Jugement autour de cas de dysplasie chez deux chiennes fila brasileiro - La Semaine Vétérinaire n° 1396 du 12/03/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1396 du 12/03/2010

Défaut de conformité

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.

La juridiction de proximité de La Châtre s’est prononcée le 3 décembre 2009. L’occasion de revenir sur les notions de dol, de consommateur et de défaut de conformité.

LES FAITS DE L’ESPÈCE

Mme A a acheté deux chiennes de race fila brasileiro auprès M. et Mme V : l’une, Diablicia, le 18 juin 2008 moyennant 1 200 € payés comptant, l’autre, Dolorès, le 9 octobre 2008 au prix de 1 200 € payable en trois échéances de 400 €. Le prix de la seconde chienne n’a jamais été acquitté par Mme A.

Postérieurement à la vente, les deux chiennes se sont révélées dysplasiques, ce qui a entraîné l’euthanasie de Diablicia. Or, selon Mme A, les deux chiennes sont issues d’une même portée dont la mère, Akeisha, présentait des problèmes de boiterie, de leucocytose et d’anémie avant même de devenir la propriété des défendeurs. D’après elle, M. et Mme V avaient été prévenus par la propriétaire initiale de la chienne, Mme E, qu’il ne fallait pas la faire reproduire. Cette information lui a été cachée, alors qu’elle était déterminante.

LES DEMANDES DE L’ACHETEUR

Voulant obtenir une indemnisation, mais sans parvenir à un arrangement amiable avec M. et Mme V, Mme A a saisi seule la justice, le 3 décembre 2008, et formé alors les demandes suivantes :

– annulation de la vente de la première chienne en raison de l’existence d’une dysplasie coxo-fémorale ;

– autorisation de conserver la seconde chienne en contrepartie de la perte de la première, euthanasiée ;

– condamnation des vendeurs au paiement de la somme de 500 € en réparation de son préjudice moral et financier, ainsi qu’au remboursement des frais du vétérinaire.

En cours de procédure, Mme A a pris la décision de faire appel à un avocat, tout en souhaitant plaider elle-même son dossier. Modifiant ses demandes, elle conclut :

1. A titre principal, sur le fondement des articles 1 116 et suivants et 1 147 et suivants du Code civil à :

– la nullité de la vente du 9 octobre 2008 concernant la chienne Dolorès pour dol et manquement à l’obligation d’information par le vendeur professionnel ;

– la condamnation de M. et Mme V au paiement d’une somme de 1 442,49 € à titre de dommages et intérêts concernant la chienne Diablicia achetée le 18 juin 2008 pour les mêmes motifs.

2. A titre subsidiaire, sur le fondement des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation à :

– la résolution de la vente de la chienne Dolorès en raison de sa non-conformité à sa destination de chien de compagnie ;

– la condamnation, pour les mêmes motifs, de M. et Mme V au paiement de la somme de 600 € en remboursement du prix de vente de la chienne Diablicia, de la somme de 342,49 € en remboursement des frais vétérinaires engagés, de la somme de 500 € en réparation du préjudice moral subi du fait de l’euthanasie.

Pour la chienne euthanasiée, le défendeur ne pouvait plus demander le remboursement intégral du prix de vente, ce qui explique la demande de remboursement à hauteur de 600 € seulement.

PARTICULARITÉS DE LA DEMANDE

Mme A fait appel à un avocat tout en souhaitant plaider elle-même. Les deux possibilités sont tout à fait conciliables lorsque la juridiction saisie n’est pas soumise, selon le Code de procédure civile, à l’obligation de représentation. Ainsi, devant la juridiction de proximité et le tribunal d’instance, des juridictions qui traitent la plupart des litiges relatifs aux animaux domestiques, les parties ont le choix de plaider elles-mêmes leur cause le jour de l’audience de plaidoirie ou de se faire représenter. Dans le premier cas, rien ne leur interdit d’être aidées pour le montage de leur dossier et le choix de l’argumentation à adopter par un avocat. La partie est alors dite assistée et non représentée. En l’espèce, c’est bien le cas pour Mme A. Le jugement fait donc figurer en première page : « Madame A assistée de maître X. »

Par ailleurs, Mme A a changé le fondement juridique de son dossier entre la saisine de la juridiction de proximité et l’audience de plaidoirie. Une telle démarche est possible lorsque la procédure qui doit être suivie devant la juridiction saisie, comme en l’espèce, est orale. L’argumentation des parties peut alors être modifiée jusqu’à l’audience de plaidoirie.

Elle a en outre utilisé le principal et le subsidiaire. En effet, une partie peut vouloir présenter plusieurs “thèses” juridiques au magistrat. Elle organise alors son argumentation en indiquant au tribunal son ordre de priorité par les formules suivantes : à titre principal, à titre subsidiaire, à titre infiniment subsidiaire. Le juge saisi se doit alors de commencer par étudier le dossier sous l’angle de l’argumentation principale. Il ne l’étudiera sous l’angle du subsidiaire que s’il rejette les demandes faites à titre principal.

ARGUMENTATION DES DÉFENDEURS

M. et Mme V estiment que l’action de Mme A est irrecevable, faute de demande de désignation d’expert. Ils avancent le fait que si la dysplasie constitue bien un vice rédhibitoire susceptible d’entraîner la résiliation de la vente, le diagnostic de cette maladie ne peut être établi avec certitude, s’agissant d’un fila brasileiro, qu’après un délai d’un an. En outre, l’article L. 213-3 du Code rural impose à l’acheteur, sous peine d’irrecevabilité, de provoquer la nomination d’un expert chargé de dresser un procès-verbal, par une requête auprès du juge d’instance.

Ils estiment par ailleurs que Mme A doit être considérée comme une professionnelle, car elle est titulaire d’un affixe, ce qui exclut l’application du Code de la consommation.

En l’espèce, les défendeurs ne répondent donc pas à l’argumentation tirée du défaut d’information.

DÉCISIONS DU JUGE

A l’appui de leur argumentation, les défendeurs, par le biais de leur avocat, ont communiqué leurs dernières pièces à Mme A par courriel, la veille au soir de l’audience. Déjà en route pour se rendre au tribunal, cette dernière ne les a pas reçues dans les temps et a demandé leur rejet. Sur cette demande, le juge décide, en vertu des articles 15 et 135 du Code de procédure civile : « Attendu que l’appréciation du caractère tardif de la communication des pièces relève des constatations souveraines du juge du fond ;

– attendu qu’en l’espèce, il est établi que les pièces 14 à 20 de M. et Mme V ont été communiquées par mail à Mme A la veille de l’audience à 17 h ;

– attendu que se présentant en personne et habitant à près de 500 km du siège de cette juridiction, Mme A n’a pu prendre connaissance en temps utile de ces pièces ;

– attendu qu’il y a lieu, en conséquence, d’écarter les pièces 14 à 20 produites par M. et Mme V. »

En ce qui concerne la demande principale de Mme A, il faut rappeler que le dol doit être prouvé et qu’il s’apprécie au jour de la vente. Par ailleurs, les tribunaux ont tendance à être sévères dans l’appréciation de cette preuve, comme le présent jugement le démontre une fois de plus : « Il ne résulte nullement de l’acte de donation du 14 décembre 2006 de cette chienne dénommée Akeisha à M. et Mme V qu’elle était porteuse de la maladie, puisqu’il mentionne seulement “ce contrat inclut la stérilisation de la chienne si dysplasie”, restant ainsi dans le conditionnel ;

– attendu que l’attestation du docteur Van n’établit pas non plus la connaissance de cette maladie, puisque ce vétérinaire indique seulement avoir conseillé à la propriétaire de l’époque, Mme E, et non à M. et Mme V, de ne pas faire reproduire cette chienne, et surtout ne pas avoir pratiqué de radiographie du bassin, seul critère objectif permettant d’établir avec certitude la dysplasie ;

– attendu que la preuve de la connaissance par M. et Mme V de la possibilité pour la chienne dénommée Akeisha d’être porteuse de cette maladie, qui n’a pas été par ailleurs diagnostiquée définitivement, n’est donc pas rapportée ;

– attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter la demande en nullité de la vente de la chienne dénommée Dolorès et en paiement de dommages et intérêts pour la chienne dénommée Diablicia, fondée sur l’existence d’une réticence dolosive. »

Sur la demande subsidiaire de Mme A, le juge a eu à se prononcer sur sa qualité de consommatrice, alors qu’elle possédait déjà un affixe. Force est d’apprécier la rigueur du raisonnement : « Un affixe peut être attribué à toute personne qui en fait la demande auprès de la Société centrale canine, sans que ne soit exigée la qualité de professionnel, en application du règlement de la FCI relatif aux affixes en date du 19 août 1981 ;

– attendu qu’en l’espèce, il n’est pas rapporté la preuve qu’au moment des ventes litigieuses en date des 18 juin 2008 et 9 octobre 2008, MmeA avait vendu au moins deux portées dans l’année ;

– attendu que le fait qu’elle ait obtenu un affixe ne suffit pas à établir sa qualité de professionnel ;

– attendu qu’il convient donc de considérer MmeA comme une consommatrice au moment des ventes des 18 juin 2008 et 9 octobre 2008. »

Au final, et sans surprise, la dysplasie a été reconnue comme un défaut de conformité et le juge a condamné M. et Mme V à payer à Mme A la somme de 600 € correspondant à la réduction du prix de la vente de Diablicia, la somme de 342,49 € au titre des frais vétérinaires liés au défaut de conformité, la somme de 250 € en réparation du préjudice subi. Il a prononcé la résolution de la vente portant sur Dolorès et a ordonné à Mme A de restituer la chienne à M. et Mme V.

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