Le rôle physiologique de la protéine prion se dévoile petit à petit, mais garde ses mystères - La Semaine Vétérinaire n° 1392 du 12/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1392 du 12/02/2010

Maladies à prion

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

La PrP ne semble pas impliquée dans une seule fonction, mais plutôt dans une multitude de fonctions, dont certaines restent à découvrir.

Connaître la fonction de la protéine prion (PrP) est un enjeu majeur pour l’étude des maladies à prion. Malgré les nombreux travaux entrepris pour atteindre cet objectif, son rôle n’est toujours pas clairement établi. Extraite pour la première fois par Stanley Prusiner et son équipe, à partir de la purification de fractions infectieuses de cerveaux de hamsters, cette protéine existe sous deux formes (voir tableau en page 42): la forme normale (PrPC) et la forme infectieuse (PrPSc). Encore aujourd’hui, la PrPSc reste le seul marqueur moléculaire des encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST).

L’invalidation d’un gène codant pour une protéine est une stratégie couramment utilisée pour identifier son rôle. C’est ce qui a été fait dans le cas de la protéine prion, en créant des souris transgéniques Prnp-1-. En l’absence du gène Prnp, les souris restent viables et présentent un développement normal, ce qui suggère que la protéine prion n’est indispensable ni à leur survie, ni à leur développement. Néanmoins, des études réalisées sur des souris Nagasaki PrP knock-out (KO) ont montré que celles-ci souffraient d’un dysfonctionnement cérébelleux dû à une perte des cellules de Purkinje. Par la suite, il est apparu que ce phénotype était lié, non à une perte de fonction de la PrP, mais à une surexpression de la protéine Doppel (protéine analogue à la PrPC, mais dépourvue de la région N-terminale) provenant de la construction génétique de ces souris. Ce sont surtout les études relatives aux molé­cules qui interagissent avec la PrP qui ont permis d’émettre plusieurs hypothèses sur les rôles de cette protéine.

Rôle dans l’homéostasie du cuivre

Bien que la création de souris KO n’ait engendré aucun phénotype particulier, cela a permis la mise en évidence d’un taux plus faible de Cu2+ intracellulaire chez ces animaux, par rapport à leurs congénères sauvages. En effet, il est démontré que la PrPC a la possibilité de lier jusqu’à quatre ions Cu2+ au niveau de la région des octapeptides et d’autres au niveau d’un site localisé autour des histidines 96 et 111. Des concentrations élevées de cuivre semblent aussi favoriser l’endocytose de la PrP, ce qui suggère un possible rôle de la protéine prion dans le transport du cuivre et son métabolisme. Certaines études n’abondent cependant pas dans ce sens.

La protéine prion cellulaire pourrait également permettre de réguler la transmission synaptique en modulant la quantité de cuivre présente dans l’espace synaptique.

En outre, il est suggéré que le cuivre pourrait modifier la conformation de la PrP, influençant ainsi son affinité pour un récepteur ou un partenaire cellulaire.

Rôle dans le stress oxydatif

Des études réalisées en culture cellulaire et in vivo sur des souris sauvages et transgéniques montrent que l’expression de la PrP est corrélée à une augmentation de l’activité superoxyde dismutase (SOD) cuivre-zinc, sans modification du taux d’expression de cette enzyme. Il est alors sug­géré que la PrPC pourrait être responsable de la détoxification des espèces réactives de l’oxygène (ROS). Cette fonction, qui se ferait grâce à la liaison de la PrPC au cuivre, reste cependant controversée.

Rôle dans l’adhérence

La PrPC est un récepteur à haute affinité pour la laminine. En effet, des études en culture cellulaire montrent qu’en se liant à ce partenaire, la PrPC affecte non seulement l’adhésion cellulaire neuronale, mais aussi la formation des neurites. Ce rôle d’adhérence de la PrPC est en outre confirmé par des études qui mettent en évidence l’inter­action de la PrPCaveclatyrosine kinase p59Fyn et N-CAM, toutes les deux impliquées dans la croissance neuritique.

Par ailleurs, le récepteur de la lami­nine peut se lier à la PrPC présente sur d’autres cellules et contribuer ainsi à la communication intercellulaire. Il a également la capacité de lier la PrPSc, contribuant ainsi à la propagation de l’agent infectieux. L’interaction de la protéine prion avec le récepteur de la laminine a lieu par l’intermédiaire de glyco-amino-glycannes (GAG), notamment des héparanes sulfates, décrits comme des acteurs de l’adhésion cellulaire.

Rôle dans la survie cellulaire

Le rôle de la PrPC dans la survie cellulaire est avancé en raison de sa capacité à se lier à plu­sieurs facteurs qui interviennent dans l’apoptose. Tout d’abord, des travaux réalisés sur des explants de rétine montrent que la PrPC peut se lier à la stress inducible protein 1 (STI1), ce qui induirait un signal de neuroprotection empêchant l’apoptose des neurones. De plus, la PrP présente une homologie de séquence des répétitions octa­peptidiques avec le domaine 2 de Bcl-2 dont le rôle anti-apoptotique est important.

La fonction de la PrP dans la survie cellulaire est aussi confirmée en culture cellulaire, par la liaison de la PrP avec la protéine pro-apoptotique Bax. En se liant à Bax, la PrP empêcherait son activité pro-apoptotique et la mort cellulaire engendrée.

Rôle dans la transduction de signaux

La localisation membranaire de la PrP, ainsi que sa possible liaison avec différents partenaires, font de cette protéine un acteur essentiel de la signalisation cellulaire (voir figure en page 40).

Des études réalisées sur des coupes histologiques de cerveaux de souris montrent que l’absence de la PrPC au niveau des synapses engendre une altération de la formation des synapses et du rythme circadien, ce qui laisse à penser que cette protéine est impliquée dans la neurotransmission et l’activité neuronale du système nerveux central. Cela est aussi corrélé avec la capacité de la PrPC à lier la protéine kinase Fyn, trouvée abondamment dans les synaptosomes du cerveau et impliquée dans la potentialisation à long terme.

La PrPC jouerait également un rôle de signalisation au niveau du système immunitaire : chez des souris qui n’expriment pas la PrP, la prolifération des lymphocytes est réduite par rapport aux souris sauvages. De même, la prolifération des lymphocytes T humains est inhibée en pré­sence d’anticorps anti-PrPC. En outre, un rôle de la PrPC dans la transduction de signaux au niveau de la fonction du macrophage (phagocytose, migration cellulaire et production de cytokines) vient d’être mis en évidence en culture cellulaire et in vivo chez la souris.

Rôle dans l’olfaction

Selon une étude récente(1), la PrPC jouerait un rôle important dans le système olfactif et pour­rait influencer considérablement l’odorat.

En 2008, C. E. Le Pichon et ses collaborateurs ont montré, via des analyses immunohistochimiques, que des récepteurs de la PrPC sont localisés sur les axones des neurones du système olfactif périphérique et central (cellules mitrales du bulbe olfactif). En 2009, la même équipe démontre que des souris transgéniques, qui n’expriment pas la protéine prion cellulaire, présentent des perturbations olfactives, notamment en ce qui concerne la reconnaissance et la différenciation des odeurs. Des perturbations physiologiques au niveau du bulbe olfactif seraient responsables de cette modification de l’odorat chez les souris Prnp-/-.

Ainsi, malgré toutes les études sur le rôle de la PrPC, sa fonction n’est pas encore vraiment définie. La protéine prion ne semble pas enfermée dans un seul rôle mais, au contraire, serait impliquée dans une multitude de fonctions dépendantes de l’environnement et de ses partenaires.

  • (1) C.E. Le Pichon et coll. : « Olfactory behavior and physiology are disrupted in prion protein knockout mice », Nat. Neurosci., 2009, vol. 12, n° 1, pp. 60-69.

  • La bibliographie complète de cet article est disponible sur le site WK-vet.fr, rubrique “La Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”.

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