Quelles mesures mettez-vous en place par rapport à l’antibiorésistance ? - La Semaine Vétérinaire n° 1394 du 26/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1394 du 26/02/2010

Entre nous

FORUM

La naturopathie peut être une alternative

Mélanie Dubois, praticienne à Paris.

Dans ma pratique canine, je peux passer plusieurs jours sans prescrire d’antibiotiques. Pour une pyodermite superficielle, par exemple, je privilégie les soins locaux à base de shampoings et l’homéopathie pour une action de drainage cutané et de nettoyage hépatique. Si je n’obtiens pas d’amélioration, je mets alors en place un traitement antibiotique. Chez des chats atteints de coryza, je préfère administrer les antibiotiques par inhalation plutôt que par voie orale, car les doses utilisées sont plus restreintes et la diffusion se fait directement au niveau respiratoire. Je fais toujours remarquer aux propriétaires qu’il est important de respecter la prescription.

Je ne suis pas favorable aux antibiotiques injectables à effet retard : le risque est de tomber dans la facilité en les utilisant pour tout et n’importe quoi et, au final, de ne pas vraiment contrôler le traitement. Pour préserver l’efficacité des antibiotiques, il faut agir sur la prévention des maladies. Il est essentiel que les animaux bénéficient d’une bonne hygiène de vie, ce qui suppose, entre autres, une alimentation équilibrée, un abreuvement correct, des promenades fréquentes, des bains réguliers. Je recommande aussi des soins naturels comme la phytothérapie et l’homéopathie qui aident l’organisme à se défendre et à retrouver un équilibre. Soulever les problèmes liés à l’antibiorésistance permet de prendre conscience de la nécessité d’avoir un usage réfléchi et raisonné de ces médicaments.

Prévenir l’apparition des maladies pour limiter les antibiotiques

Emmanuel Maertens, praticien au Teilleul (Manche).

Garantir une bonne observance est une mesure importante pour lutter contre l’antibiorésistance. Je demande aux clients de bien respecter les protocoles antibiotiques prescrits, notamment en termes de dose, de fréquence et de durée. Je rencontre parfois des échecs thérapeutiques liés à des sous-dosages ou à l’arrêt prématuré des traitements. Ce problème de la durée du traitement ne se pose pas avec les antibiotiques sous forme d’injection unique. Leur emploi est d’ailleurs intéressant en métaphylaxie : c’est pratique de n’avoir à effectuer qu’une seule injection dans les élevages de grande taille. Je réalise aussi des antibiogrammes sur les bactéries de mammites (à la clinique) et sur celles des entérites néonatales (au laboratoire départemental), afin de cibler le bon antibiotique. La prévention des maladies, notamment par la vaccination, me semble être une mesure à renforcer pour limiter l’usage des antibiotiques. Dans ma clientèle, la vaccination contre les affections pulmonaires est en progression depuis quelques années. Auparavant, les problèmes respiratoires évoluaient de manière cyclique, car les éleveurs ne vaccinaient pas leurs animaux régulièrement. L’année où ils étaient vaccinés, l’incidence des affections pulmonaires baissait. Sans vaccination l’année suivante, les cas apparaissaient de nouveau. Il est possible qu’à terme, les molécules qui font l’objet de résistances bactériennes en médecine humaine soient réservées aux vétérinaires. J’espère que nous réussirons à les sauvegarder au maximum, car ne plus disposer d’antibiotiques serait une grande perte pour notre arsenal thérapeutique.

Des conditions d’élevage en accord avec la physiologie des animaux

Astrid Teil-Reyss-Brion, praticienne à Laragne Monteglin (Hautes-Alpes).

Avoir conscience de l’antibiorésistance quand nous prescrivons des antibiotiques est primordial. Il faut savoir les utiliser à bon escient, respecter leurs indications et les réserver aux cas qui le justifient. En canine, j’en prescris peu et, quand j’y ai recours, j’emploie en première intention des antibiotiques à usage courant, comme les dérivés de la pénicilline, et pas ceux de dernière génération. J’insiste également sur l’observance des traitements. En rurale, nous en avons fini avec les éleveurs qui réclamaient la “piqûre” d’antibiotique pour soigner leurs animaux, quelle que soit la maladie. Les visites d’élevage, dans le cadre des plans prescription-délivrance, nous permettent d’expliquer les bonnes pratiques et de minimiser l’automédication par l’éleveur. Globalement, les animaux de notre clientèle rurale reçoivent peu de traitements antibiotiques, car ils sont élevés en système extensif. Or, je suis persuadée que l’élevage extensif crée un contexte sanitaire favorable, contrairement à l’élevage industriel. Supplémenter avec des antibiotiques des porcs qui vivent confinés en espace restreint, pour qu’ils grossissent plus vite, est une aberration. A partir du moment où les animaux sont élevés dans des conditions non stressantes, non déséquilibrées et sans souffrance, les affections se font rares et les antibiotiques aussi. Favoriser des conditions d’élevage en adéquation avec la physiologie des animaux, via l’environnement, l’alimentation et le bien-être animal, c’est prévenir les maladies et produire des denrées de haute qualité pour la santé humaine. C’est aussi préserver le potentiel d’action des antibiotiques pour en disposer efficacement lors de besoin avéré.

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