L’analyse d’urine chez le chien et le chat en six points - La Semaine Vétérinaire n° 1394 du 26/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1394 du 26/02/2010

Urologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Alexandre Balzer

Fonctions : CEAV de médecine interne, praticien à Bellerive-sur-Allier (Allier)

Ce test, simple à réaliser en routine, répond toutefois à une méthode d’analyse rigoureuse, du prélèvement à l’interprétation des résultats.

L’analyse d’urine est un examen fondamental, accessible à tous. Cet examen complémentaire de première intention est un acte rapide, d’un faible coût, qui nécessite peu de matériel et apporte de nombreux renseignements pour confirmer ou infirmer des hypothèses diagnostiques. Il peut d’ailleurs être intégré de manière quasi systématique à l’examen clinique.

1 PRÉLÈVEMENT DES URINES

Les urines sont à prélever principalement par cystocentèse ou par cathétérisme urétral. Pour cette dernière technique, la méthodologie de prélèvement doit être stricte et suivie (sonde stérile, nettoyage des voies urinaires, etc.). L’urine est un bon milieu de culture. A température ambiante, le nombre de bactéries double toutes les trente minutes. A l’inverse, certaines bactéries peuvent disparaître après une heure de conditionnement. Ainsi, il est recommandé de réaliser les analyses le plus rapidement possible. La réfrigération permet toutefois de stabiliser la flore, sans multiplication significative pendant six heures. Cependant, les germes les plus fragiles peuvent être tués dans ce laps de temps. Différer les examens de routine des urines peut donc entraîner des modifications non négligeables dans les résultats telles qu’une augmentation du pH, l’apparition de cristaux, la destruction des cellules, etc.

2 EXAMEN PHYSIQUE DES URINES

La couleur

Les urines sont normalement transparentes, de couleur jaune clair, jaune ou ambrée. L’intensité du jaune dépend du degré de concentration et de dilution des urines. La couleur jaune est due à un pigment, l’urochrome, dont l’excrétion est constante durant la journée. La variation de la couleur des urines provient essentiellement de sa concentration, passant ainsi d’un jaune très clair (forte dilution) à une teinte ambrée (forte concentration). La coloration urinaire peut varier par le seul fait de la dégradation ou de l’augmentation de ce composé. Exposé à la lumière, l’urochrome s’oxyde et passe à une teinte beaucoup plus sombre. De même, lors de fièvre ou d’anorexie prolongée, l’excrétion d’urochrome peut augmenter.

D’autres couleurs peuvent être observées. Lors de coloration anormale, il convient de demander au propriétaire la nature de l’aliment distribué à l’animal, la prise éventuelle de médicaments, etc. La couleur liée à l’hématurie va du rouge vif au noir, selon la quantité de sang présent, le pH urinaire et le temps passé dans la vessie. La couleur marron est essentiellement due à la rupture des hématies dans la vessie (qui libère l’hémoglobine, laquelle est ensuite oxydée en méthémoglobine) ou consécutive à une piroplasmose. La bilirubine ou ses produits de dégradation donnent à l’urine une couleur jaune plus foncée. La biliverdine, de grandes quantités de bilirubine ou une infection par Pseudomonas aeruginosa peuvent aussi rendre les urines verdâtres. En outre, des affections suppurées génèrent parfois une couleur laiteuse, en particulier lors de pyurie.

La turbidité

Des urines normales et fraîches sont limpides. Dans certains cas cependant, elles sont troubles. Cette turbidité peut alors être classée en limpide(-), légèrement trouble (+), modérément trouble (++) ou extrêmement trouble (+++). La turbidité des urines n’est pas forcément synonyme de pathologie. En particulier chez le chat, elles sont parfois naturellement troubles en raison de la lipidurie physiologique chez cette espèce.

La centrifugation des urines permet de mettre en évidence cette lipidurie par l’apparition d’un surnageant nuageux. D’autres éléments normaux peuvent provoquer une turbidité excessive, comme des cristaux, des cellules (globules rouges ou blancs, cellules épithéliales, spermatozoïdes, etc.), des micro-organismes (bactéries, hyphes, etc.) ou des gouttelettes lipidiques.

La méthode de prélèvement revêt alors toute son importance. Des différences importantes sont observées entre des urines prélevées par miction, par sondage ou par cystocentèse. Seul l’examen microscopique direct du sédiment urinaire permet l’explication de la turbidité et l’approche diagnostique d’une affection.

L’odeur

L’odeur n’est pas caractéristique d’une affection ou de la bonne santé. Certaines infections du tractus urinaire peuvent toutefois engendrer une odeur plus désagréable, du type ammoniacale. Cependant, tout stockage est susceptible de modifier les caractéristiques des urines, ainsi que la physiologie de l’animal considéré : un chat entier émet une odeur plus forte que son congénère castré. Les odeurs n’étant pas repérées par tous les cliniciens de la même manière, il est difficile d’en tirer des enseignements.

3 DENSITÉ URINAIRE

La densité urinaire traduit la capacité du rein à concentrer les urines. Sa mesure est fondamentale et doit être systématique lors d’analyse d’urine. La densité urinaire est le rapport de la masse d’un volume d’urine sur la masse du même volume d’eau. Cette mesure n’a donc pas d’unité. En raison des substances dissoutes dans l’urine, celle-ci est plus dense que l’eau, d’où une densité légèrement supérieure à 1,000.

Les bandelettes urinaires ne sont pas assez précises pour fournir une mesure exacte. La densité urinaire se mesure donc exclusivement à l’aide d’un réfractomètre. Les valeurs usuelles, comprises entre 1,020 et 1,040 chez le chien, sont plus élevées chez le chat : de 1,035 à 1,060. Ces normes sont à corréler avec les apports hydriques. En effet, si les apports en eau sont importants, les urines émises seront abondantes et diluées, d’où une densité faible. A l’inverse, un animal déshydraté présentera une densité physiologique élevée. Cependant, chez le chiot et le chaton, la densité urinaire est physiologiquement basse, en raison de la faible capacité du rein à concentrer les urines. En outre, certains médicaments peuvent fausser la densité urinaire (cortisone, diurétique, etc.).

Densité urinaire normale

Lorsque la densité est comprise entre 1,025 et 1,035 chez le chien correctement hydraté (entre 1,040 et 1,055 chez le chat), le rein est estimé fonctionnel. Dès lors, une urémie ou une créatininémie augmentée doit paraître suspecte. De même, une anamnèse de polydypsie chez un animal avec une densité urinaire normale est sujette à caution, en dehors d’un diabète sucré ou d’une forte déshydratation.

Densité urinaire élevée

L’élévation de la densité urinaire traduit toujours une baisse du débit de perfusion rénale. Généralement, celle-ci est due à une hypovolémie. Elle peut provenir d’un état de déshydratation, mais être aussi une hypovolémie relative, due à une insuffisance cardiaque, une hémorragie, etc. Ce défaut de perfusion rénale se traduit alors par une augmentation modérée de l’urémie. Bien entendu, la créatininémie reste normale. Cela caractérise une insuffisance rénale prérénale. En outre, lors d’une suspicion d’insuffisance rénale chronique en phase d’état, une densité urinaire élevée est évidemment exclue.

Densité urinaire basse

Les hypothèses sont plus nombreuses. Chez un chien sain, une densité faible peut être observée lors d’hyperhydratation. C’est le cas avec une perfusion trop rapide pendant une intervention chirurgicale de convenance, par exemple. Le mieux est alors de renouveler, quelques heures plus tard, la mesure de la densité.

Chez le chien malade, une densité inférieure à 1,010 traduit souvent un trouble de la concentration des urines. Une densité basse est donc presque toujours associée à une polyurie. La mesure de la densité est ainsi un bon moyen pour objectiver la polyuro-polydipsie.

La densité urinaire permet aussi la détection précoce de l’insuffisance rénale chronique chez le chien, puisque la capacité à concentrer les urines est altérée dès que 66 % des néphrons sont détruits. A ce stade, l’urémie et la créatininémie ne sont pas encore modifiées. Elles n’augmentent que lorsque 75 % au moins de la masse rénale est lésée.

Lors de diabète sucré, l’hyperglycémie entraîne l’excrétion urinaire du glucose qui, par un effet osmotique, attire l’eau hors de l’organisme, provoquant une polyurie, laquelle déclenche une polydipsie compensatrice. La densité urinaire est donc logiquement abaissée.

Lors de pyomètre, une baisse de la sensibilité du rein à l’hormone antidiurétique est notée. Dès lors, la polyurie entraîne une polydipsie compensatrice, mais sans lésion rénale au départ. La densité est alors plus basse que la normale, sans obligatoirement générer de lésions rénales associées.

Les diabètes insipides se caractérisent par une augmentation importante de la consommation en eau. Dès lors, la densité baisse et est fréquemment inférieure à 1,0005.

4 BANDELETTE URINAIRE

La bandelette urinaire est facile à utiliser et peut fournir rapidement de précieux renseignements. Cependant, elle n’est intéressante que pour certaines plages de détection : glucose, nitrite, pH, sang et leucocytes. La lecture doit être réalisée dans le délai prévu par le fabricant (généralement de trente secondes à deux minutes), sous peine de faux positifs.

Le glucose

Une glycosurie s’interprète selon la glycémie. En effet, en présence d’une glycémie normale, une glycosurie indique un défaut de réabsorption tubulaire, généralement lié à une lésion tubulo-interstitielle telle qu’une pyélonéphrite, une néphrite interstitielle, une néphrose tubulaire, une tubulite, etc. En présence d’une glycémie élevée, la glycosurie signe essentiellement un diabète, éventuellement une maladie de Cushing (5 à 10 % des sujets atteints présentent une hyperglycémie). La densité urinaire est alors un bon moyen de discrimination : elle est en général inférieure à 1,015 lors de maladie de Cushing, supérieure en cas de diabète.

Chez le chat, à la suite d’un stress important, il est possible de trouver une glycosurie transitoire. L’idéal est alors de renouveler le prélèvement urinaire.

Les nitrites

Les nitrites ne sont pas naturellement présents dans les urines. Leur présence signe une infection du tractus urinaire. En effet, ils proviennent de la réduction des nitrates par certaines bactéries. Cependant, la détection de la bactériurie par la présence de nitrite présente une faible sensibilité et une forte spécificité. Ainsi, si des nitrites sont détectés, l’infection est quasi certaine, mais en leur absence, une infection ne peut être exclue. Les faux positifs sont, quant à eux, essentiellement observés lors de mauvaise conservation des bandelettes réactives (hydratation de la plage réactive).

Le pH

Le pH urinaire ne donne aucune indication sur le pH sérique de l’animal. Toutefois, dans certains cas (détermination de la nature d’une lithiase avant son analyse, détermination d’espèces bactériennes lors d’infection du tractus urinaire), sa mesure peut se révéler intéressante. Cependant, il convient de veiller à bien renouveler les prélèvements, car la plage de pH peut varier considérablement au cours de la journée, selon la nature et la proximité des repas ou le stress chez le chat.

Le pH permet d’aboutir à une forte suspicion des germes en cause, lors d’infection du tractus urinaire : en présence d’urine acide, un coque est un entérocoque, un bacille est un colibacille ; en présence d’urine basique, un coque est un staphylocoque, un bacille est un proteus.

Le sang

Cette plage réactive est assez intéressante, car elle permet normalement, sur des urines fraîches et non centrifugées, de distinguer une hématurie d’une hémoglobinurie. Lors d’hématurie (présence de globules rouges dans le culot), une coloration tachetée apparaît, alors qu’en cas d’hémoglobinurie (ou myoglobinurie), la coloration est uniforme.

Les leucocytes

Chez le chien, le changement de coloration de cette plage réactive signe un nombre trop élevé de cellules. En effet, une leucocyturie physiologique ne provoque pas de variation de coloration. Ce test est peu sensible, mais spécifique. Il met en évidence une inflammation importante du tractus urinaire.

Chez le chat, ce test est ininterprétable, car il n’est absolument pas spécifique.

La protéinurie

La bandelette urinaire est peu précise pour ce paramètre. La coloration de la plage réactive est surtout sensible à l’albumine et compte de nombreux faux positifs ou négatifs. En outre, la protéinurie doit alors être déterminée sur le surnageant d’urine centrifugée, car les leucocytes, les érythrocytes, les cellules épithéliales et les cylindres peuvent entraîner une fausse élévation des protéines.

5 DÉTECTION DES PROTÉINURIES PAR RÉACTION ACIDE

Les principales méthodes utilisent la précipitation par l’acide nitrique pur, l’acide acétique (et la chaleur) ou l’acide sulfosalicylique. Le mélange urine/acide réagit et, lors de protéinurie, un halo floconneux, plus ou moins épais, apparaît à l’interface. La réaction donne donc un précipité ou une turbidité qui peut s’évaluer de manière semi-quantitative (de 0 à ++++).

6 DOSAGES

Rapport protéines/créatinine urinaires

Ce rapport est un bon index de l’estimation de la perte de protéine sur vingt-quatre heures. Il est normalement inférieur à 0,5 pour des sujets en bonne santé, proche de 3 pour des sujets atteints de néphrite interstitielle, supérieur à 5 lors de glomérulonéphrite et supérieur à 22 lors d’amyloïdose. Ce rapport est relativement spécifique, si le dosage est réalisé sur le surnageant après une centrifugation.

Electrophorèse des protéines

D’interprétation plus compliquée, l’électrophorèse des protéines permet de typer la protéinurie après la concentration des urines. L’albumine est le paramètre le plus utilisé pour le dépistage d’une néphropathie glomérulaire débutante ou cicatricielle. Les électrophorèses de haute résolution autorisent un typage plus précis des protéines urinaires.

L’analyse d’urine est un test simple à réaliser en routine. Mais simplicité ne veut pas dire anarchie. La méthode d’analyse doit être rigoureuse, du prélèvement à l’interprétation des résultats. Il faut donc connaître les limites de chaque analyse pour n’en garder que les renseignements fiables qui donneront des conclusions certaines. Dès lors, bien conduites, les analyses d’urine permettent de progresser dans l’établissement du diagnostic, voire du pronostic, en caractérisant certaines affections rénales.

CONFÉRENCIER

Alexandre Balzer, CEAV de médecine interne, praticien à Bellerive-sur-Allier (Allier).

Article tiré de la conférence « L’analyse d’urine en pratique », présentée au congrès de Vichy 2009.

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