L’entropion du canthus nasal est sous-diagnostiqué - La Semaine Vétérinaire n° 1393 du 19/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1393 du 19/02/2010

Ophtalmologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Philippe Pilorge

Fonctions : Praticien à Rennes (Ille-et-Vilaine), secrétaire de la Société française d’étude et de recherche en ophtalmologie vétérinaire (Sferov)

Sa méconnaissance conduit à banaliser les épiphoras. Pourtant, une fois l’anomalie traitée, un changement de comportement est observé chez le chat.

L’observationd’unépiphora est fréquente chez les carnivores brachycéphales. L’habitude s’est donc installée de le considérer comme physiologique. Il est vrai que dans ces races, a fortiori chez les hypertypes, les canaux lacrymaux sont souvent non fonctionnels. Mais ce fatalisme, partagé par les propriétaires et les éleveurs, conduit fréquemment à négliger l’observation d’un autre défaut, l’entropion du canthus nasal, qui peut être la source de lésions secondaires comme une kératite chronique ou des ulcères, mais aussi à l’origine d’un inconfort pour l’animal.

Il se rencontre généralement chez les chiens ou les chats brachycéphales, mais pas uniquement. Une correction chirurgicale efficace peut être mise en œuvre.

Une anomalie à rechercher chez tous les chats, lors de la consultation vaccinale

Chez le chat, bien que la prédisposition concerne surtout le persan (voir photo 1) et le shorthair, il est raisonnable de rechercher la malformation chez tous les individus, quels que soient leur type et leur âge. La visite annuelle vaccinale constitue un moment privilégié. La présence de l’entropion ne s’accompagne pas systématiquement d’un épiphora important (voir photos 2 et 3). Le plus souvent, l’entropion se situe uniquement dans l’angle de la paupière inférieure.

La correction chirurgicale consiste à effectuer une éversion définitive de cette partie de la paupière. La difficulté réside dans la zone d’intervention, étroite et concave. Pour cette raison, plutôt que de chercher à retirer un morceau de peau et d’orbiculaire de la paupière, comme le décrit la technique classique de Hotz-Celsus (voir bibliographie 1), il est préférable de ne retirer qu’un lambeau superficiel (épidermique) dont la largeur est au moins cinq fois supérieure à la profondeur, afin de permettre une suture éversante. La taille et l’emplacement des nœuds de suture doivent être scrupuleusement choisis pour éviter tout risque de frottement sur la cornée durant le temps de la cicatrisation (voir photos 4 et 5).

Le résultat attendu est, bien entendu, la disparition d’un éventuel épiphora, mais le plus surprenant est l’observation systématique d’un changement de comportement du chat par les propriétaires à la suite de l’intervention. L’animal manifeste ainsi un tonus et une joie de vivre inédits, preuve qu’il subissait un inconfort non négligeable, sans pouvoir l’exprimer (voir photos 6 et 7).

La ténotomie de l’orbiculaire des paupières est décrite chez le chien

Chez le chien, la situation est un peu différente. Les races les plus touchées sont nettement les brachycéphales de type shih-tzu, lhasa apso (voir photo 8), pékinois, ainsi que les caniches. La malformation est constituée de plusieurs composantes : d’une part la présence d’un derme ectopique appelé aberrant dermis ou caruncular trichiasis selon les auteurs, d’autre part un entropion qui concerne l’angle d’une ou des deux paupières. Le phénomène est parfois aggravé par la présence de plis faciaux, dont les poils viennent frotter sur la cornée.

La chirurgie est rendue plus délicate encore, en raison de la nécessité de préserver les canalicules lacrymaux tout en sectionnant le ligament palpébral médial qui s’oppose à toute manœuvre d’éversion (voir photos 9 et 10). L’exérèse de la caroncule n’engendre aucun problème particulier, car elle est vestigiale chez le chien. Le recours à un microscope opératoire permet de satisfaire au mieux ces exigences.

Une technique (Roberts Jensen pocket canthoplasty) décrite en 1979 (voir bibliographie 1) permet, en une seule opération, d’éliminer les malformations du canthus et de raccourcir la fente palpébrale, voire de s’affranchir de l’exérèse des plis faciaux. En revanche, elle nécessite le sacrifice d’un point lacrymal. Une méthode développée à l’université de Séoul en 2006 (voir bibliographie 2) permet de préserver les deux points lacrymaux.

Une autre technique permet une bonne ouverture des points lacrymaux et une suppression du phénomène d’entropion et/ou de trichiasis palpébral (voir photo 11) qui accompagne parfois le trichiasis caronculaire. Elle consiste à effectuer une ténotomie(1) de l’orbiculaire des paupières plus une éversion du canthus par l’exérèse d’un lambeau superficiel épidermique. Dans un premier temps, il est indispensable de vérifier si les canaux lacrymaux sont fonctionnels, avant de repérer les canalicules lacrymaux pendant l’intervention en les cathétérisant avec un monofil (voir photo 12). Le lambeau superficiel épidermique est ensuite enlevé (voir photo 13) puis le ligament palpébral est découvert pour pouvoir être sectionné, libérant ainsi le canthus de son attache profonde à l’os lacrymal (voir photo 10). Si la fente palpébrale est trop longue, son raccourcissement est aisément réalisable par le canthus temporal dont l’anatomie est beaucoup moins complexe que celle du canthus nasal. Si la présence de plis faciaux le nécessite, ils peuvent être retirés.

Malgré leur fréquence et leur observation chez des races répandues, les anomalies du canthus nasal sont largement sous-diagnostiquées. Si leurs conséquences sont parfois discrètes au premier abord, elles constituent néanmoins un facteur de complications bien connues, mais surtout une souffrance ignorée, car non exprimée par l’animal atteint.

  • (1) Les anatomistes considèrent le ligament palpébral comme un tendon du muscle orbiculaire.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – K.N. Gelatt, Veterinary Ophtalmology, 1999, 3e édition.
  • 2 – N.A. Young Yi : « Medial canthoplasty for epiphora in dogs : a retrospective study of 23 cases », JAAHA, 2006, vol. 42.
  • 3 – D.H. Slatter, Textbook of small animal surgery, 2002.
  • 4 – J.D. Carter : « Medial conjonctivoplasty for aberrant dermis of the Lhasa Apso », JAAHA, mai-juin 1973, vol. 9.
  • 5 – A. Van Der Woerdt : « Adnexial surgery in dogs and cats », Vet. Opht., 2004.
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