen cytologique des nœuds lymphatiques, d’une échographie abdominale avec cytoponctions du foie et de la rate (après un bilan d’hémostase) et d’un myélogramme.

La connaissance de chacun des examens permettra de classer le mastocytome dans un stade clinique précis :

– stade 4 pour les atteintes systémiques (rate, foie et/ou moelle osseuse) ;

– stade 3 pour les tumeurs multicentriques et inopérables ;

– stade 2 pour les métastases au nœud lymphatique loco-régional ;

– stade 1 pour une tumeur unique sans extension métastatique.

Des publications récentes permettent d’affiner la connotation pronostique de ces stades.

Les mastocytomes de stade 4 sont associés à un mauvais pronostic

Les mastocytomes de stade 4 sont relativement rares (surtout ceux avec une infiltration médullaire) et semblent plus fréquemment être de grade III selon la classification de Patnaik (associé à un comportement biologique agressif) et/ou des formes récidivantes. Les publications récentes font état d’un taux de stade 4 avec infiltration médullaire qui varie de 2 % (K. Finora, 2006) à 2,8 % (M.M. Endicott, 2007), jusqu’à 18,75 % pour la même étude lors de récidive. Les durées de survie rapportées dans les dernières études sont courtes pour des mastocytomes de stade 4, ce qui en fait un critère de pronostic défavorable et rend sa détermination essentielle. Les médianes de survie rapportées dans la littérature sont de :

– trente-quatre jours, pour dix chiens avec un grade II ou III et une infiltration de la rate et/ou du foie (D. Stefanello, 2009) ;

– quarante-trois jours, chez quatorze chiens avec une infiltration médullaire (L. Marconato, 2008).

L’observation de mastocytes dans le nœud lymphatique est parfois difficile à interpréter

Le stade 2 pose aujourd’hui un double problème au praticien. Tout d’abord, il y a peu de données significatives publiées sur les survies exactes de ce stade, l’impression empirique de nombreux spécialistes penchant pour un pronostic sombre. L’autre difficulté réside dans l’affirmation du caractère métastatique par le cytologiste à l’examen de l’adénogramme. Un article récent fournit quelques éléments de réponse à ces deux interrogations (E.L. Krick, 2009).

La simple présence de mastocytes dans un nœud lymphatique n’est en aucun cas synonyme de métastase de mastocytome. 25 % des adénogrammes réalisés chez des chiens sains contiennent des mastocytes, selon l’étude de P.F. Bookbinder. Ils peuvent être observés dans des contextes inflammatoires divers, indépendamment d’un mastocytome cutané. Pour interpréter l’adénogramme, l’observation cytologique de la tumeur primitive est un atout important, afin de comparer l’aspect des mastocytes de la masse avec ceux du nœud lymphatique. En effet, elle permet dans un premier temps de savoir si les cellules tumorales ont un caractère bien ou peu différencié. Le bilan d’extension est paradoxalement difficile lorsque les mastocytes présentent un aspect normal, car la distinction entre un mastocyte tumoral et un mastocyte résidant est impossible par la simple observation morphologique. En revanche, la présence de mastocytes peu différenciés ou atypiques dans un adénogramme est plus compatible avec une métastase de la tumeur, mais sans certitude.

Les auteurs de l’étude proposent une classification d’après la cytologie ganglionnaire en cinq catégories, du nœud lymphatique normal à la métastase certaine (voir tableau). Une métastase est certaine en présence des critères suivants : sur au moins une lame, remplacement du tissu lymphoïde par des mastocytes (envahissement complet) et/ou présence de mastocytes atypiques en paquets et/ou plus de cinq agrégats de plus de trois mastocytes, bien différenciés ou non. Tous les cas avec une atteinte inférieure à ces critères sont considérés comme non métastatiques et donc classés en stade 1.

Cette classification appelle deux critiques. La première concerne l’absence de confirmation histologique de la métastase au niveau ganglionnaire et uniquement une autoconfirmation des critères fondée sur le mauvais pronostic des cas de stade 2. Ainsi, la cinquième catégorie, qui correspond à la métastase certaine, n’est pas confirmée par une analyse histologique. Ce qui fait dire aux auteurs qu’ils ont raison quant au choix de leurs critères, c’est le pronostic de ces cas qui confirme selon eux qu’ils s’agissait bien d’une métastase. Tous les cas intermédiaires auraient pu correspondre à de vraies métastases. La seconde limite est l’impossibilité de classer, selon ces critères, le cas fréquent en pratique de la présence de nombreux mastocytes bien différenciés, mais isolés sur de nombreux champs et lames lors de l’adénogramme. Il ne sera alors classable qu’en hyperplasie lymphoïde (voir photo 2).

La survie médiane associée au stade 2 est de neuf mois et demi

L’étude a concerné cent cinquante-deux chiens atteints d’un mastocytome cutané. Les critères d’inclusion étaient une cytologie ganglionnaire interprétable, un suivi à long terme du cas et l’absence de métastase systémique. 40,7 % des chiens étaient des boxers ou des retrievers (labrador et golden). 86 % étaient porteurs d’un seul mastocytome. Parmi les formes multicentriques, 73 % étaient de grade II, ce qui correspond à notre expérience personnelle. Nous rencontrons le plus souvent, dans les formes multicentriques, des grades II (souvent à indice de prolifération bas) difficiles à gérer sur le plan thérapeutique. La survie médiane de la population entière a été de 5,2 ans. Le stade 2 (36,2 % des cas) obtient une survie médiane statistiquement plus courte (p < 0,0001) que le stade 1 (environ 9,5 mois) versus 6,2 années. Il s’agit d’un facteur pronostique important, indépendant du grade histologique (analyse multivariée). Ce stade 2 est observé plus souvent chez des animaux âgés (p= 0,019), sur des tumeurs volumineuses (p= 0,017) et lors de grade histologique III (p= 0,004). Le taux de cas qui ont reçu de la chimiothérapie diffère beaucoup selon le stade : 48,4 % pour le 1 versus 83,6 % pour le 2, ce qui peut perturber l’interprétations des résultats en termes de pronostic, mais aussi de mise en place de cette modalité thérapeutique.

Ainsi, le mastocytome cutané canin est une tumeur fréquente pour laquelle de nombreuses publications paraissent chaque année et permettent d’affiner la démarche du clinicien. L’étude de E.L. Krick, qui tente de répondre à la problématique de la métastase de mastocytome en cytologie, apporte quelques éléments. Elle corrobore le mauvais pronostic ressenti empiriquement lors de stade 2, précise une survie médiane inférieure à un an (même avec une chimiothérapie adjuvante dans presque 90 % des cas). Le point clé à retenir est la recherche systématique de cette métastase ganglionnaire par cytoponction des nœuds lymphatiques de drainage et l’interprétation de l’adénogramme par un cytologiste expérimenté. La confirmation du stade 2 reste, à notre avis, un critère fort d’indication de la chimiothérapie adjuvante à la chirurgie.

Une autre étude, comparant la survie lors de stade 2 défini selon ces critères, avec ou sans chimiothérapie, reste nécessaire pour évaluer l’intérêt réel de cette modalité thérapeutique.

BIBLIOGRAPHIE

  • • P.F. Bookbinder, M.T. Butt, H.J. Harvey : « Determination of the number of mast cells in lymph node, bone marrow, and buffy coat cytologic specimens from dogs », J. Am. Vet. Med. Assoc., 1992, n° 200, pp. 1 648-1 650.
  • • K. Finora et coll. : « Cytological comparison of fine needle aspirates of liver and spleen of normal dogs and of dogs with cutaneous mast cell tumours and an ultrasonographically normal appearing liver and spleen », Veterinary and Comparative Oncology, 2006, n° 4, pp. 178-183.
  • • M.M. Endicott et coll. : « Clinicopathological findings and results of bone marrow aspiration in dogs with cutaneous mast cell tumours : 157 cases (1999-2002) », Veterinary and Comparative Oncology, 2007, n° 5, pp. 31-37.
  • • L. Marconato, G. Bettini, C. Giacoboni et coll. : « Clinicopathological features and outcome for dogs with mast cell tumors and bone marrow involvement », J. Vet. Intern. Med., 2008, n° 22, pp. 1 001-1 007.
  • • E.L. Krick, A.P. Billings, F.S. Shofer, S. Watanabe et K.U. Sorenmo : « Cytological lymph node evaluation in dogs with mast cell tumours : association with grade and survival », Veterinary and Comparative Oncology, 2009, vol. 7, n° 2, pp. 130-138.
  • • D. Stefanello et coll. : « Ultrasound-guided cytology of spleen and liver : a prognostic tool in canine cutaneous mast cell tumor », J. Vet. Intern. Med., 2009, vol. 23, n° 5, pp. 1 051-1 057.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

Jean-Guillaume Grand : « Le masitinib : nouvelle approche dans le traitement du mastocytome », PV n° 303, mars 2010.

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