La cystite idiopathique est l’une des manifestations du stress - La Semaine Vétérinaire n° 1390 du 29/01/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1390 du 29/01/2010

Urologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Lauren Figueres

Elle ne serait qu’une expression d’un syndrome qui touche plus largement l’organisme, notamment l’appareil urinaire.

Comme la plupart des organes, le bas appareil urinaire possède un répertoire de réponses aux agressions assez limité et peu spécifique. Les mêmes signes de maladie de cet appareil peuvent être dus à des facteurs extérieurs (infection bactérienne, par exemple), intrinsèques (comme une néoplasie) ou à divers désordres qui touchent d’autres systèmes (affection de la moelle épinière, maladie virale ou diabète, etc.).

La cystite interstitielle féline (ou cystite idiopathique) est décrite comme une maladie aiguë ou chronique qui s’exprime par des signes d’atteinte du bas appareil urinaire fluctuants, une urine stérile, l’absence d’anomalies cytologiques qui peuvent laisser suspecter une néoplasie et l’échec dans l’identification d’une cause après un examen par la technique d’imagerie appropriée. Le terme de cystite interstitielle, créé en 1887 en médecine humaine, suggère qu’une inflammation de l’interstitium de la paroi vésicale est à l’origine des troubles. Pourtant, dans la plupart des cas, cela ne se vérifie pas chez le chat.

Des troubles digestifs, cutanés et respiratoires pourraient être associés

Pendant des années, les chercheurs se sont focalisés sur la vessie pour expliquer les symptômes. Ils ont tenté de mettre en évidence un agent infectieux ou toxique, mais ils se heurtaient à un problème de taille : les lésions vésicales n’étaient pas corrélées aux symptômes. Finalement, les aspects nerveux ont été explorés, faisant ressortir une différence entre les fibres sensitives des chats sains et celles des chats atteints de cystite (l’examen électromyographique révèle une dépolarisation plus longue et une absence de repolarisation des fibres chez les chats atteints). Plus surprenant, d’autres nerfs présentaient la même anomalie, y compris des fibres issues de segments médullaires antérieurs à L3. Ainsi, une anomalie généralisée des fibres sensitives a été mise en évidence. Cela suggère que la cystite idiopathique ne serait qu’une manifestation d’un syndrome qui touche plus largement l’organisme. Des troubles digestifs, cutanés et respiratoires pourraient, par exemple, être corrélés à ce syndrome.

Chez l’homme, des études affirment que dans 5 à 20 % des cas, le stress est à l’origine du développement d’affections chroniques de nature diverse.

Le système de réponse au stress peut augmenter la perméabilité des épithéliums

Les réactions du système de réponse au stress ont été particulièrement étudiées chez des chats atteints de cystite idiopathique. Il est notamment démontré que ces réponses, lors d’une menace, sont augmentées chez les chats atteints par rapport aux chats sains (par exemple, réaction de sursautement accrue). Le contrôle par les glandes surrénales est également beaucoup moins efficace chez les chats atteints, corrélé à une différence notable de la taille du cortex surrénalien.

Au cours de la gestation, la mère transmettrait ses réponses au stress à ses fœtus, entraînant une différence de développement des glandes surrénales. Ainsi, une stimulation importante du système de réponse au stress, en l’absence d’inhibition corticale appropriée, produit des effets notamment sur l’appareil urinaire. En effet, cette activation peut augmenter la perméabilité des épithéliums, permettant aux agents environnementaux d’atteindre plus facilement les neurones sensitifs et de déclencher une inflammation locale.

Les éléments qui déclenchent le système de réponse au stress varient d’un individu à l’autre et dépendent de facteurs internes (influences génétiques) et de l’expérience précoce (événements marquants, traumatismes). Le risque de développer une cystite idiopathique dépend donc à la fois de la sensibilité individuelle du chat et de la somme des facteurs environnementaux qui génèrent un stress. La seule influence sur laquelle le clinicien pourra jouer est l’environnement. Dans de nombreux cas, cela permet de faire diminuer le stress et de redescendre sous le seuil d’apparition de maladies inflammatoires chroniques.

Identifier et agir sur les causes de stress pour éviter les récidives

Comme les signes de l’affection aiguë rétrocèdent en deux à trois jours, avec ou sans traitement, la difficulté est de faire comprendre au propriétaire que le problème sous-jacent n’est pas résolu. En effet, environ la moitié des chats qui présentent un épisode de cystite idiopathique souffrent d’une récidive dans les douze mois. Identifier les facteurs environnementaux à l’origine du stress n’est pas toujours évident et l’implication du propriétaire nécessite une communication de bonne qualité. Il convient de s’assurer que celui-ci a bien compris l’enjeu de l’identification des causes de stress dans la vie de son chat et qu’il est prêt à collaborer pour améliorer le bien-être de l’animal.

Enrichissement du milieu et limitation des conflits sont deux mesures à appliquer

La première démarche consiste à mettre en place l’enrichissement de l’environnement. La règle du nombre de bacs à litière (s’il y a x chats dans le foyer, il faut disposer x + 1 litières) peut être appliquée aux points d’eau et de nourriture. Les gamelles sont à disposer dans des endroits calmes. Les aliments humides sont préférables pour les chats atteints de cystite, à condition qu’ils plaisent à l’animal et à son maître. Si un changement alimentaire doit être tenté, mieux vaut proposer le nouvel aliment dans une gamelle séparée, à côté de l’ancien. Le chat pourra ainsi exprimer sa préférence. Pour ceux qui n’ont pas accès à l’extérieur, le comportement de prédation peut être satisfait en cachant de petites quantités d’aliment ou en utilisant un jouet qui délivre des croquettes lorsqu’il est en mouvement. Ils ont également besoin de griffoirs, de jouets, de perchoirs et de cachettes.

La deuxième étape consiste à identifier des éventuels conflits. Dans les foyers qui possèdent plusieurs chats, les querelles sont communément présentes, parfois de manière insidieuse, si bien que le propriétaire ne s’en rend pas compte. Il en est ainsi du chat qui évite au maximum de croiser ses congénères et qui passe de plus en plus de temps dans les pièces les moins fréquentées. Ce chat-là développera une tendance à la malpropreté si le bac à litière lui paraît inaccessible à cause des autres chats. A l’opposé, certains chats ont une attitude plus offensive et restent toujours à proximité des autres pour contrôler l’interaction.

Parmi les causes identifiées de conflit, la plus fréquente est la compétition pour les ressources (d’où la règle des x + 1 déjà évoquée). Un chat qui vit seul peut également se sentir menacé par un autre chat du voisinage qu’il aurait aperçu par la fenêtre, ou par un individu d’une autre espèce. Dans certains cas, une consultation avec un comportementaliste peut se révéler nécessaire.

D’autres approches thérapeutiques peuvent être employées

L’utilisation de phéromones de synthèse (Feliway®) peut compléter un enrichissement de l’environnement. Elles sont notamment utilisées lors des voyages, en vaporisant la boîte de transport au moins quinze minutes avant le départ (en effet, l’éthanol qui véhicule les phéromones doit avoir le temps de se dissiper, car il est peu apprécié par les chats).

Si les mesures évoquées ne suffisent pas à enrayer les signes cliniques, des molécules de la famille des antidépresseurs tricycliques ont aussi leur intérêt. L’amitriptyline(1) peut être employée à la dose de 5 mg/j en une prise, plutôt le soir. Les effets secondaires incluent une léthargie, un gain de poids et une rétention urinaire. La dose est à ajuster pour obtenir une réponse optimale (ne pas dépasser 10 mg/j). La clomipramine (Clomicalm®) peut également être prescrite à la dose initiale de 0,25 à 0,5 mg/kg en une prise quotidienne.

En outre, le polysulfate de pentosan(1) (Elmiron®), utilisé en médecine humaine pour traiter la cystite interstitielle, a été testé chez le chat. Une amélioration a été observée, mais sans différence significative par rapport au groupe qui a reçu un placebo.

  • (1) Pharmacopée humaine.

CONFÉRENCIER

Tony Buffington, professeur à l’université vétérinaire d’Ohio (Etats-Unis).

Article rédigé d’après les conférences « Cystite interstitielle féline : un syndrome allostatique ? » et « Cystite féline interstitielle : élargir les approches thérapeutiques », présentées au congrès de la section vétérinaire de la Société française de félinotechnie, à Lyon, en novembre 2009.

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