Connais-toi toi-même…

Il existe deux types d’individus au comportement radicalement opposé : les chercheurs de nouveauté et ceux qui fuient l’inconnu, préférant la routine et les habitudes. Ils sont attirés les uns par les autres, tout en restant prisonniers de leurs caractéristiques. La prise de risque reste la motivation profonde du chercheur de sensation, tout comme la peur de l’inconnu demeure la motivation de celui qui se complaît dans la routine de son existence. Pour comprendre pourquoi ces deux attitudes cohabitent, il faut prendre conscience du besoin de notre société de maîtriser collectivement le danger au nom du principe de précaution. Elle est ainsi tournée vers la prévention à tout prix et vers la répression. Or trop d’ordre suscite la rébellion des amateurs de sensations. La transgression est alors une manière de survivre. Celui qui recherche la nouveauté de la sensation veut réinventer sa vie chaque jour. Celui qui préfère l’habitude veut la conforter, la préserver au quotidien.

Un type de voyage pour chaque type de personnalité

Le choix des vacances donne de précieux renseignements pour ranger un individu dans la catégorie des chercheurs de nouveauté ou des allergiques à l’imprévu. Il existe pour cela des classifications établies par des sociopsychologues. Deux correspondent à des personnalités introverties : les « explorateurs » et les « touristes guidés ». Deux autres à des caractères extravertis : les « aventuriers » et les « touristes amateurs de groupe ». Les explorateurs ne sont pas organisés. Ils sont souples, évitent la foule et ont horreur de ce qui est planifié. Ils n’aiment pas se faire remarquer en société et disposent de peu d’aisance sociale. En revanche, ils apprécient d’aller vers ceux qu’ils ne connaissent pas. Ils recherchent les sensations et fuient l’ennui. Les aventuriers ont de nombreux points communs avec les explorateurs, mais ils n’ont que peu de goût pour la solitude. Ils ont besoin de leurs amis. Ils aiment bouger et ne peuvent donc pas rester longtemps au même endroit. Ils s’opposent à ceux qui se rendent chaque année au même endroit. Ils recherchent des sensations et des expériences, comme les explorateurs.

Pour leur part, les touristes guidés sont obsédés par la préparation des voyages. Ils sont méticuleux. Ils compulsent des guides sur le lieu de leur destination avant de partir. Ils aiment voyager avec leur conjoint ou leurs amis. Chez eux, tout est planifié. Ils privilégient le cercle familial ou celui des amis plutôt que d’aller vers de nouvelles rencontres. Quant aux touristes amateurs de groupe, ils apprécient la compagnie des autres, les rencontres, les distractions nocturnes et sportives. Ils sont volontiers suiveurs, s’intègrent bien à la “meute”.

Les recherches relatives à la chimie du cerveau pourraient contribuer à percer les mystères de ces différents comportements. Le lobe frontal est la région qui nous fait agir, entreprendre, nous révolter. La dopamine semble jouer un rôle important en la matière. Mais ces travaux prometteurs n’en sont qu’à leur début.

Comprendre son mode de fonctionnement est le premier pas vers le plaisir

Les extrêmes s’attirent. Les routiniers admirent secrètement les amateurs de sensations. Et ces derniers jalousent la tranquillité ou l’apparente tranquillité des tenants de l’habitude. Pourtant, aucun des deux modes de vie n’est satisfaisant dès lors qu’il est extrême. La solution consiste donc à se pencher sur son fonctionnement et à prendre confiance. Un chercheur de nouveauté compulsif ne sera jamais satisfait. Celui qui s’enferme, sans s’ouvrir à autrui, non plus. Il faut donc “positiver” ses habitudes et comprendre pourquoi nous agissons de telle ou telle manière.

Roland Barthes a longtemps analysé la cérémonie du thé au Japon. Un geste habituel sans être répétitif dans la mesure où chaque sensation est différente si elle est approfondie. La réflexion sur l’action accomplie et le plaisir de savourer a posteriori est une façon, pour le chercheur de sensations, de se calmer et de trouver la profondeur après l’action.

Qui que nous soyons, nous avons un chemin à parcourir vers nous-mêmes et les autres. Ce statut de promeneur tranquille nous réserve bien des plaisirs.